The serpent queen [Heliah]

Je me souviendrais toujours de ce moment où nous avons appris que l'oncle Morann, mon parrain, nous avait quittés pour un monde meilleur comme disait papa. Ma mère avait passé des jours sans pouvoir sortir du lit et du haut de nos huit ans à peine nous avions bien compris qu'elle n'était pas juste fatiguée comme le soutenait son mari. Honorine avait même déclaré avec sagesse alors que nous dinions tous les trois.

" On ne le reverra plus tonton Morann n'est ce pas ? Il est parti pour toujours."

Notre père, ne sachant pas trop quoi répondre, avait confirmé d'un signe de tête avant de nous serrer contre lui et d'embrasser nos fronts.

Nous avons passé une bonne semaine sans avoir de nouvelle de l'autre tonton, Julius, qui avait simplement disparu depuis le décès de son compagnon. C'est un matin que j'ai été réveillé par sa voix dans la cuisine de notre appartement au-dessus du restaurant de papa. Il discutait avec ma sœur mais il avait l'air épuisé et tellement triste ! Le retour de Julius avait au moins eu le mérite de faire sortir maman de sa torpeur et il est resté un long moment chez nous. Honorine était contente d'avoir son parrain à la maison mais le mien avait disparu et ça rendait tout le monde triste. Mon père tenait tout le monde à bout de bras. Un soir nous aidions a mettre la salle en place pour une soirée particulièrement chargée et en prenant les couverts que me tendait Julius j'ai senti une énorme vague de chaleur m'envahir et j'ai soudain tout vu avec un voile devant les yeux. Julius qui donnait des coups de couteau a Morann. J'avais envie de vomir, de ne plus voir ça, jamais mais je l'ai vu lui aussi, cet homme effrayant qui avait l'air de tenir Julius en joug avec sa baguette, comme s'il le ... contrôlait. J'avais mit longtemps à comprendre ce que je venais de voir mais j'étais certaine que Julius était innocent même si je n'aurais pas su expliquer ce que j'avais vu. J'avais déjà vu plusieurs fois les yeux de mon père se voiler quelques instants avant qu'il ne nous fasse une grande révélation. Il appelait ça des visions, est ce que moi aussi je venais d'en avoir une ? L'envie de vomir devenait de plus en plus intense et je ne pu m'empêcher de dire tout haut :

" MAIS POURQUOI IL A FAIT CA ! "

Je voulais parler de cet homme effrayant qui contrôlait l'oncle Julius, celui-ci me regardait d'un air ahuri et en un instant je décidais de ne pas parler de ça, tout le monde avait bien assez souffert et ça ne ramènerais pas mon parrain auprès de nous. Julius avait été forcé à le tuer et si on avait jugé bon de ne pas en parler, je n'en parlerais pas non plus. D'ailleurs j'allais garder pour moi aussi mes visions si s'en étaient. On allait forcément me demander ce que j'avais vu. Devant le regard interrogateur de mon oncle je cherchais quelque chose qui justifierait ce que je venais de dire et je dis simplement.

" Les couteaux sont pointés en haut c'est dangereux !"

Puis je souri du mieux que je pus et attendis de pouvoir fuir la pièce sans trop me faire remarquer pour aller vomir. Je ne sais pas si les adultes en ont parlé entre eux, je ne sais pas ce qu'ils ont compris ou pensent avoir compris mais personne ne m'en a jamais reparler et par bonheur je n'ai jamais eu à me justifier même quand, bien plus tard, j'ai eu une autre vision de ma mère avec un autre homme que mon père. Ce qui m'a conforté dans l'idée de ne jamais parler de mes visions à qui que ce soit. JAMAIS.