Frères ennemis | Lucius

Je ne sais pas où l’on allait lui et moi. On avait du mal à se parler et à ses comprendre, surtout. A croire que nous avions pas été élevés pareils, pourtant nos parents étaient aussi exigeants avec l’un comme avec l’autre. Mais Lucius, les comprenait, il adhérait à leurs idéaux et il était bien plus facile pour lui de survivre dans ce ring, alors que moi, je voulais juste profiter de ma vie, parler avec qui je voulais sans avoir peur que le moindre geste que j’allais faire allait être mal interprété, que le simple fait de dire bonjour à un moldu n’allait pas l’envoyer tout droit dans la tombe. Oui, j’aurais voulu naitre dans une autre famille, loin de tout ça. Ou tout simplement adhérer à leurs idées. J’avais tant essayé, tenter de comprendre pourquoi ils étaient ainsi, suivre leurs voies, et détester tous les moldus, et les nés-moldus mais j’en avais été incapable. Parce que je ne comprenais pas le mal qu’ils avaient pu faire, pour que certains sorciers viennent à autant les détester, à part juste ne pas posséder de pouvoirs magiques. Pour ce que cela m’apportait, j’crois que parfois je préférerais être un simple moldu.

Son mutisme, je l’aimais pas. Je ne savais pas comment m’y prendre avec mon grand frère. Je marchais continuellement sur des œufs, parce que tout ce que je disais était mal interprété – comme ce que je venais de dire à propos de William. Non il ne méritait pas de mourir, tout comme mon frère cela dit. Mais je savais que ce n’était pas ainsi qu’il l’avait pris. J’ai soupiré une fraction de secondes. J’étais horrifié de ce qu’il avait vécu et j’en étais réellement désolé pour lui. Je n’imaginais pas la peur qu’il avait pu ressentir, et rien de ce que je pourrais dire ne pourrait la lui enlever et oui, je pouvais comprendre pourquoi il s’en prenait aux moldus. Mais tous n’étaient pas des chasseurs, la plupart des moldus étaient des gens bien, qui ne cherchaient pas à fracasser le crâne de tous les sorciers qu’ils croisaient. Mais j’pouvais pas lui en vouloir d’avoir peur. Mais qu’est-ce que je pouvais dire à ça ? J’avais perdu mon meilleur ami ce jour-là, et ma liberté aussi. Lui, il avait continué à sortir comme il voulait, jouer dans le jardin, juste aller faire les courses, juste trainer dans le salon, tandis que moi je m’étais retrouvé cloitré dans ma chambre sans avoir le droit d’en sortir. On n’avait pas vécu les mêmes choses et ça avait créé le fossé entre nous et aujourd’hui on payait le prix.

« C’est pour toi que j’ai accepté tout ça… » Cette marque stupide, le mariage arrangé, lui pardonner d’avoir vendu mon meilleur ami... Parce que c’était mon frère et que je pouvais pas le laisser. Trahir ma famille, reviendrait à le trahir lui. Et si je savais que je n’avais plus rien à attendre de mes parents, lui, j’voulais pas le décevoir. Même si au fond de moi, je savais que c’était déjà le cas. Il n'y avait que son avis qui comptait à mes yeux. J'avais abandonné l'idée que mes parents soient fiers de moi, dès qu'il m'avait arrangé un mariage où ils avaient accepté que je perde mon nom. En vrai, je crois que je m'en fichais de porter le nom de Travers. J'étais pas de ceux où l'homme avait tous les droits et tous les pouvoirs, mais j'avais juste un sentiment d'abandon de la part de mes parents. J'avais fait beaucoup pour eux, pour gagner leur amour et j'me rendais compte qu'ils n'en avaient eu que faire, que j'étais pas à la hauteur de leurs espérances. Finalement, ne plus porter leur nom, c'était pas si mal, mais plus porter celui de mon frère, ça me faisait mal.

