When things go wrong I pretend that the past isn't real | Mayra

Mayra Alushi.
Depuis quelques temps, je m'emploie à jouer un jeu dangereux dans ses hanches. À aimer cette proximité entre nos deux êtres. À évoluer vers un concept avéré de fidélité que je ne me connais pas vraiment. À vouloir être auprès d'elle, alors que je ne le mérite pas. Parce que je ne suis pas le meilleur des gars. Je ne suis pas fait de lumière, mais fait de ténèbres. Et, elle n'a pas besoin de cela, celle dont je regarde la poitrine se lever à la moindre de ses respirations. Elle sommeille, alors que je la veille. Après avoir scellé nos deux corps dans une chorégraphie impeccablement maîtrisée, dont je nous ai laissés fourbus.

Je ne sais pas ce que nous sommes l'un et l'autre. Ce que nous sommes l'un pour l'autre. Tout ce dont je suis assuré en revanche, et que cela s'avère être indéniable : cela est que je ne peux m'imaginer sans sa compagnie. Sans ses innombrables "Wellington" insolents et qui ont le don parfois de m'attendrir ou de m'insupporter sans que je n'en sache la réelle provenance. Et, comment je pourrais décemment réagir si par malheur, je ne les entendais plus ?

Cela est bien la résultante à tout cela, n'est-ce pas ? Je dois l'éloigner de moi. Pour ne pas qu'elle se fasse grignoter par ce que je suis au plus profond de mon être. Pour ne pas être salie, même si, au fond de moi, je sais que cela est déjà le cas et que c'en est irréversible. Que ... dès que l'on prétend m'approcher, il n'y a nul retour en arrière. Et, cela est ce que je ne souhaite aucunement, pour elle. Alors, tôt ou tard, je devrais enfiler mon costume du parfait connard. Et, peut-être ai-je décidé que cela serait aujourd'hui ? Au réveil de la brune endormie. Avec un soupir, je m'extirpe du lit, ayant compté et recompté les dalles qui constituent mon plafond et qui ne sont pas une réelle échappatoire.

Et, je ne sais aucunement depuis combien de temps dure cette mascarade, mais bien trop longtemps à mon goût. Et ça me fait chier. Et ça m'emmerde. Jusqu'à ce que je sois sous une douche glacée, apte à me remettre les idées en place. Sachant pourquoi, je vais m'échiner à faire cela. Pourquoi, je vais briser ce quelque chose de fragile que j'ai pourtant voulu créer, bien malgré moi. Mais si ... l'un de mes acolytes apprend que je suis proche d'une Née-Moldue, elle se trouvera automatiquement en danger. Alors, il faut que je la brise. Que je la mette plus bas que terre. Qu'elle me haïsse au plus profond de son âme. Réussir à putréfier son cœur pour qu'il n'en reste que des cendres. Dont j'aurais moi-même initié les braises.

Attendant qu'elle se lève et que Morphée daigne abandonner la si belle métisse, je me suis servi un café noir. L'attendant en boxer, devant l'îlot central de ma cuisine, je ne bois pourtant aucune gorgée. Conscient que je ne vais pas tarder à entendre ses pas descendre l'escalier en fer pour me rejoindre, j'inspire. Sentant la seconde peau qui fait de moi un parfait enculé, se rabattre sur moi. Ici, je la perçois enfin. Son odeur. Ce qui fait d'elle ce qu'elle est, et que je vais prendre plaisir à bousiller.

Comme je le fais toujours.
Et, comme je l'ai toujours fait.

- Alushi. On doit causer. Mon ton est cinglant et mon regard bleu clair s'est teinté d'ombres sourdes. Cela est aisé de te faire exécrer d'ordinaire, n'est-il pas ? Alors, pourquoi, j'ai l'impression qu'aujourd'hui, cela me coûte bien plus que je ne l'aurais cru ?

Comment effraie-t-on une souris ? En temps normal, on vous répondra dans les cuisines et les restaurants qu'il suffit d'un cri, d'un bruit sec... sauf si le petit rongeur se pense en sécurité, chez lui. Mayra Alushi se pensait-elle chez elle, chez Isaac Wellington ? Elle aurait sans doute refusé cette étiquette. Elle était chez lui, dans cet environnement incontestablement masculin, dans ce royaume de briques, et de métal, et de cuir, et de grands espaces. Ce n'était ni le capharnaüm familial de son univers familial, ni la bulle pop et classe du monde de sa Lionne. Et pourtant... elle s'y sentait bien.

