Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ♦ Tahia & Luna

Cet été semble sans fin. Coincée dans un centre de protection de l'enfance pendant des semaines, Luna a dû attendre la fin de l'enquête au sujet de l'attentat de Poudlard pour avoir le droit de mettre ne serait-ce qu'un pied dehors. Et encore, c'est parce que son oncle s'est porté garant de sa bonne conduite et a promis de l'accompagner qu'une autorisation de sortie lui a été accordée. Ils s'attendaient à quoi, au juste ? À ce qu'elle s'enfuit de nouveau, alors qu'elle est toujours prisonnière de cette foutue Trace à cause de laquelle elle vit un enfer auprès de sa génitrice depuis plus de cinq ans ? Elle tout ce qu'elle veut, c'est pouvoir aller sur la tombe de sa meilleure amie qui lui manque terriblement depuis deux mois, et ce qu'importe les horreurs qui ont été dites à son sujet dans la Gazette. Sans doute qu'elle n'aurait simplement pas dû lire ce maudit journal, car tout ce qui y est raconté n'est fait que pour ternir l'image de celle qui lui apportait tant de soutien lorsqu'elles étaient à l'école ensemble.

En tant que chef des Aurors, MJ a sûrement eu du mal à comprendre qu'elle puisse vouloir se rendre sur la tombe de la défunte Heredia. Après tout, c'est lui qui a dirigé l'enquête qui a conclu qu'elle était coupable de l'explosion des bombes dans le château. À ses yeux, Kaelia n'est sans doute qu'une criminelle responsable de maux innommables. Mais pour Luna, elle était beaucoup plus que ça, tant et si bien qu'elle ne peut se résoudre à accepter tout ce qui est dit sur elle depuis que les Aurors l'ont rendue coupable de l'attentat de Poudlard. Elle n'avait que quinze ans, comme elle : elle ne peut pas avoir fait ça. De toute façon, c'est bien connu que les sorciers du Ministère bâclent leurs enquêtes – ils ont fait de même pour celle de Papa, il y a des années. La Williams ne leur fait pas confiance. Comment le pourrait-elle, alors qu'elle a été confiée à sa génitrice meurtrière à cause d'eux ? Elle les déteste. MJ et Charlie seuls peuvent prétendre être une exception à cette haine, et c'est seulement parce que ce sont eux qui vont peut-être lui permettre d'enfin s'échapper des griffes de sa génitrice. Mais pour ça, il faut que l'enquête soit terminée – encore une. En attendant, Luna est forcée de rester dans le même centre sorcier de protection de l'enfance.

Cet après-midi, c'est la première fois qu'elle peut réellement en sortir en deux mois. Et ce pour une triste raison : se rendre sur la tombe de Kaelia. Malgré ses réticences, MJ a fini par accepter de plaider sa cause auprès de l'administration, gagnant ainsi un peu plus de crédit aux yeux de Luna. En réalité, elle commence à le voir un peu plus comme un oncle et un peu moins comme le chef d'une bande d'incompétents – la jeune fille faisant difficilement la distinction entre la brigade de la justice magique et les Aurors, en réalité. Le Soleil est haut dans le ciel lorsque la Williams quitte le centre en compagnie de son garant. Lorsqu'ils se rapprochent du cimetière, elle lui explique qu'elle aimerait y aller seule. Elle ne veut pas qu'il soit là : elle a besoin de se retrouver seule avec sa meilleure amie, sans l'Auror qu'il est, sans personne d'autre qui a une vision si négative de Kaelia. Il n'aime pas cette idée, elle le voit bien dans ses yeux, mais elle n'en démord pas : sa présence serait malvenue sur la tombe de son amie. Finalement il accepte, mais seulement après lui avoir fait promettre de se montrer prudente et de l'appeler au moindre souci. C'est donc bien seule que Luna franchit les grilles du cimetière et cherche sur les plaques présentes le nom de Kaelia. À peine l'a-t-elle trouvée qu'elle sentant les larmes lui monter aux yeux. Elle se laisse alors tomber à genoux devant ce morceau de pierre portant le nom de sa meilleure amie, mais qui ne la lui ramènera pas. C'est encore si difficile de réaliser qu'elle ne la reverra jamais.

