Allongée sur le canapé, j’observais le plafond. J’avais rendu les armes au début du mois. Mon chef avait fini par m’engueuler, et m’obliger à cesser le boulot. Vingt-deux jours à ne rien faire. Vingt-deux jours à trainer mes guêtres dans ma maison, à faire le ménage, lire des livres, engueuler Rodolphus – pour tout et n’importe quoi – et m’ennuyer cordialement. J’en avais marre, j’avais juste envie qu’il sorte. Comme il voulait, quand il voulait, où il voulait mais je voulais juste qu’il sorte. Qu’il arrête de m’appuyer comme un forçat sur ma vessie, qu’il arrête de prendre mon ventre comme un punching ball. Fallait juste qu’il sorte.
«
Bon, alors, tu as choisi ton témoin ? » lui ai-je demandé, pour penser à autre chose. Cilian, il était revenu au boulot quand moi j’en étais partie. Et cet après-midi, je lui avais demandé de venir. Parce que je le trouvais pas au top de sa forme, le Londubat. En même temps, si l’on regardait ce qui se passait dans sa vie, cela pouvait paraitre logique. «
Non » Je me suis redressée en soupirant. «
Cilian… » «
Quoi ? J’ai le droit d’hésiter, non ? » J’ai attrapé mon verre d’eau. «
Mr Ogden il comprendra si tu choisis ton frère » «
Je sais pas, c’est un de mes meilleurs amis, j’peux pas l’évincer comme ça » «
Du moment qu’il est invité, je vois pas le prob… » J’ai émis un grognement de douleur. «
Ça va ? » Cilian, il était déjà debout. Inspire. Expire. Inspire. Expire. «
J’ai l’air d’aller là ? » ai-je rétorquée sèchement. Une nouvelle contraction m’imposa le silence, et une grimace douloureuse. «
Je… j’crois que… » J’ai attrapé le bras de Cilian – lui enfonçant mes ongles dans la chair – qui s’est arrêté de parler. «
Tais-toi ! » Inspire. Expire. «
Ivy… » Inspire. Expire. «
Ivy… » Inspire. Expire. Je retire ce que je dis, il est hors de question qu’il sorte de mon ventre. «
Ivy » «
QUOI ? » Il a sursauté. «
Tu… enfin… faut… » Il me désignait la flaque d’eau au sol. Je lui ai serré encore plus le bras. Lui, il était blême. «
Amène-moi à Sainte-Mangouste ! » «
Tu veux pas que j’appelle Les..Rodolphus… lâche-moi tu me fais mal » Sans lâcher ma prise, je l’ai attiré à moi. «
Amène-moi tout de suite à Sainte-Mangouste, ou je te jure que mon mari ne sera plus ton meilleur ennemi ! » Autant un tant qu’auror, aucune situation ne l’inquiétait ou lui faisait peur, autant là, il était aussi blanc que le mur de Sainte-Mangouste. On était passé par la Poudre de Cheminette, je ne pouvais plus transplaner.
Les médicomages, ils m’ont tout de suite accueillie, transportée en salle d’accouchement. Moi, j’essayais de contenir la douleur des contractions. Cilian, j’crois qu’il aurait préféré être partout sauf ici. Je l’ai vu envoyer un patronus. Je lui ai broyé la main, et j’entendais les médicomages qui parlaient sans parvenir à en saisir les mots. Cilian, il hochait la tête, sans quitter des yeux le médicomage. «
Vous allez respirer Mr Londubat, et vous aussi Mrs Londubat » Je crois que j’ai serré encore plus la main de Cilian «
Je suis Mrs Lestrange ! » ai-je grogné à l’intention du médicomage. «
Qu’est-ce qui fout ?! » ai-je crié sur Cilian. «
Il… va… il va arriver… occupes-toi de sortir ton bébé ! » «
Pas tant qu’il est pas là ! » «
Si ce n’est que nous n’allons pas pouvoir attendre plus longtemps » Le médicomage s’est pris un regard noir. «
Je vous jure que si… » J’ai retenu le cri de douleur de la contraction. Si on m’avait dit que ça faisait aussi mal, jamais je n’aurais voulu avoir un gosse. Rodolphus je te hais, si tu savais. «
Tu veux que j’aille le chercher ? » a demandé Cilian, la voix presque assurée. «
Tu bouges d’ici, t’es mort ! » En plus, on avait pas fini la conversation sur son mariage.
J’avais chaud, en sueur. La douleur était très forte. Et même si je n’avais guère envie qu’il sorte, j’étais impatiente de le voir. Pourtant, je ne pouvais pas m’empêcher comment un être aussi petit pouvait faire autant mal ? Les doigts de Cilian dans ma main me permettaient de supporter la douleur – lui, il résistait bien en revanche. J’entendais le médicomage qui me parlait, me demandait de pousser, et moi qui voulait qu’une chose que ce crétin de Rodolphus transplane. Vite. J’avais l’impression d’être dans un état second, sans réellement comprendre ce qu’il se passait autour de moi, et pourtant, j’ai bien senti la main de Cilian qui se dégageait de la mienne, non sans difficulté. «
Reste-là ! » ai-je lancé, sèchement, avant qu’une autre main remplace celle de mon meilleur ami. Je l’aurais reconnu entre mille, cette main. J’ai broyé sa main, au moment même où j’entends un cri. J’étais encore en sueur quand on m’a posé ce petit bonhomme sur le ventre. Je n’avais toujours pas lâché la main de mon mari. «
Dis bonjour à papa, Raphaël » J’avais une furieuse envie de dormir.