La célébrité avait son lot d’avantage – la reconnaissance de ses pairs, celle de ses fans, la gloire, le fric un peu aussi – et son lot d’inconvénients. Pas que je n’aimais pas participer à des soirées mondaines, mais je reconnais que je préférais, de loin, aller boire un verre dans un bar dans le vieux Lyon avec mes potes plutôt que de serrer des paluches à tous les cadres de la ville. Y’avait l’adjoint au maire, sorcier de son état qui faisait le lien entre le monde sorcier et le monde moldu – d’où venait son collaborateur, le maire Francisque Collomb.

Notre entraineur nous avait expliqué le but de la soirée. Ventes aux enchères de nos plus beaux maillots – et tout autre accessoire - de la coupe de Franc que nous avions gagné cette année. Les fonds iraient à l’orphelinat sorcière de la Croix-Rousse. Que des bonnes actions en soit. Mais nous nous devions d’être là. Toute l’équipe au complet. Et moi avec bien plus d’obligation, étant le capitaine de l’équipe, je ne pouvais pas manquer la soirée. Parfois, cela n’a pas que des avantages d’être le capitaine de l’équipe.

Leïla avait passé une robe bleue, et je la trouvais absolument sublime avec ses cheveux relevés au-dessus de la nuque. « Quoi ? » « J’ai pas le droit de te regarder ? » Elle a levé les yeux au ciel. « Y’aura le président du club aussi ? » J’ai acquiescé d’un signe de tête. « Y’aura même une chanteuse de Londres » Leïla a dressé un sourcil, intriguée « De Londres ? » « Il parait que l’adjoint du président l’a entendu chanter dans un bar à Londres et qu’il l’a adoré. » Moi, j’en savais absolument rien. Je traine pas les bars de Londres – à part, peut-être, le Chelsea Potter. Je suis plus bar français, c’est un fait.

J’avais passé un costume bleu nuit, assermenté d’une cravate aux couleurs des Traboules. Je pouvais pas renier ma patrie comme ça, même pour un gala de charité. Ou on allait chanter apparemment, et vendre des choses. Enfin, c’pas moi qui allait vendre. Les magasins feraient faillites s’ils me confiaient leurs objets. « C’est pour quelle assoc’ déjà ? » « L’orphelinat sorcier de la Croix-Rousse ». On a fini par transplaner tous les deux, directement dans le club de Quidditch, où il y avait déjà la moitié de mes coéquipiers. « Leïla tu es sublime » a lancé Ange. Bien sûr. Ma femme était toujours sublime, même quand elle sortait d’un match de quatre heures.

La salle louée pour l’occasion se situait en pleine Croix-Rousse. Pas très loin de l’orphelinat. Les enfants, normalement, devaient être là aussi. Il faisait froid dans les rues de Lyon, l’hiver s’annonçait rugueux. L’adjoint au maire et le président du club discutaient déjà ensemble lorsque l’on a pénétré à l’intérieur. Et comme l’on pourrait dire : c’est parti pour le show. La vente aux enchères fut un franc succès. Je n’avouerais pas que j’ai eu envie de dormir, mais j’en étais pas loin. Quant à la chanteuse, je dois reconnaitre que c’était une belle trouvaille. Je comprenais pourquoi l'adjoint au maire il était tombé sous le charme de la jolie blonde. Elle avait une voix splendide, et lorsqu’elle eut terminé son récital, j’ai abandonné Leïla au buffet. « Je vais voir la chanteuse, tu veux venir ? » Elle a refusé d’un signe de tête. « Je te rejoins après »

Harmony, parce que c’était ainsi qu’elle se prénommait, se tenait en retrait près de la scène. Je l’ai rejoint en évitant toutes les mains qui se tendaient, et les voix qui s’adressaient à moi. On ne fait pas attendre une dame parait-il. Je lui ai fait un grand sourire en arrivant près d’elle. « Bonjour. Je venais vous féliciter pour votre démonstration. C’était… splendide » Je lui ai tendu la main. « Je me présente, David Lagardère, Capitaine de l’équipe des Traboules. »

Je dois bien avouer que j'avais été extrêmement surprise quand ce gros barbu français était venu me demander de participer à une soirée caritative. Il était déjà peu habituel que je me produise dans des bars mais, entraînée par Becky pour mon "enterrement de vie de jeune fille" je m'étais retrouvé à entonner quelques morceaux du répertoire classique d'une chanteuse lyrique, et ce français était venu (précédé de son ventre proéminent et de son sourire engageant) pour me proposer de participer à une soirée pour un orphelinat sorciers dans un quartier de Lyon en France. Il y aurait du beau monde bien sûr mais personne que je connaissais personnellement. En temps normal j'aurais décliné poliment l'invitation mais depuis la visite d'un certain Rodolphus Lestrange, je ne pouvais pas cesser d'imaginer que s'il l'avait décidé ce deux novembre, mon fils serait orphelin. Enfin, son père biologique ne le connaissait pas et mon fiancé n'avait légalement aucun droit sur lui même si je le lui aurais confié les yeux fermés. Bien sûr s'il m'était arrivé quelque chose mon fils aurait été accueilli par mes parents, mais le mot Orphelin me restait en tête et je ne me sentais pas capable de refuser.

Ainsi, ce six décembre, j'étais pour la première fois de ma vie à Lyon en France. J'avais passé l'après -midi dans ma chambre d'hôtel, essayant de ne pas vomir mes tripes. Le mélange de nausées de début de grossesse, du voyage en transplanage d'escorte et de ma crise de boulimie de la veille m’avait rendue malade. J'avais tenté de cacher un peu la misère de la pâleur avec un peu de maquillage mais Rebecca n'avait pas pu m'accompagner et elle aurait sans doute fait beaucoup mieux.