Il y a des choses que personne ne veut vivre, encore moins une enfant de de onze ans. Et pourtant le destin s’acharne. Combien de personne a-t-elle déjà enterré ? Ses parents, son clan en entier, son frère et aujourd’hui sa sœur ainée. Tant de gens et beaucoup qui n’avaient pas l’âge de mourir. Et ces cauchemars qui la hante elle aussi et qui ne font que grossir à chaque nouvelle plaie. Elle n’est pas seule et pourtant elle a peur de perdre encore quelqu’un, tellement peur. Une peur qui a pris de grande proportion alors que sa sœur a péri dans un attentat qu’elle a elle-même perpétré. Est-ce pour ça que c’est si dur à vivre pour elle ? Ou est ce que c’est parce que Kaelia lui avait promis de ne pas l’abandonner ? Un peu des deux et sans doute bien plus que ça au final, mais elle est trop jeune pour comprendre et n’en a pas vraiment envie.
Elle s’est promis d’honorer chaque mort de son clan et sa famille. A bataillé avec ses parents adoptifs pour qu’ils déplacent des montagnes et permettent que sa sœur soit enterré au même endroit que son frère. Le garçon n’avait pas pu être enterré avec leur clan, parce que personne n’avait prêché sa cause, alors Tahia avait voulu que leur sœur à tout les deux soit avec lui. Elle ne voulait pas qu’il soit seul. Plus jamais seul. Et ses parents adoptifs avaient réussi à faire ça, ils avaient même eu l’emplacement côte à côté pour le frère et la sœur. Tahia leur en était reconnaissante, même si ça n’enlevait pas la peine qu’elle ressentait au moins ça apaisait son cœur et elle pouvait venir les voir plus souvent que leurs parents. Même si ce n’est pas aux goûts de tout le monde qu’elle y aille si souvent.
Elle sait que ses parents sont inquiets, parce qu’elle y va souvent. Tous les jours en fait. Elle a entendu une conversation entre eux sur ça. Ils ont peur qu’elle n’arrive pas à surmonter ça et que peut-être ils ne devraient pas la laisser y aller si souvent. Elle n’a rien entendue de plus et ses parents n’ont pour l’instant pas rechigné à la laisser aller sur les tombe en restant en retrait aux débuts du cimetières le temps qu’elle ait terminée. Aujourd’hui n’ont plus ça n’a pas dérangé son père adoptif de le faire. Elle revêtu une robe bleue et une cape pour couvrir sa tête, c’était la condition pour y aller juste au cas où des proches de victimes de sa sœur vienne souiller sa tombe. Elle lui ressemble trop donc elle doit être protégé au moins tant que c’est possible. Tahia comprend surtout qu’elle a déjà trouvé la tombe de sa sœur et de son frère salit, abimés, alors elle respecte cette condition.
Tahia avance dans les allées du cimetière et s’arrête en voyant qu’elle n’est pas seule à être venu voir sa sœur. Il y a une brune qu’elle ne reconnait pas tout de suite devant cette tombe. Mais elle remet vite un prénom sur cette silhouette : Luna, la meilleure amie de sa sœur. Elle avait été surprise sans vraiment l’être de ne pas la voir jusqu’alors. Elle s’était dit que peut-être Luna lui en voulait, elle avait eu tort apparemment. Son absence devait être dû à autre chose et l’enfant ne lui demanderait pas. Elle vient se placer proche d’elle.

« Bonjour Luna… »

Elle ne lui demanderait pas si ça va, parce que la réponse elle se doute de ce que ça va être. Non ça ne va pas, parce qu’un être manque à leur vie et que c’est douloureux. Surtout qu’ils sont nombreux à ne pas comprendre pourquoi des gens veulent rendre hommage à une meurtrière.