Elle s'y invitait avec légèreté, savait ce qui se cachait dans chaque placard de la cuisine, et se réveillait chaque fois avec un sourire, entre ces draps. Dans un registre plus secret, elle qui n'avait jusque là pas été très intéressée par la chose explorait des territoires excitants de chaleur enivrante et de plaisirs alanguis ; elle restait un peu maladroite parfois en matière d'amour charnel, mais elle devait reconnaître que pas un instant elle n'avait regretté de s'abandonner ainsi à lui.

Mais de là à se penser chez elle... Il y avait un monde.

Était-ce de la peur qui se cachait dans son refus plus ou moins conscient de mettre un mot sur ce qui la liait à Isaac ? De définir ce qu'il était pour elle ? D'en parler avec lui ? Il semblait à la jeune femme qu'il s'agissait plutôt là d'une pleine connaissance de ce qu'étaient leurs natures respectives. Électron libre et fils du ciel. Les barrières, les carcans, ne marchaient jamais très bien dans ce genre de cas. On ne fait que tuer la liberté en l'encadrant de règles et de devoirs.

Aussi Mayra Alushi avançait-elle dans la vie, en ce mois d'octobre, avec la même légèreté qui la caractérisait d'ordinaire, préoccupée surtout, entre deux shifts, de trouver un nouveau sujet de papier à soumettre à une rédaction, après son brillant coup d'éclat consécutif à l'attentat des semaines précédentes. La présente journée commençait bien. Elle avait merveilleusement dormi, bercée par le mouvement du torse de son faucon, dans la chaleur apaisante de son corps. Elle s'était éveillée de même, un sourire aux lèvres alors qu'elle s'étirait, les sens mis en alerte par des effluves de café.

Et c'était avec la même insouciance qu'elle répondit à l'interpellation du joueur de Quidditch professionnel, minois froncé, mais sans considérer le regard assombri comme un présage de tempête.

Tout au plus, alors qu'elle secouait sa crinière sombre, arborant un T-shirt acheté d'occasion dans les profondeurs de Camden (parce qu'il était extrêmement cool et assorti au petit short qu'elle avait choisi pour la nuit), tout au plus, donc, passa-t-elle en revue mentalement les faits dont elle pouvait s'être rendue coupable, et qui auraient pu provoquer l'ire du joueur aux yeux d'oiseau de proie.

Il y avait, peut-être, effectivement quelque chose, deux trois fois rien, réalisa-t-elle en se mordant la lèvre inférieure.

« Si c'est à propos du dernier yaourt blanc qui aurait mystérieusement disparu... - je t'aime et je passerai chez Morrison's dans l'après-midi ? »

Avec un peu de chance, il s’agissait de ça, et pas de son projet d’enquête sur les rumeurs de trafic organisé via certains cabs londoniens.

A posteriori, elle réalisa la formulation qu'elle avait employée, mais... fit mine de rien.

Merde. Merde. Merde.
Moi, qui d'ordinaire brille par mon assurance présente à la fois sur et en-dehors du terrain, j'en manque cruellement à cet instant. Parce que je ne sais pas comment m'y prendre. Parce que je vais devoir me montrer cruel avec elle. Elle, avec qui j'ai entamé un ballet aux vicissitudes malheureusement amoureuses. Chose, qui m'est alors impossible d'espérer et de croire. Car, je ne suis pas la personne qu'il lui faut. Parce que mes accointances ne sont faites que de souffrances et de ténèbres, et que je n'ai pas envie de l'y plonger.

Même si elle se trouve être à la lisière du précipice. Et, que je n'ai qu'à lui octroyer une impulsion vive pour qu'elle puisse y sauter. À pieds joints.
Noah Wellington a eu raison ce jour-là, dans les vestiaires des Faucons de Falmouth, qu'elle allait tout chambouler, la métisse. Que les paradigmes de mon existence, en seraient modifiés. Pour du meilleur. Alors, qu'en ce qui me concerne, je ne peux décemment que lui offrir du pire. Assorti de ce que je sais faire de mieux : être cruel.