Je me demandais si un jour on finirait par réellement s’entendre, et surtout se comprendre. Au fond, y’avait que ça qui m’importait même si lui ne semblait pas le voir. J’étais sans doute pas le frère qu’il aurait voulu – p’tête trop rebelle, pas assez maniable ou je-ne-sais-pas-quoi – mais s’il savait à quel point j’avais eu envie de lui ressembler. Être aussi attentif à ce que nous racontait nos parents, acceptant leurs idéaux et surtout y adhérer, juste pour que l’on est une relation normale, lui et moi. Même dans la façon dont on s’occupait de nos elfes, on était différents. J’aimais pas les idées des puristes, et plus le temps passaient moins j’y adhérais. Pourtant, j’avais essayé, vraiment. Je m’étais fait une raison quand j’avais reçu cette marque à seize ans, en me disant qu’avec elle j’allais comprendre leurs actions, mais les missions confiées m’avaient encore plus confirmé que non je ne voulais surtout pas être comme eux, mais que si je voulais survivre dans cette famille, qu’ils m’acceptent comme j’étais, j’allais devoir enfouir mes idéaux au plus profond de mon être. Et j’en avais fait des missions qui m’avaient écœuré, m’avaient fait gerber, me détester, et combien de fois, j’avais voulu tout lâcher et partir, mais si j’pouvais admettre décevoir mes parents – et encore, il me faudrait bien plus d’arguments – lui, j’pouvais pas. Mon frère, il était bien trop important à mes yeux pour que je veuille le décevoir.  Alors, oui, j’acceptais de faire des choses que je détestais – parfois, en m’arrangeant pour faire échouer la mission – juste pour qu’il soit content de moi.

J’étais si pathétique. Ça menait à quoi ce petit-jeu ? J’en avais aucune idée, ou peut-être que si… j’avais l’impression que l’on s’éloignait encore lus qu’avant. J’avais pas les mots pour lui parler, il n’avait les mots pour me parler. Même dans mes aveux, j’avais l’impression qu’il n’y croyait pas. Mes doigts frôlaient lentement mon avant-bras gauche, essayant d’apaiser un peu la douleur qui me vrillait les entrailles. Rodolphus regorgeait d’inventivité pour que l’on n’oublie pas. J’avais pas eu besoin de lui pour me souvenir de ce que nous avions fait, et qui me dégoutait au plus haut point. J’m’étais souvent détesté après des missions pour le compte du Lord, mais depuis celle-ci, j’osais même plus me regarder dans un miroir, tant j’avais honte de moi. Mais j’avais pas la force de Rodolphus pour dire merde aux Mangemorts, la peur de voir mon frère disparaitre de ma vie, la peur de mourir aussi, me faisait rester. Encore. Je suis resté silencieux, les yeux baissés observant mes pieds nus. J’voulais surtout pas lire dans son regard tout ce qu’il pouvait penser de moi.

Je me suis crispé quand il m’a enlacé, ne m’étant pas attendu à ce comportement de sa part. Sa réflexion pourtant m’a fait sourire. Réflexion qui n’avait pas l’ombre d’un compliment en elle, mais n’était-ce pas le propre d’un petit frère de gonfler le grand ? Pendant cette fraction de seconde, j’avais eu juste le sentiment que nous avions une relation des plus normales entre deux frères. Et oui, ça me plaisait. J’étais pas fier de moi, bien au contraire, et je me retrouvais bien peu dans ses paroles. Ma tête fit un mouvement de gauche à droite. J’avais attaqué une gamine et son père, vendu une amie pour éviter de mourir, trahi mon métier et mes convictions pour une cause que je haïssais. Comment, il pouvait être fier de moi. J’étais loin d’être fort, pathétique oui. J’ai passé ma main droite autour de sa taille, en guise de remerciement, même si je ne méritais absolument pas ses paroles. On marchait sur des œufs lui et moi lorsque l’on s’adressait à l’autre, et même si j’avais honte de moi, j’pouvais pas l’envoyer bouler, parce qu’au fond, j’étais content qu’il me dise ces mots-là. « Dobby peut te soigner ta blessure » lui ai-je lancé, sans pour autant me défaire de son étreinte.