Les larmes aux yeux, c'est à genoux que Luna s'effondre devant la plaque gravée du nom de sa meilleure amie. Même si cela fait maintenant deux mois qu'elle est morte, c'est toujours aussi dur d'accepter cette réalité. Elle ne pourra plus jamais la aller la voir pour se remonter le moral après une colle donnée par Carter. Elle ne trouvera plus jamais de réconfort dans ses rares sourires pendant les cours qu'elles détestent toutes les deux. Elle ne se planquera plus jamais avec elle dans une de leurs cachettes secrètes pour lire en paix les ouvrages qu'elles souhaitant plutôt que ces foutus livres de sortilèges dont elles se foutent. Kaelia est partie pour toujours et elle ressent son absence chaque jour, parce qu'elle n'est pas capable de ne simplement plus y penser. Il paraît qu'il faut faire son deuil, mais c'est difficile lorsqu'on est enfermée dans un centre détestable sans possibilité d'aller sur sa tombe pour lui dire au revoir. Et maintenant qu'elle y est, ce n'est pas le soulagement qui prend le dessus mais la tristesse et le désarroi. Papa lui manque, Kaelia lui manque, et elle se sent terriblement seule. La présence de son oncle, resté à l'extérieur du cimetière à sa demande, ne compensera jamais réellement tout ça. Elle se sent vide, Luna, vide et terriblement fatiguée.

Sur ses joues ont roulé quelques larmes, et elle lui a murmuré être désolée. Kaelia ne peut plus l'entendre, mais elle a besoin de prononcer ces mots. Elle a besoin de s'excuser de ne pas l'avoir protégée lorsque l'explosion a retenti et d'être arrivée trop tard pour la sauver. Elle revoit encore le corps sans vie de sa meilleure amie étendue au milieu des gravats sur le sol de la Grande Salle. Son cœur ne battait déjà plus lorsqu'elle s'est agenouillée auprès d'elle et l'a suppliée d'ouvrir les yeux, en vain. Et y repenser ne fait qu'intensifier ses sanglots silencieux, des larmes plus grosses encore dévalant son pâle visage. « Bonjour Luna… » L'esprit brouillé par ses images qui remontent, l'adolescente n'a pas entendu une silhouette s'approcher. Et lorsqu'elle relève les yeux, son cœur rate un battement : pendant les premières secondes, encore perturbée par tous ses souvenirs douloureux, elle est persuadée que c'est Kaelia qui lui fait face. La voilà donc bouche entrouverte et yeux arrondis, incapable de prononcer le moindre mot. Ce n'est qu'une fois le choc et la surprise passé qu'elle devient plus rationnelle et comprend qu'elle ne fait pas face à un fantôme, mais à la petite sœur de la défunte. « Tahia. » Le prénom s'échappe dans un murmure, d'une voix trahissant que Luna est encore troublée par leur ressemblance. « Désolée, je t'ai prise pour... » Et elle n'ose pas finir sa phrase, se sentant tout bonnement idiote. Elle tourne la tête vers la plaque portant le nom de Kaelia et essuie d'un geste de la main ses joues humides. « Je suis contente qu'ils te laissent venir la voir toi aussi, » assure-t-elle d'une voix douce. Elle espère que, de son côté, la petite Heredia n'a pas eu à attendre deux mois pour rendre hommage à sa sœur disparue.

Tahia n’est pas surprise par sa réaction. D’aussi loin qu’elle s’en souvienne on lui a toujours dit qu’elle était le portrait craché de sa grande sœur et par conséquent de sa mère. Les femmes de leur famille semblent avoir été fait dans le même moule peu importe leur âge. Les hommes aussi d’ailleurs, son frère quand il vivait eu ressemblés à leur père en plus jeune. Alors la réaction de Luna et ses paroles n’ont rien de surprenant, en fait c’est l’inverse qui l’aurait surprise la jeune fille.


« Je sais. Désolé ça a du te faire bizarre de la… désolé. »


Tahia observe la brune devant elle. Une présence non hostile a l’égard de sa défunte sœur est agréable. Depuis juin, elle a l’impression que le monde entier pointe sa sœur du doigts sans chercher à comprendre pourquoi. Le monde entier sauf elle qui si elle déplore ce que sa sœur a fait, a aussi tout pour comprendre. Et l’une des raisons principales se trouve à quelques centimètres de là où le nom de sa sœur est gravé dans la pierre. Leur frère ainé qui s’est suicidé incapable de supporter une vie sans leur parents, une vie dans des foyer infernaux.