Le Temps semble avoir arrêté sa course folle dans mon Loft de Camden Town, alors que mes iris bleu clair scrutent cette tasse de café remplie, dont je n'ai encore bu aucune gorgée. Cela me provoque un étrange sentiment. Comme si ... c'est moi, qui en vient à me pourrir le cœur. Comme ça. Rien qu'en élaborant tout un stratagème corsé pour l'éloigner de moi, l'ancienne Serdaigle. Comme si ce que j'allais faire, ça allait me détruire aussi. Comme ça, en un claquement de doigts du Destin, que je nous inflige. À tous les deux.

Bordel ! Reprends-toi Wellington ! Tu es plus hargneux que ça, putain ! C'est juste une fille. Une fille de passage. Et rien d'autre ! Que me souffle bêtement ma Raison. Alors que ce qui me fait office de Cœur, me sert une autre version, trop agréable pour être honnête : Tu ne peux pas. C'est LA fille.
Je décide de la museler cette voix idiote. Je décide de l'enterrer aussi profondément que je peux. Bien au fond de ce que je suis en droit de lui montrer.

Lorsqu'elle me rejoint, je conserve un masque. Différent de celui que j'arbore parmi les rangs des Mangemort. Or, il est là. Il est présent sur ma figure. Je ne peux pas le retirer. Pas encore. Tout comme je ne peux ôter, le costume du parfait fils de pute. Celui qui me vaudra de la haine dans le regard noir. Avec un souffle imperceptible, je me prépare à surenchérir, jusqu'à ce qu'elle me cueille. Avec deux mots. Parce que je me fous du yaourt. Je n'en ai rien à battre de Morrison.

Mais ça me tue. Parce que je crois que je suis en mesure de ressentir la même chose. Merde. Merde. Merde.
Le même sentiment. Mais en faire abstraction.
Oublier momentanément qu'elle est magnifique. Qu'elle l'est encore plus sous mes coups de reins. Devenir comme mon père. L'espace d'un instant.

- Hum. Il n'est pas question de yaourt blanc, Alushi. Mettre dans un coin de mon esprit, ce qu'elle m'a avoué. Il est question que tu prends un peu trop de place et que je me lasse. Vite. Que c'était une parenthèse sympathique, mais qu'arrêter là. C'est mieux. Mais, nullement pour nous deux.

Il y avait eu un blanc après sa formulation malheureuse, mais spontanée (et sur laquelle un psychologue proposerait forcément de s'appesantir ; fort heureusement, Mayra n'avait pas les moyens de se payer des séances hebdomadaires, ni même à un rythme mensuel).

Il y avait eu un blanc, donc, mais tout comme elle avait fait semblant de rien, Isaac lutta activement pour ne pas relever, alors même qu'elle avait lu, l'espace d'un instant, la stupéfaction dans ses yeux. D'un commun et silencieux accord, ils passèrent sous silence cet écart linguistique et toute la vérité qui pourtant se trouvait cachée derrière, et se trouvèrent libres de retourner à quelque chose de plus concret. Les yaourts, non ?

Elle cligna des yeux. Hum. Non. Pas les yaourts.

Il était, très honnêtement, difficile de se méprendre sur ce qu’il était en train de faire. Pourtant, peut-être portée par la quiétude heureuse dans laquelle elle s’était éveillée, elle hasarda, prudente :

« Est-ce que... tu me vires de ta vie, Wellington, ou est-ce que tu me demandes de faire du ménage ? ... parce qu'il y a un monde entre les deux. »

Elle tentait une pirouette, parce qu'elle sentait sans confusion ce qu'il était en train de faire : il reprenait son envol. Une partie d’elle le savait, qu’il était la Liberté ; et qu’on n’enferme pas un oiseau de proie. Elle ne supplierait pas ; Mayra Alushi n'avait pas un ego surdimensionné, mais elle conservait une fierté qui l'empêcherait de se rendre trop ridicule, quel que soit le nombre de larmes et de cuillerées de glace qui suivraient.

