Petit retour dans le passé | Heliah

Ce samedi, j’avais demandé à ne pas travailler. Et mon formateur, Jérémy, avait accepté. J’avais besoin d’aller à Pré-au-Lard, parce qu’il y avait une sortie des élèves. Et qu’il y avait quelqu’un que j’avais envie de revoir. Je ne l’avais pas revu depuis que j’étais sortie moi-même de Poudlard. Cela faisait deux ans, mais il s’était passé tant de choses au cours de ces deux années. La mort de mes parents, celle de mon frère, l’« abandon » que je qualifiais de cruel, de la part de Sirius. Le début de mes études intenses mais tellement grisantes. La réconciliation avec Sirius, même si l’on ne s’était pas revus depuis. Je n’avais clairement pas vu le temps passer. Et aujourd’hui, il était temps de prendre des nouvelles de me petite Serpentarde préférée. Je lui avais envoyé un hibou pour l’inviter aux Trois Balais. J’avais toujours aimé cette auberge, même sil était un peu trop fréquentée par les professeurs de Poudlard, elle restait néanmoins très agréable. Et j’avais été contente qu’elle réponde dans la positive à mon invitation.

J’avais donc demandé à Jérémy Baker, le médicomage pédiatrique qui me formait, de me laisser mon samedi de libre. Il m’avait même laissé mon dimanche. Jérémy, c’était mon mentor. J’aimais tellement la façon dont il avait d’exercer la médicomagie. Il utilisait même la médecine moldue, et moi je trouvais ça génial. Il travaillait un jour sur deux à Sainte-Mangouste, et un jour sur deux à l’hôpital moldu de Londres, prétextant que tous les enfants avaient le droit à être soigner. Et j’étais tellement en accord avec ça, mais j’ignorais si un jour, moi j’arriverais à être comme lui. Il avait quand même deux thèses, le type. Une chez les sorcières, pour son titre de médicomage pédiatrique. Et une chez les moldus, pour son titre de pédiatre urgentiste. Nombreux auraient eu la grosse tête, montrant qu’ils étaient les meilleurs, lui, il restait juste humble. Se fichant éperdument de ce que l’on pouvait penser de lui. Il exerçait juste sa médecine. Le reste n’avait que peu d’importance. Moi, j’voulais être comme lui. Mais j’avais encore tellement de chemin à faire, j’en étais si loin.

J’avais passé un jean bleu clair, qui découvrait mes chevilles, et un chemisier blanc, avec un peu de dentelle sur les manches. J’ai passé mon gros manteau d’hiver, sans être frileuse, l’air était un peu froid en ce mois de novembre. J’ai transplané à Pré-au-Lard, et j’ai eu un petit instant de nostalgie. Cela faisait longtemps que je n’étais pas revenue ici, et en voyant la place principale, je me suis souvenue pourquoi. J’ai ravalé mes larmes, parce que ce n’était pas le moment mais une vague de tristesse venait de m’envahir. L’attentat à Pré-au-Lard avait été terrible, et beaucoup de membres de l’OdP avaient péri, comme pas mal d’aurors aussi. Et moi, au milieu. Parce que j’aurais tellement voulu mourir en même temps qu’eux. Égoïstement. J’aimais pas être seule. J’avais pas vendu la maison parce que j’en étais incapable, même si au fond, je savais que cela me permettrait de faire mon deuil, tourner la page et recommencer ma vie sans eux.

Je suis restée deux minutes sur la place, observant un peu dans le vague, me disant que le village il m’avait manqué, même s’il me rappelait le plus gros drame de ma vie, j’étais contente d’être là. Et puis, j’allais voir Heliah, et ça, c’était le plus important de la journée. J’ai pris la direction de l’auberge des trois balais. Heliah était tout au fond de la salle de dos. J’avais reconnu sa jolie tignasse. Madame Rosemerta m’a alpagué devant son comptoir. « Ma petite Marlène, quelle joie de te voir, cela fait si longtemps ! » Je reconnais que pendant quelques secondes, j’ai eu un peu honte de ne pas être revenue plutôt. « Bonjour Rose » Tout le monde l’appelait Rose, mais je savais même pas si c’était réellement son prénom. « Je suis désolée, j’ai eu tellement de travail, vous savez » « Et tu fais quoi ? » « Apprentie-médicomage » « Beau métier, ça… Je te sers quoi ? » « Une biéraubeurre s’il vous plait… je rejoins Heliah, là-bas » Elle a hoché la tête « Je t’apporte ça à votre table » « Merci Rose » Je me suis approchée lentement derrière Heliah, et je lui ai plaqué mes deux mains sur ses yeux. « Devine qui c’est… » lui ai-je murmuré à l’oreille.