« J’ai été surprise de ne pas te voir avant, inquiète aussi. Tu étais tout pour elle. »

D’aussi loin qu’elle se souvienne sa sœur et Luna se sont toujours fréquentés à Londres. Luna c’était la personne qui redonnait le sourire à Kaelia, celle avec qui elle pouvait faire les quatre cents coups. Bien plus que ne l’avait les filles Walsh. Même si ce n’était pas directement -ou pas souvent- Luna Williams a fait parti de la vie de Tahia. Elle l’aimait bien, et en cet instant c’est une présence rassurante et apaisante.


« Personne n’aurait pu m’empêcher de la voir. C’est ma sœur, ce qu’elle a fait je m’en fiche. »


Tahia le savait que Kaelia n’était pas juste une victime. Elle l’a su rapidement. D’abord par pressentiment et ensuite parce que quand elle a reçu son invitation à Poudlard, il a bien fallu que les adultes la mettent face à ce fait pour qu’elle fasse un choix éclairé entre aller dans une école qui verra en elle un fantôme ou pas. Son choix a été vite fait. Elle n’était pas Kaelia et elle irait à Poudlard que ça leur plaise ou non. Il était temps que les Heredia renouent avec la magie.


« Elle me manque, mais… mais elle était si en colère, si triste… »


Sa sœur ne s’est jamais relevée de la mort de leurs parents, de leur proche. Un clan entier a disparu sans que personne ne fasse rien. Et personne ne s’est inquiéter d’envoyer sa sœur dans une école qui représentait l’ennemi et la trahison pour elle. Personne n’a rien fait, mais tous n’accusent que sa sœur en oubliant pour leur responsabilité. Tahia du haut de son jeune âge avait l’impression que c’était parfaitement injuste et ne l’acceptait pas, pas plus que ce qu’avait fait sa grande sœur.

Pendant un instant, à genoux sur la tombe de sa meilleure amie, Luna croit la voir. Comme une idée folle, une silhouette qu'aurait créée son esprit, un souvenir matérialisée juste là, sous ses yeux, pour la réconforter. Mais elle n'y croit qu'un instant, car bien vite la réalité la rattrape : ça ne peut pas être Kaelia, Kaelia n'est plus là. Cette jeune fille, par contre, celle qui se tient face à elle et ressemble comme deux gouttes d'eau à sa meilleure amie, elle est bien réelle. C'est Tahia, la petite sœur de Kaelia, auprès de qui elle s'excuse de l'avoir confondue avec son aînée. « Je sais. Désolé ça a du te faire bizarre de la… désolé. » Luna secoue la tête de gauche à droite. « Non c'est pas ta faute, c'est moi qui... » ... ne suis pas prête à laisser partir ma meilleure amie. « Désolée. » Parce qu'elle n'a pas d'autres mots pour exprimer ce qu'elle ressent en réalisant qu'elle a simplement rappelé à Tahia qu'elle ressemble terriblement à sa sœur alors que cette dernière doit lui manquer. Plus qu'à quiconque. Elle sait ce que c'est, de devoir faire le deuil d'un proche si jeune, et elle n'aurait jamais pu souhaiter tel malheur à une enfant aussi douce que la sœur de sa meilleure amie.