Cependant... il restait la possibilité, l’espoir insensé, que le sportif ait tout simplement atteint sa limite quant au bazar que la journaliste était capable d'entraîner dans son sillage. Après tout, il vivait dans un appartement de célibataire qui, s'il avait le potentiel d'accueillir les célébrations d'une équipe de Quidditch entière, du banc et de l'arrière-banc, restait conçu pour un seul être humain. Il y avait fait sa vie, son univers, son rythme.

Il avait fallu pousser quelques affaires pour qu'elle le rejoigne plus régulièrement dans ce douillet nid. Des ajustements avaient dû être trouvé, des concessions avaient dû être faites. Et au-delà de ça... Mayra était un esprit libre, peu accoutumée aux systèmes de rangement cliniques. Elle avait pensé qu’un équilibre avait été trouvé, qu’il avait été heureux, autant qu’elle. S’était-elle trompée ? Avait-il donné le change ?

Restait que... elle aimait cette période de sa vie. Pas pour l'appartement. Pour le sentiment qu'elle éprouvait, avec son principal occupant. Toutes les façons de se sentir pleinement en vie.

Cette émotion, à nulle autre pareille, malgré tout ce qu’elle avait pu penser, malgré sa décision de ne pas supplier, malgré tout ce qu'elle avait pu comprendre de la nature de cet homme fascinant… il lui était difficile d’y renoncer, à l’heure où se réalisait une possibilité.

Avec une moue, elle leva ses yeux noirs pour entamer les négociations :

« Je reconnais que j'ai pris trop de place. Trop vite. Et... Je n'ai pas envie de t'étouffer. Ou de t'enfermer. ... je n'ai pas besoin de vivre ici, ou... ou de caser des collections de t-shirts sur tes étagères. En revanche... et j'énonce une évidence :...tu me plais. J’aime être avec toi. J’aime quand tu me fais rire et quand nous nous affranchissons de tout le reste. ...j’avais l’impression que ce sentiment était partagé. »

Je suis globalement dans la merde.
Au fur et à mesure que le temps passe et qu'il semble être suspendu dans cette cuisine, qui est somme toute la mienne. J'ai lâché une sorte de bombe, ou plutôt un compte à rebours dont il m'est impossible d'en arrêter le décompte. Comme si, tout ce que je vais pouvoir faire en cet instant, se résolvera par des instants catastrophiques. Parce que face à moi, j'ai Mayra Alushi. Une ancienne Serdaigle, totalement atypique qui a réussi notamment à apprivoiser l'esprit libertaire que je suis. À faire s'affranchir des instants de noirceur pour en révéler quelques lumières.

Mais, au lieu de me dire cela, je pose un pied de plus dans l'engrenage. Dans le fait que je veuille la détruire elle, avant que cela ne prenne trop d'ampleur. Et ... rectification, ça a déjà pris trop d'ampleur. Avec ces trois mots, que je préfère passer sous silence mais qui m'ont cloué littéralement l'âme, l'espace d'un court instant. Parce que je les ressens à l'identique et j'aimerais les lui dire. Comme cela, avec une once de simplicité. Comme cela, aurait dû l'être. Au lieu de devoir à faire cela : gâcher ce qui me rend heureux et que je n'ose pas expliciter.

Comme je le pense, la métisse comprend à la fois ma manœuvre et ne la cautionne pas. Or, qu'elle ne se croit point être la seule, dans cet état d'esprit ... car je ressens la même chose. Néanmoins, son trait d'humour me fait sourire intérieurement alors qu'à l'extérieur, je me persuade de rester le plus neutre possible. Comme si, cet état de fait me permet d'avaliser ce que je suis en train de faire. Ou de provoquer.
Alors, que c'est l'inverse qui se produit.

Je reste stoïque et ne lui réponds aucunement. Cependant, mon regard bleu clair doit me trahir alors que je me surprends à fixer ses iris noirs, où transparait tout un panel d'émotions. Me détournant d'elle, j'ai une préférence pour contempler les poutres de métal qui ornent le plafond de mon Loft à Camden Town. Mais ... elle n'en a visiblement pas terminé et elle se lance dans un plaidoyer qui a, de ce fait, la cruelle intention de me faire revenir sur mes positions initiales.
Je devais la laisser tomber. La larguer, comme on oublie une date d'anniversaire ou bien un rendez-vous initié sans trop d'égards. Étrangement, je dois penser à mon ancien meilleur ami, pour que ma fureur envers lui revienne. Mais là encore, je reste impuissant, alors que je soulève aisément, le corps de la jeune femme, pour la faire asseoir sur le plan de travail de la cuisine.