Il était assez rare qu'Honorine ou moi recevions a Poudlard du courrier de quelqu'un d'autre que de nos parents, de l'oncle Julius et plus occasionnellement de notre grand-mère paternelle, qui tenait absolument à ce qu'on l'appelle Bonne-maman. J'avais donc été surprise quand un hibou gris et ébouriffé avait déposé devant moi une lettre d'une écriture que je ne reconnut pas. D'habitude je recevais mon courrier de Vatel, l'énorme grand duc au plumage mordoré de la famille. Papa avait choisi ce nom en hommage à un illustre cuisinier Français. Intriguée, j'avais ouvert le plis et un sourire avait fait son apparition. Il était pourtant rare de me voir sourire, et encore moins le matin. Mais ! Marlène me conviait a la retrouver a Pré au lard lors du prochain week-end ou ce serait autorisé. Je n'avais même pas fini mon bol de porridge, j'avais filé tout de go a la salle commune pour lui répondre et lui donner la date ou ce serait possible. Une semaine après la réception de cette lettre donc. Le hibou avait eu l'intelligence d'attendre ma réponse avant de repartir. Rendez-vous était pris et j'avais si hâte de la revoir ! Même s'il s'était passé beaucoup de choses dans nos vies depuis qu'elle avait quitté Poudlard. Nous n'avions pas eu beaucoup l'occasion de nous revoir mais j'avais eu vent de certains drames dans sa vie. Si l'attaque de Poudlard avait failli me coûter ma sœur, celle de Pré au lard avait eu raison de certains membres de sa famille si mes infos étaient exactes. J'étais curieuse de savoir ce qu'il s'était passé,bien-sûr, mais je n'allais certainement pas lui en parler.

Dans les jours qui suivirent j'avais négocié avec ma soeur pour l'aider à finir ces devoirs d'histoire de la magie contre les quelques gallions d'argent de poche qui lui restaient (histoire de pouvoir au moins me payer une bieraubeurre et ne pas me taper la honte devant la geniallissime Marly). Bien-sûr je rembourserais Honorine le mois prochain. Elle ne me le demandait même pas mais je trouvais ça normal. Elle avait toujours été plus économe que moi et elle rêvait de s'offrir un machin moldu étrange pour observer le minuscule. Inutile selon moi mais moi aussi je mettais de côté pour ma guitare et je n'aurais pas aimé qu'elle pioche dans mon pécule sans me le rendre.

Le jour J je m'étais violemment disputée avec Pippa. Elle m'avait fait une vraie crise de jalousie dans le dortoir alors que je me préparais. J'avais enfilé un jean éraflé au genoux, une paire de boots noires, un pull blanc crème et une veste en jean avec du tulle que j'avais customisée pendant l'été.

" Fais pas la gueule. J’te retrouve ce soir. "

J'avais déposé un baiser sur la joue de ma meilleure amie avant de disparaître du dortoir et de rejoindre le flot d'élèves qui prenait le chemin du village. Arrivée aux trois balais j'avais informé Rosmerta que j'attendais quelqu'un, puisqu'elle n'était pas encore arrivée la jolie Marlène. Je m'étais installé à la seule table libre mais je ne pouvais pas voir l'entrée d'où j'étais. Ainsi, je sursautais légèrement quand des mains fraîches m'obstruèrent la vue.

« Devine qui c’est… »

Un sourire illumina mon visage et je fis semblant de réfléchir un moment.