Essuyant ses joues humides du dos de sa main, Luna regarde un instant la plaque portant le nom de sa meilleure amie avant de reporter son attention sur sa sœur. Lui demander comment elle va alors qu'elles se trouvent sur la tombe de Kaelia lui semble stupide, alors elle choisit plutôt d'exprimer son soulagement face au fait qu'elle a eu le droit de venir ici. De son côté, elle a dû attendre mais surtout beaucoup – trop – batailler pour y avoir le droit. Deux mois se sont écoulés depuis la mort de sa meilleure amie mais c'est seulement aujourd'hui qu'on l'a autorisée à se rendre sur sa tombe. « J’ai été surprise de ne pas te voir avant, inquiète aussi. Tu étais tout pour elle. » La brune esquisse un sourire triste, sentant que sa gorge se serre à nouveau. « J'aurais voulu venir avant mais... ça a été un été compliqué. » Elle n'a pas envie d'en parler, jugeant que ce n'est pas approprié de se plaindre de ses propres déboires alors que Tahia a dû affronter le deuil de la dernière membre de sa famille ce même été. « Je suis contente d'enfin pouvoir être là, » souffle-t-elle finalement. Car si elle était tout pour Kaelia, c'était réciproque : la Heredia était l'une des personnes qu'elle a le plus aimées dans sa vie, et pas seulement parce qu'elles étaient enfermées ensemble dans un château magique qu'elles détestaient. Sa meilleure amie avait aussi tout un tas de qualités. Elle était forte, elle était résiliente, elle était audacieuse... Et elle redonnait le sourire à Luna autant que l'inverse était vraie. « Personne n’aurait pu m’empêcher de la voir. C’est ma sœur, ce qu’elle a fait je m’en fiche. » Quelque part, la Williams se dit qu'elle a de la chance de pouvoir raisonner ainsi : ça veut dire que rien de légal ne lui interdisait de venir. De son côté, la situation était plus complexe d'un point de vue purement bureaucratique – le genre de truc qui lui file la nausée. Il y a d'abord eu l'enquête sur l'attentat de Poudlard – dont elle a été l'une des suspectes principales, quoi qu'en dise son oncle –, puis celle sur sa génitrice... Et ainsi, deux mois se sont écoulés sans qu'elle ne puisse sortir du centre de protection de l'enfance où elle avait été envoyée, lui interdisant de se rendre sur la tombe d'une personne qui comptait tant à ses yeux et qu'elle a même vu mourir. « Elle me manque, mais… mais elle était si en colère, si triste… » C'est vrai, et pour tout dire la colère était un point qui les réunissait énormément. Mais ce n'était pas le seul trait qui définissait Kaelia. Et ce n'était pas non plus la tristesse. « Quand elle parlait de toi, elle avait l'air heureuse. » Elle l'aimait, sa petite sœur, elle l'aimait vraiment de tout son coeur, Luna en est persuadée. « Et puis, elle savait aussi être douce, compréhensive... Et c'était une battante. » Kaelia était une personne à part entière, un tout. Elle n'était pas que la responsable de l'attentat de Poudlard... malgré ce que tout le reste du monde semble en penser. « Elle me manque aussi, » admet-elle dans un souffle.

Tahia laisse les mots non prononcés par Luna s’envoler, parce qu’elle ne veut pas les entendre et encore moins la forcer à les dire. Il y a des choses qu’elle n’est pas prête à entendre concernant le départ si prématuré de sa grande sœur. Et c’est étrange mais venant de Luna ce serait pire encore elle a l’impression, parce que Luna sait la vérité. Luna était celle que sa sœur aimait le plus dans ces amis, comme une autre sœur qu’elle disait. Une autre personne pour qui sa sœur n’a pas eu la force de rester en vie, malgré tout. Une larme roule sur sa joue et elle respire profondément.

« Je suis contente de t’y voir aussi. Ça fait du bien d’avoir un visage amical ici. »

Lance l’enfant sa gorge se serrant sur les derniers mots. Trop souvent, elle a vu la haine dessiné sur la tombe de sa sœur et de son frère. Déjà elle a du mal avec la haine contre sa sœur, mais elle n’accepte pas la haine contre son frère qui n’a rien fait d’autre que de porte le même nom que Kaelia et d’avoir sa tombe juste à côté de la sienne. Elle se mord la lèvre et reste silencieuse un moment.

« J’étais heureuse avec elle aussi… »

Murmure l’enfant en réponse à tout ce qu’à dit Luna. C’est vrai que sa sœur a été douce, aimante et souriante avec elle. Pour autant ça ne changeait rien à toute la colère qu’elle a ressentie au fond d’elle, cette haine qui a fait que Tahia lui a caché sa propre nature. Sa nature qui faisait qu’elle savait exactement ce qui s’était passé à Poudlard et pas juste un mensonge qu’on aurait pu sortir à une simple moldue. Et elle remerciait les esprits de lui avoir donné ce don et donc de vivre dans la vérité plutôt que dans le mensonge.