Mes mains, de chaque côté de sa silhouette gracile et mes iris bleu clair cherchant de nouveau les siens, d'un noir infini :

- Tu n'as pas pris trop de place. Tu ne m'étouffes pas et tu ne m'enfermes pas. Un long soupir, s'échappe de mes lèvres, alors que je viens caresser la peau nue de sa cuisse. Je ne suis pas ... la meilleure personne pour toi, Mayra. Je ne suis pas qu'un Batteur dans une équipe renommée. Je suis bien plus que ça. Un silence, et un soupir plus profond. Ma violence, je la mets à profit pour ... Je ferme un instant mon regard, avant de poursuivre. ... tuer. Et, je n'ai pas envie qu'en restant avec moi, il t'arrive quelque chose. Tu comprends ? J'en deviendrais fou, si tu étais blessée. Ou pire encore. Alors, fuis. Tant que tu le peux.

Une autre caresse, que je ne m'autorise pas à donner.

- Même si j'adore tous ces instants et que je t'aime. Va-t-en, pour ta survie Alushi. Tu m'entends ? Ces mots, du moins les plus importants, ils se sont perdus dans un baiser d'amour désespéré. Parce qu'autant, je peux me résoudre à couper les ponts avec l'autre bâtard de Zabini, autant avec elle, je suis faible et je n'y parviens pas. À croire, que je me ramollis sérieusement, avec le temps ...

Mayra Alushi s'était attendue à devoir plaider longuement. Trouver les bons mots , les bons compromis afin, pour la première fois de sa vie, de défendre un lien, une situation, plutôt que de considérer que le vent en avait décidé ainsi et qu'elle verrait où l'avenir la porterait. Pas cette fois ; cette fois-ci, si tout s'arrêtait, elle le sentait au plus profond d'elle-même, elle avancerait avec des regrets, du dépit, de la tristesse. Cette fois, ses pas ne seraient pas légers.

Donc, elle utiliserait son astuce, son audace, toutes ses ressources d'électron libre qui était heureuse de son port d'attache. Il l'avait eue par surprise, au sortir du lit, mais déjà les rouages se mettaient à tourner, à plein régime, pour trouver arguments et contre-arguments et...

Le regard d'oiseau de proie vibra, en quelques instants, d'une myriade d'émotions, kaléidoscope humain qui lui coupa un instant la volonté d'intervenir. Dans ce spectacle étonnant, le sportif sembla prendre une décision ou peut-être changer de stratégie. Le nouveau cap impliquait manifestement une plus grande proximité physique : elle ne s'en plaignit pas, interloquée, surprise, mais voyant aussi l'avenir s'éclairer, comme si la partie était gagnée, comme si finalement, ce qui avait pu le rendre bougon (café mal dosé. yaourt introuvable, petite culotte qui traîne...) avait été oublié.

Comme elle se trompait… !

Il était tendre, à présent, dans ses caresses, et ses regards, et ses mots. et pourtant un signal d'alarme s'allumait graduellement dans l'esprit de la métisse. Il y avait de l'honnêteté, une mise à nu, dans les yeux bleus ; et par dessus cela : de la tristesse.

Mayra Alushi se targuait de comprendre facilement ce qui ferait une bonne histoire, un bon papier. Elle sentait jusque dans ses veines le frisson de l'enquête qui apporteraient des révélations inattendues. En cet instant, elle ressentait le sentiment familier, et pourtant, alors qu’il s’accompagnait habituellement d’une excitation impatiente, elle eut un tremblement. Une fascination mêlée d'appréhension accompagnait les mots d'Isaac Wellington. Elle redoutait ce qui suivrait.

Elle voulut se persuader, tout d'abord, qu'il se montrait par trop passionné dans sa description de la situation, alors qu'il cherchait à la décourager. Mais cela n'expliquait pas le sentiment qui l'avait envahie, la sensation que le monde s'était mis à tourbillonner autour d'eux. Elle ouvrit la bouche, pour protester qu'elle ne s'effrayait ni de sa puissance ni du danger qui pouvait entourer le joueur. Il devina, sans doute, ce qu'elle s'apprêtait à dire, et la prit de vitesse.