" Hummm heu ... Laisse moi deviner. Mais bien sûr ! Le scrout a pétard qui m'a volé un baiser ce matin ! "

J'éclatais de rire à ma propre bêtise avant de me retourner vers elle en ajoutant d'un ton faussement déçue.

" Ha merde non ... Ce n'est que toi McKinnon... "

Je me levais pour lui laisser la place de s'installer après l'avoir prise brièvement dans mes bras.

" J'déconne bien sûr. J'suis trop contente de te voir ! Ça m'a fait super plaisir de recevoir ta lettre. Comment tu vas depuis le temps. Toujours à St Mangoute ?"

C’aurait été quelqu’un d’autre, j’aurais sans doute mal pris ce qualificatif, mais venant de la serpentarde, je trouvais ça plutôt mignon. J’l’adorais Heliah. « Mais dis-moi, vous vous êtes améliorés en insulte, les verts et argents !» ai-je répondu, avec un grand sourire moqueur. « Ravie de te voir, aussi Slug’ » Je lui ai claqué une bise sur la joue en lui rendant son étreinte. Cela faisait longtemps que je ne l’avais pas vu, et je m’en voulais un peu d’avoir laissé le temps filer sans avoir pris des nouvelles d’elle.

Depuis que j’étais partie de Poudlard, je reconnais que les années avaient été compliquées. Mes études me prenaient énormément de temps, et le décès de mes parents et de mon frère m’avaient pris tout celui qui me restait. Mais j’pouvais pas m’empêcher de me sentir coupable de ne pas avoir pris le temps. Pour les autres. Je l’avais reproché à l’ainé des Black, qu’il m’avait lâchement abandonné. Qu’il s’était déclaré absent roucoulant avec sa donzelle Carrow. Mais au fond, j’avais un peu fait la même chose avec tous mes amis. Le décès de ma famille m’avait fait oublier tout le reste. Ce n’était pourtant pas une excuse. Mais j’crois, au fond, que je ne voulais pas de leur pitié à tous ceux qui m’entouraient. J’avais eu besoin d’être seule pour faire mon deuil. Mais était-ce une raison pour ne pas donner des nouvelles régulièrement ? Pouvais-je vraiment reproché à l’un, ce que je faisais à l’autre ?

Je me suis installée face à elle, dans un grand sourire. Cette petite sortie, je savais que cela allait me faire du bien. Oublier un peu ce que je faisais au travail, mes études, le deuil compliqué. Juste elle et moi, dans la meilleure auberge de Pré-au-Lard. Un petit retour à l’adolescence, où tout semblait être paisible et que rien ne pouvait nous arriver. A Poudlard, on était loin de la réalité. Nous étions tous dans un cocon, protégés du monde extérieur. Mais cela faisait mal quand on se le prenait de plein fouet.

« Moi aussi, je suis super contente que tu aies acceptée. » Toujours aussi mignonne la vert et argent. « Oui, je suis en pédiatrie, même » J’ai toujours voulu soigner les enfants, mais honnêtement, je ne pensais pas m’y confronter si vite dans ma formation. J’avais toujours été persuadée d’aller d’abord en stage dans les services pour adultes, pour me former totalement, et seulement après avoir le droit de soigner les enfants. J’avais été hyper surprise mais tellement heureuse lorsque l’on m’avait annoncé mon affectation pour mon stage. Et j’travaillais dur pour être à la hauteur de mon formateur, et prouver aux professeurs qui m’avaient mis en pédiatrie, qu’ils ne s’étaient pas trompés. « Et toi, comment ça se passe Poudlard ? » La quatrième année était la dernière année de l’insouciance. A partir de la cinquième année, il fallait choisir ce que l’on voulait faire, prendre les bonnes décisions, travailler dur pour pouvoir garder les matières qui nous serviraient pour nos études. On entrait un peu trop vite dans l’adolescence et la vie d’adulte, et son métier. C’était un peu perturbant. Parce qu’à la fois, on restait dans notre enfance, à jouer avec nos copains, et on voulait déjà être adulte pour être indépendants. « Et les amours ? » Oui, j’suis curieuse. J’ai remercié Rosemerta pour ma biéraubeurre qu’elle m’apporta.