« Ils ont dit que la douleur passera, mais c’est pas vrai. J’étais petite et je pleure encore mon clan, mon frère et je pleurai longtemps Kaelia. Mais on apprendra à vivre avec hein ? On se souviendra de toute la douceur et joie qu’elle nous a apporté … Tu n’oublieras pas toi non plus ? »

L’enfant a besoin de savoir que le souvenir de sa sœur douce et gentille vivra dans un autre esprit que lien, parce qu’ils sont nombreux ceux qui en voudront à sa sœur. Ils sont plus nombreux que ceux qui se souviendront d’elle comme la grande sœur aimante, l’amie dévoué et l’âme résiliente.

« Ils… elle … elle n’était pas ce qu’ils pensent. Ce n’était pas elle cette violence. »

Est-ce que Tahia a le droit de parler de ça avec Luna ? Sans doute pas, puisqu’en tant que moldue supposé elle ne devrait pas savoir. Sauf qu’elle n’est pas moldue et qu’elle sait. Elle a besoin d’en parler à quelqu’un qui ne haissait pas Kaelia et ses parents aussi aimants soient ils ne font plus partie de cette catégorie de personne.

En cet instant précis, malgré les larmes qui ont trempé ses joues et le vide qui résonne dans sa poitrine, malgré la douleur d'être sur la tombe de sa meilleure amie et d'y croiser sa petite sœur qui n'a plus de famille, Luna ne regrette pas d'être venue ici. Elle ne regrette pas toutes ces discussions pour convaincre son oncle de la laisser se rendre au cimetière où est enterrée Kaelia, tous ces regards d'incompréhension qu'elle a subi, pas même cette surveillance à laquelle elle a eu le droit pour venir jusqu'ici. MJ a accepté de s'arrêter aux portes du cimetière pour la laisser tranquille et c'est tout ce qui compte : elles ne sont que deux devant cette triste tombe, mais deux personnes qui aimaient vraiment celle dont le nom est si dur à lire à travers les larmes. « Je suis contente de t’y voir aussi. Ça fait du bien d’avoir un visage amical ici. » Pour toute réponse, et parce qu'elle aurait peur de dire quelque chose d'idiot ou d'inapproprié, Luna esquisse l'ombre d'une grimace désolée. Elle ne peut qu'imaginer toutes les horreurs que la pauvre fillette a entendu à propos de sa sœur, toute la peine que ça a pu lui provoquer et toute la haine qu'elle a aussi pu recevoir sans raison. Tahia est l'enfant la plus douce qu'elle connaisse et, qu'importe ce qu'a fait son aînée, elle ne mérite pas qu'on s'en prenne à elle pour son nom.

Kaelia lui manque comme elle manque à Tahia, parce qu'elle était chère à leur cœur et qu'à présent elle n'est plus là. Et même si beaucoup de personnes la détestent pour ce qu'elle a fait, elles, elles savent que Kaelia n'était pas que ça. Elle était une sœur aimante, une sœur qui aimait plus que tout sa cadette et ça Luna l'a constaté à chaque fois qu'elles en parlaient. Sa petite sœur la rendait heureuse, c'était une certitude. « J’étais heureuse avec elle aussi… » La Williams esquisse un sourire triste alors que ses yeux glissent vers la pierre tombale sur laquelle elle fixe le prénom de sa meilleure amie. C'est vrai qu'elle était en colère, et triste. Mais elle avait aussi de belles qualités qu'elle se promet de ne jamais oublier malgré ce qu'elle a entendu cet été et entendra sûrement encore pendant longtemps à son sujet. Kaelia était une belle personne, elle en est sûre, et cette belle personne lui manque affreusement. « Ils ont dit que la douleur passera, mais c’est pas vrai. J’étais petite et je pleure encore mon clan, mon frère et je pleurai longtemps Kaelia. Mais on apprendra à vivre avec hein ? On se souviendra de toute la douceur et joie qu’elle nous a apporté … Tu n’oublieras pas toi non plus ? » Son regard revenu vers la fillette pendant qu'elle parlait, Luna secoue doucement la tête de droite à gauche. « Non, jamais, » qu'elle promet sans lâcher Tahia du regard. Elle sait ce qu'elle ressent, ou du moins elle croit le savoir. Un vide est né dans leur poitrine le jour où l'adolescente les a quittées, ou plutôt a agrandi celui dont elles souffraient déjà, enfants à qui la vie a déjà arraché trop d'êtres chers. « On n'oublie pas les gens qu'on aime. » Et elle l'aimait Kaelia, alors elle ne l'oubliera pas. De la même façon qu'elle n'oubliera jamais Papa, parce qu'il était tout pour elle et qu'aujourd'hui encore elle se remémore les souvenirs qu'elle a de lui, lui écrit des lettres, se surprend parfois à lui parler dans sa tête. « Ils… elle … elle n’était pas ce qu’ils pensent. Ce n’était pas elle cette violence. » « Non, tu as raison. » Peut-être qu'elles sont dans le déni, mais Luna s'en moque : elle ne veut pas retenir que sa meilleure amie était la responsable de l'attentat de Poudlard. Elle était tellement plus. « Mais eux ils ne la retiendront que pour ça. Ils ne sauront jamais quelle belle personne elle était pour nous. Ils ne sauront jamais qu'elle était une sœur aimante, et une merveilleuse amie. » Tout comme elle sait que Papa était le plus incroyable des pères, qu'il l'aimait de tout son cœur et qu'il n'a jamais voulu tout ce qui lui est arrivé ensuite. « Mais nous on sait. Et c'est ça le plus important. »