Il tuait.

Les mots fatidiques claquèrent dans l'air, comme un coup de pistolet. Une inspiration quitta ses lèvres, comme un cri muet. Le monde avait cessé de tourner. Il s'était immobilisé, s'était paralysé, et l'air du matin n'était plus si doux, seulement glacé comme un matin d'hiver.

Elle ne chercha pas à fuir, malgré les mots qui l'y exhortaient. Et elle savait bien pourquoi. Parce que tout comme elle avait laissé échapper ce qui s’était enraciné dans son coeur, il s’était autorisé, tout en laissant monter la fièvre, il avait dévoilé trois mots exceptionnels, qu’elle n’avait pas envisagés, qu’elle n’avait pas espérés, mais qui, pourtant, venaient réchauffer l’air, et avaient tout d’une évidence.

Le regard sombre ne quittait pas le visage du joueur, en scrutait tous les détails. Les mains agiles caressèrent la peau de ses joues, ses tempes, ses cheveux court, tout comme les mains burinées se raccrochaient à son corps souple, comme si cesser de se toucher devait signifier se perdre à jamais.

Enfin, alors, la métisse retrouva sa voix. dans un murmure :

« Comment ? Sur le terrain ? »

Elle savait bien qu'il ne s’agissait pas de cela. Mais de bien plus sombre. Or, différentes explications s'offraient à elle.

« Tu joues dans une league underground ? Des compétitions violentes ? »

Ou...

« ... des missions d'assassinat ? »

Curieusement, l'idée générait chez elle plus de perplexité que de peur. Inlassablement, elle cherchait ce regard d'oiseau de proie, si pur.

« ... pourquoi ? »

L'Amour est véritablement la plus tordue des malédictions.
J'en fais l'expérience aujourd'hui et à mes dépends. Alors que je me suis toujours exhorté à ne point tomber dans son piège. À le repousser le plus loin possible de ma personne, quitte à ne plus rien ressentir de correct aux yeux du monde. J'ai longuement étouffé ce que je pouvais ressentir, prétextant que je ne suis point fait pour cela et que toute cette mascarade ne va alors m'attirer que des ennuis. Ces mêmes ennuis, que je désire conserver tout de même. Et qui se personnifient à eux seuls, dans l'incarnation de la métisse.

Même si au tout début, cela a été compliqué, j'ai commencé à apprécier sa compagnie. À aimer cette folie enfantine qui peut émaner d'elle à tout moment. Cette mise en danger constant, quand l'ancienne Serdaigle atypique flaire un scoop et ne veut pas le laisser filer. Sa manière à elle, de tout prendre avec légèreté. Quitte à se mettre dans des situations parfois inextricables, dont je me fais peut-être une joie de l'y en sortir. Sauf qu'ici, cela est peut-être de moi, dont il est question ce jour.
Parce que je suis dangereux et je ne suis pas l'avenir qu'il lui faut.

Pourtant, j'ai tenté une première approche. En jouant au salaud, pour l'éloigner de moi. Prétextant un étouffement constant, alors qu'elle m'est salvatrice, Mayra. Elle est ma goulée d'air, dans mes propres abysses. Et, je me suis rendu compte qu'au fur et à mesure de mes tentatives d'imposer une distance entre nous, je n'y suis aucunement parvenu. Parce que, je suis tellement amoureux d'elle, que je suis contraint de lui expliquer ce que je fais au quotidien. En plus, d'être sur le terrain de Quidditch, au poste de Batteur. Malheureusement, je suis bien plus qu'un sportif professionnel, appelé à régner sur un royaume.
Je suis aussi, celui qui ôte des vies.

Comme j'en viens à le penser, elle reste silencieuse. Or, étrangement, elle ne s'enfuit pas. Elle, ne me fuit pas. Au contraire, elle reste. Se contentant de me caresser, en réponse à ce que je peux bien lui faire. Et ... sans attendre, les questions se font légion, alors que mon regard bleu clair l'observe elle. Juste elle. Et, qu'un mince sourire se dessine sur mes lèvres à ses 'pourquoi ?'.