La soirée avait battu son plein mais ne parlant pas la langue française aussi bien que je le voudrais, je m'étais senti un peu isolée et atrocement seule. J'observais les gens autour de moi, des sportifs accompagnés de leurs épouses, des notables de la ville, accompagnés des leurs, les enfants de l'orphelinat qui semblaient ravis de tout ce qu'il se passait autour d'eux. Ça m'a brisé le cœur de voir tous ces bout de chou. Je n'avais pas réussi à manger grand chose mais quand il fut temps pour moi de chanter mon regard s'éclaira instantanément. Je crois que la prestation était plutôt réussie . La vente aux enchères commençait  et alors que tout le monde terminait la soirée en discutant avec un untel ou untel, j'avais pris un verre de champagne pour me donner une contenance mais j'aurais tellement aimé qu'Evan ou Rebecca soit ici avec moi. Puis je l'ai vu arrivé avec son costume bleu nuit, il fonçait droit sur moi avec, lui aussi, un sourire avenant.

« Bonjour. Je venais vous féliciter pour votre démonstration. C’était… splendide »

J'avais été très agréablement surprise de l'entendre s'adresser à moi dans un anglais parfait. Il faudrait vraiment que je fasse un effort pour apprendre mieux la langue maternelle de mon futur époux et de cet homme qui venait me complémenter dans la mienne. Je ne savais pas du tout qui il pouvait être mais il avait l'air vif et sûr de lui d'un sportif

« Je me présente, David Lagardère, Capitaine de l’équipe Des Traboules. »

Il me tendit la main, j'ignorais s'il voulait me donner une poignées de main, comme il avait dut le faire a tant de monde depuis le début de cette journée, ou bien s'il attendait de me faire un baise main comme les français le maîtrise si bien. Je fis alors semblant de remettre en place un pli dans le jupon vert émeraude de ma robe de cocktail. Pour finir par changer mon verre de main et lui tendre à mon tour la main.

" Harmony Slughorn, je suis ravie de vous rencontrer Monsieur Lagardère , Je constate avec tristesse, et un peu de honte, que mon Français n'est pas assez acquis pour ce genre de soirée. "

Je souris en baissant la tête dans un signe de salut et d'excuse.  J'avais manqué de préciser que mon futur mari était pourtant d'origine Française mais je me repris juste à temps.

" Si cette démonstration vous a plu, là encore vous m'en voyez ravie. Je crois que j'aurais le plaisir d'admirer vos propres prouesses, et celles de vos hommes, demain si je ne m'abuse ? Contre qui jouez-vous déjà ?"

Je préférais discuter avec la jolie chanteuse, plutôt que de me farcir tous les directeurs de Quidditch, le maire et j’en passe. Y’avait trop de monde pour moi. Pourtant, j’aimais la gloire et la notoriété que m’avait apporté mon entrée dans les Traboules, mais ici, je ne me sentais pas à l’aise. Je ne l’étais que dans les airs, le cul sur un balai à marquer des buts. Avoir des conversations hautement philosophique – sur comment le dernier livre de Jean D’ormesson – m’ennuyait légèrement. Pourtant, parfois j’aimais bien ses bouquins, mais juste parce que j’aimais lire. Et puis, la personne intéressante de la soirée, ce n’était pas moi – à qui on demandait les prognostiques du match de demain – mais plutôt la jeune Anglaise qui était venue nous ravier les oreilles. Ouais, j’avais bien kiffé son récital à la demoiselle et au milieu de tous ces frenchies, elle devait être un peu perdu la jeune.

Slughorn, je me demandais si elle était pas parente avec le professeur de potions qui arpentaient les couloirs de Poudlard. Je lui ai fais un grand sourire. Le français n’était pas la langue la plus facile à apprendre, et pour le coup, moi, j’étais content d’être né français. J’ai fait un geste de la main. « Vous en faites pas, ils ne disent pas grand-chose d’intéressant » ai-je lancé, en riant. J’étais peut-être pas très correct avec eux, mais en même temps pour avoir fait un certain nombre de soirées mondaines, ils parlaient de leur dernier tour sur le green, et de la dernière voiture qu’ils venaient d’acquérir. Parce que ouais, même les sorciers se mettaient à la mode moldue. Cela dit, moi, j’aimais bien conduire une voiture, c’était assez… grisant. Certes, je préférais le balai volant ou le transplanage, mais parfois rouler dans une voiture, c’était dépaysant. Et la plupart des directeurs qui étaient là, côtoyaient les moldus de très près, et jouer au golf et conduire la dernière porche, ça leur donnait un certain air, et leur garantissait une certaine couverture sur la communauté sorcière.

J’avais pas spécialement le temps d’aller voir des concerts ou des spectacles, si bien que j’étais assez novice en manière de chant lyrique, mais Harmony m’avait bien plu. Avec les coéquipiers, on allait souvent boire un verre dans le bar à côté du stade de quidditch, mais il y passait du métal et du rock, on était bien loin du classique, et je trouvais que cela ne me déplaisait pas. Reposant pour les oreilles. J’avais, presque, oublier que tous les invités qui se trouvaient là, venaient assister au match, comme les gamins de l’orphelinat, d’ailleurs. « J’vais essayer d’être à la hauteur, que vous repartiez avec une belle image des joueurs français » ai-je répondu. J’étais toujours à la hauteur, surtout en match officiel. On jouait notre place au classement de la coupe de France. « On joue les Mandragores de Toulouse » Et j’espérais bien qu’on les battrait, que je puisse un peu m’en vanter devant Morgan. Parce que si c’était son équipe qui l’emportait, il n’allait pas me lâcher pendant les trois prochains mois qui arrivaient. « C’est la première fois que vous venez en France ? » lui ai-je demandé.