Ça faisait plusieurs jours, voire des semaines, qu’on était brouillés avec Remus. En dix ans d’amitié, ça nous était jamais arrivé un truc pareil. Jamais, on s’était fait la gueule aussi longtemps. Ou alors, ça avait toujours été pour des broutilles et on s’en était jamais rendu compte jusqu’à présent. Mais ici, tout avait été sensiblement différent. Du contexte, jusqu’à la personne que j’avais eu envie de protéger et qui me valait une amitié forte avec le Lycan. Mais, je décolérais pas et je pouvais pas passer outre ou mettre encore le genou à terre pour prétendre m’excuser. M’excuser, c’était m’affaiblir. Et m’affaiblir, c’était pas ce qu’on me demandait. J’avais toujours dû me défendre et faire en sorte de survivre dans une famille qui m’avait jamais compris. Ou aimé.
Ou les deux.
Alors, j’avais tenté de protéger Circée Travers, celle avec qui j’avais retrouvé un semblant de relation normale. Cependant, on avait changé et on avait grandi. Et au fond de moi, je savais qu’on avait emprunté des chemins différents. Destinés à être de futurs ennemis sur le terrain. Mon instinct ne me trompait pas pourtant, mais je le muselais bien profondément. Me mentant à moi-même, chose que je détestais venir des autres, mais pas de moi apparemment. Je voulais pas gâcher, ce que j’avais mis tant de temps à retrouver. Mais, avec ma fierté mal placée et mon entêtement, je mettais à mal une autre relation qui m’importait.
Shannon, voyait bien que quelque chose clochait. Or, mon regard sombre la dissuadait farouchement d’enquêter ou de poser ne serait-ce qu’une question qu’elle trouverait des plus légitimes. J’avais pas envie de causer. Pas de « ça », en tous les cas. Pas de cet éloignement, qui me faisait serrer les mâchoires et grommeler plus que de raison. Du coup, ma serveuse rousse me jetait des œillades inquiètes en coin, alors qu’elle partait en quête des commandes et du service entre les tables. Pour ça, elle était exemplaire. Jamais eu de casse. Jamais eu un mot de travers envers les clients, même si certains étaient insistants pour obtenir un rendez-vous après son service. Cependant, alors que je nettoyais à la manière moldue mes verres, je la voyais s’attarder à une table en particulier. Et … je me disais que je la payais pas pour converser.
Claquant des doigts, -chose que je trouvais insultante et que je ne faisais jamais ordinairement-, je la sommais de revenir vers moi. Et, c’est là … qu’elle apporta un élément nouveau à cette journée qui décidément, s’était bien mal entamée. Encore.
- Tu devrais t’aligner sur la concurrence Sirius. Apparemment, la qualité de l’alcool y est peut-être supérieure et les prix moins … onéreux ? Une grimace de mon interlocutrice, alors qu’elle-même devait sentir que j’étais en train de bouillir. Furieux et incapable de gérer tout ce panel d’émotions contradictoires qui avaient éclos dans mon âme.
- Tu te fous de moi ?- J’énonce juste des faits, Sirius. Je relate juste ce que les clients à cette table m’ont confié.- Et, il est où ce putain d’endroit ? Il est où ? À ce stade, conserver mon calme était du domaine de la chimère, lorsque je fusillais mon employée du regard.
- Le Golden Clover.Ah.
Établissement tenu par une rousse que je connaissais depuis que j’étais tout gosse et que j’avais plus vu depuis des années. Rencontrée lors de ces réceptions inhérentes aux Sang-Purs et qui étaient de l’ordre de l’emmerdement extrême. Surtout que moi, j’avais toujours eu la « bougeotte » et que Walburga m’observait avec mépris dès lors que je respirais un peu trop fort le même air qu’elle.
Hum.
Empoignant mon cuir sans un mot de plus pour ma vis-à-vis, qui avait dès lors compris son rôle à l’instant même où je quittais le Chelsea Potter, je me dirigeais alors vers ma concurrente directe. M’en grillant une, sur le chemin qui me séparait de l’autre édifice, avant d’en pousser les portes. Et, d’hausser un sourcil.
J’y étais jamais rentré et c’était clairement pas la même ambiance que ce que j’avais voulu donner. Mais … on s’y sentait bien ? M’approchant du bar, je m’y accoudais. M’attendant à voir débarquer la tenancière du lieu. À laquelle, j’offrirais mon diabolique sourire. Mais avant, autant joindre l’utile à l’agréable, non ? Tant que j’y étais.
- Un verre de ton alcool le plus fort, je te prie. Que je m’adressais au Barman, jaugeant d’un œil sombre et circonspect, la concurrence.