- Pas que sur le terrain. J'hasarde ces premiers mots, qui sont extrêmement lourds de sens et qui, je trouve, résument assez bien cette singulière situation. Note que ... je préfèrerais. Cela peut être interprété comme une pointe d'humour mais il n'en est rien. C'en est même tout l'inverse, malheureusement. On peut dire cela, oui.

Et ... pourquoi ?
Parce que j'aime être celui qui octroie le dernier souffle sous couvert des idéologies d'un Leader plus que chimérique ? Parce que la violence entraîne la violence, et que j'affectionne cette idée particulièrement ? Qu'il n'y a pas vraiment besoin d'explication, parce que cela est dans ma nature, qui n'a attendue que ce coup de pouce, pour se révéler ? Peut-être.
Mais, ce que je sais en cet instant ... c'est qu'elle est en danger et qu'il me faut déserter. Ou qu'elle ne me fréquente plus, le temps que je règle quelques problématiques.

- Pourquoi ? Parce que c'est dans ma nature d'être violent. Et, que cette violence est plus qu'appréciée. Je laisse toujours mes mains sur ses cuisses nues, afin de ne pas perdre ce contact qui m'est offert fugacement. Tu vois ? Je ne suis pas celui qu'il te faut, Alushi. Tu comprends ? Que tu t'exposes à un grave danger, en restant avec moi ? Lentement, mes doigts viennent se poser sur sa joue. Avec une infinie tendresse. Quand ... hum. Quand ... on aime les gens, à un moment donné, il faut les laisser partir. Pour leur propre sécurité.

Un long silence, alors que j'ai cette impression d'étouffer qui me colle au corps, au cœur et à l'âme :

- J'aimerais te faire me détester, mais je n'y parviens pas. Il est là, le nœud du problème. Le plan que j'ai élaboré en amont, ne fonctionne pas. Et, je me retrouve démuni. À espérer que la belle brune, en vienne à me haïr. Seule. Sans que je ne l'y aide.

Il jouait, encore, insaisissable. D'une manière qui lui était propre, avec sa façon de lâcher des bombes et d'échapper ensuite à la gravité, en fournissant des réponses qui n'en étaient pas. Si c'était une technique pour retenir Mayra Alushi, en attisant sa frustration et sa curiosité : félicitations, ça marchait.

Elle continuait à se mordiller la lèvre, en rassemblant les éléments du puzzle qu'il lui avait fournis : il tuait, ou du moins avait tué, en dehors des terrains de Quidditch ; il n' avait pas exclu la participation à une League underground ou à des missions d'élimination rémunérées, mais dans la mesure où il semblait penser que ses actes à lui, mettaient Mayra en danger, il semblait assez évident qu'elle n'avait pas trouvé la clé de l'énigme qu'il lui soumettait, avec son sourire sibyllin et ses mains rudes qui toujours avec elle savaient se faire tendres.

Elle eut une moue, le défiant de son regard sombre comme l'ébène.

« Je te confirme que je ne te hais pas. Et à moins que tu ne me mettes dehors manu militari, ce qui ne serait pas très sympa si tu ne me lances pas au passage un short, je ne partirai pas de là. »

Elle annonça tout ça avec une pointe de défi, de piquant et de miel. Et tant pis si elle se mettait en danger. Elle ne voulait aller nul part. Ses yeux restaient rivés aux siens, tentaient de glaner d'autres pièces du puzzle qui allait devenir sa nouvelle obsession.

« Et si je dis que je ne te crois pas ? Qu'il faut m'en dire plus pour me convaincre ? »

La souris restait elle- même : sans doute trop provocante pour son bien, avec trop peu d'instinct de survie. Il tentait, c'était évident, d'en dire juste assez pour ne pas la mettre en danger (quel que soit le niveau de danger réel auquel elle s'exposait). Cependant, Mayra se tenait au bord de l'abysse, avec une forme de fascination, refusant de s'éloigner du bord, retenant son souffle et gravant chaque détail dans son esprit, sans s'effrayer de la chute potentielle.

Cette chaleur, ces caresses, ces baisers, cette façon d’être lui, d’être rebelle et dangereux et sauvage, elle ne voulait pas en être privée.