Tahia regarde la tombe avec le prénom de sa sœur, si proche de son frère. Ils ne sont pas resté pour elle. Ils ont choisi de mourir, dernière Heredia encore en vie au nom mélangé par une famille d’adoption. Elle a mal au cœur de penser à ça, mais au fond c’est sans doute mieux ainsi au moins ils ne souffrent plus. Et pour elle, sa famille adoptive l’entoura d’amour et ça ira au bout d’un moment elle pleura moins sans pour autant les oublier. Elle porte sa main à son médaillon et regarde la tombe de sa grande sœur.

« Merci Luna. »

Lance Tahia sincèrement contente de savoir qu’elle ne saura pas la seule à honorer la mémoire de sa sœur. Elles seront deux, deux personnes qui l’ont profondément aimé. Elle aurait vraiment aimé que Kaelia s’en rende compte avant de passer à l’acte. Elle pensait que son amour pour sa sœur suffirait à la tenir loin du précipice de la vengeance, enfin ça c’était sans compter le fait que sa sœur vivait auprès des sorciers depuis plus de cinq ans alors qu’elle les haïssait. Est-ce que ça aurait changé quelques choses qu’elle lui dise qu’elle était une sorcière ? Est-ce que cela aurait apaisé sa sœur ? Ou est ce que ça n’aurait fait que précipiter sa fin ? La jeune enfant n’a pas la réponse, elle peut juste faire des suppositions sur des non dit qui aurait pu changer les choses en bien ou non. Ce n’est que se faire souffrir davantage que d’imaginer le monde avec des si. Elle pousse un soupir.

« C’est eux qui l’ont rendu comme ça, n’est ce pas ? Enfin elle était déjà en colère, mais il faut plus qu’un colère d’enfant pour en arriver là me trompe-je ? »

Elle hoche la tête. Luna a raison tant qu’elles savent qui étaient vraiment Kaelia, c’est tout ce qui compte. Tahia se jure de se souvenir des pâtisseries que sa sœur ramenait sa sœur chaque fois qu’elle venait la voir. Cette grande sœur qui lui faisait découvrir Londres sous tout ses angles en lui faisant des cours d’histoire humoristique à chaque coins de rues et sur des détails anodins parfois. Elle regardait souvent le sol à la recherche d’emblèmes caché dans la pierre en pensant aux histoires que lui racontaient Kaelia dessus et qu’elle n’a jamais vérifié lui faisant entièrement confiance là-dessus.