Et dans tout ce bouleversement, dans toute cette spirale dont la trajectoire leur échappait tout à fait, demeurait une vérité dont ils s’efforçaient de faire un non-événement, peut-être parce que sans vouloir l’avouer, ils l’avaient compris depuis un temps certain : elle ne voulait pas être privée de son amour, et elle ne voulait pas se priver d’aimer.

Elle l’attira, plus proche. Sentir sa peau, encore, offrir des baisers brûlants, en attendant que la réalité ne les rattrape, en attendant que, peut-être, finissant de révéler ses cartes, il ne lui explique pourquoi elle ne pouvait pas rester. D’ici là, encore quelques secondes, contre son corps ; écouter sa respiration, encore quelques instants, rester dans ce segment de l’univers qui lui donne l’impression que la vie est exceptionnelle.

Après eux, le chaos.

Jamais je n'aurais cru cela possible.
De me retrouver face à un choix. Celui du Cœur ou de la Raison. Parce qu'en ce qui concerne la métisse, cela est bien la résultante de cet état de fait. Je ne sais pas quelle voie emprunter. Car, l'ancienne Serdaigle atypique a réussi un exploit : celui de me contraindre bien malgré moi, à ressentir ce quelque chose qui me pousse à faire cela. La blesser. Afin de la protéger de ce que je suis et de ce qui est susceptible de la mettre en danger. La belle brune, est une plus belle personne que moi, cela est indéniable. Alors pourquoi, égoïstement, je souhaite la garder avec moi ? Ne point la laisser s'en aller, comme je devais le faire initialement ?

Cependant, je lui ai expliqué ce que je suis au regard de la société sorcière. Celle qui se trouve être du mauvais côté de la frontière. Celle qui commet des exactions pour subsister. Mais moi, globalement, cela ne me gêne aucunement. Parce que je suis fait de cette essence et si je n'étais pas ainsi, cela me semblerait bien trop singulier. Je suis habitué à cette violence que je promeus dans et en-dehors du terrain de mon jeu de prédilection. Si j'ai choisi le poste de Batteur, cela est bien parce qu'il y avait une raison à tout cela. Et, m'occulter derrière n'est pas un aveu de couardise.
Bien au contraire.

Mon regard bleu clair assiste alors à la défiance dont mon interlocutrice fait preuve. Ne souhaitant aucunement disparaître de mon existence. Soit. Avec un soupir, j'accuse le coup ... parce que je ne la connais que trop bien, malheureusement. Et, force est de constater qu'elle réagit comme je l'ai pensé auparavant. À ne pas faire montre d'instinct de survie, si j'en crois ses palabres.
Frottant l'arête de mon nez, j'essuie encore le fait pur et simple d'être son sujet d'études visiblement passionnant. Cela est comme ça, qu'elle fonctionne. Mayra Alushi peut être une véritable diablesse quand il s'agit de flairer un scoop et de se tenir à sa ligne de conduite.

- J'ai bien compris. Je murmure ces quelques mots doucement, conscient que la bataille que j'ai amorcé il y a peu, je l'ai perdue instantanément en rencontrant des iris noirs si décidés. Elle est cette faiblesse que je dois visiblement convaincre. Et, je sais comment hélas.

Mais avant, je conserve mes mains sur ses cuisses, mes doigts effleurant cette peau si douce à la teinte de miel et à la fragrance d'épices. Ma bouche se perd à de nombreuses reprises sur la sienne, alors qu'en dépit que tout ce que mon secret qui va être révélé peut provoquer, j'ai une inextinguible envie d'elle. Ce désir, il se traduit par mes dents se plantant dans son cou, alors que je la plaque à même l'îlot central de ma cuisine. Mon torse rencontrant son dos, désormais.

Sa nuque, je la dévore encore, alors que je relève lentement son haut, me stoppant bien malgré moi. Car, je dois lui montrer ce que je cache par un sortilège de Confusion. Le stigmate encré qui démontre mon appartenance et mon allégeance à ce groupuscule extrêmiste, et qui fait que oui, je ne suis pas la meilleure personne qui soit sur cette terre. Embrassant une dernière fois son cou, je me place à côté d'elle, dévoilant par un Informulé la Marque.

Sans un mot de plus. Juste le Chaos.