« J’aimais quand elle me racontait l’histoire de Londres ou les histoires de maman, elle essayait de me parler dans la langue de nos parents. Je comprenais ce qu’elle disait, mais j’ai aussi senti qu’elle perdait peu à peu cette langue elle aussi vu qu’on avait plus personne pour vraiment bien la pratiquer. Je crois que j’aimerai l’apprendre de nouveau pour les honorer tous. »

Sauf que Tahia a oublié le nom du dialecte et donc elle ne peut pas demander à ses parents à étudier cette langue. Il faudrait qu’elle en retrouve le nom. Elle aurait dû demander ça à Kaelia quand il était encore tant de le faire.

C'est la première fois que Luna doit aider quelqu'un à faire son deuil, et elle mentira en affirmant savoir ce qu'elle fait. Elle-même a bien du mal à accepter la disparition de sa meilleure amie, se sentant terriblement seule maintenant que la seule personne qui semblait comprendre sa peur de la magie n'est plus de ce monde. Elle a longtemps pleuré en pensant à elle. Dans la forêt qu'elle a dû traverser pour quitter Poudlard en ruines, dans sa chambre au centre de protection de l'enfance, sur cette tombe depuis qu'elle a posé les yeux dessus. Elle pleure son amie disparue et la fin d'une relation qui lui a permis de tenir durant ces cinq longues années scolaires. Si elle a été capable d'endurer tous ces cours dangereux, toutes ces inepties sur la magie, tous ces regards de travers dans les couloirs, c'est parce qu'elle savait qu'elle pourrait se réfugier auprès de Kaelia qui comprenait toute la haine et le dégoût qu'elle ressentait. Ce sont des détails qu'elle se passe d'expliquer à sa petite sœur, Tahia, parlant simplement d'à quel point son aînée était importante pour elle. Elle ne l'oubliera pas, c'est certain. « Merci Luna. » Et si elles ne doivent être que deux à se souvenirs d'elle comme la merveilleuse amie et sœur qu'elle était réellement, alors ainsi soit-il. Les sorciers ont décidé de traiter les personnes comme elles en parias, les rejetant sans essayer de comprendre qu'elles puissent considérer la magie comme une menace. Et si la jeune fille n'approuve pas toutes les décisions qu'a prises son amie, elle ne peut pas en oublier pour autant tout ce qu'elles ont vécu ensemble.

Le reste du monde verra Kaelia seulement comme une tueuse, la responsable des explosions de Poudlard déjà sobrement appelées l'attentat de Poudlard dans la presse sorcière. « C’est eux qui l’ont rendu comme ça, n’est ce pas ? Enfin elle était déjà en colère, mais il faut plus qu’un colère d’enfant pour en arriver là me trompe-je ? » La brune esquisse une grimace. « Je crois que Poudlard a empiré les choses, oui. Elle n'était pas bien là-bas. » Elle non plus, en réalité, mais elle n'a jamais envisagé de faire exploser leur école pour autant. Ses envies de vengeance étaient plus personnelles, ciblées. Elle détestait le monde sorcier mais ne voulait voire disparaître qu'une seule personne – qui pour l'instant risque la prison, à défaut de finir six pieds sous terre comme Luna en a souvent rêvé. Elle suppose que c'est pour cela que Kaelia ne lui a jamais parlé de ses funestes intentions, parce qu'elle savait qu'elle ne souhaitait en venir aux mains qu'avec sa génitrice qui ne mérite que cela. « J’aimais quand elle me racontait l’histoire de Londres ou les histoires de maman, elle essayait de me parler dans la langue de nos parents. Je comprenais ce qu’elle disait, mais j’ai aussi senti qu’elle perdait peu à peu cette langue elle aussi vu qu’on avait plus personne pour vraiment bien la pratiquer. Je crois que j’aimerai l’apprendre de nouveau pour les honorer tous. » Luna esquisse un tendre sourire à cette idée. Elle trouve Tahia adorable, à vouloir perpétuer des traditions à son jeune âge juste pour honorer la mémoire des siens. « C'est une très belle idée, » approuve-t-elle d'une voix douce. « Je suis sûre que ça ferait très plaisir à Kaelia et à votre frère. » Elle aimerait beaucoup l'y aider mais elle ne connaissait presque rien des origines de son amie. Elle n'en parlait pas beaucoup, ayant toujours été très discrète sur son passé douloureux.