La Fête est finie | Rasaben

Une fois de plus, j’avais été ramené par la peau du cou au Département de Justice Magique par l’un des hommes de mon oncle, pour une obscure raison que j’avais un peu de mal à cerner. Vous la connaissez la sensation d’être sans cesse fliqué ?  Et bien imaginez que ça ne soit pas par vos parents, mais par l'entièreté d’une brigade qui a l’air de croire qu’en chaque instant je pourrais me transformer en je ne sais quelle Obscurus et tout faire péter. Comme si chacune de mes actions avait pour but d’amener à quelque chose d’illégal, alors dans le doute si on me voyait, on me ramenait à l’Oncle. Le grand patron de cette bande de guignols.

Bon… fallait admettre que cette attitude n’était pas dénuée de raisons, et qu’il arrivait, parfois, que je fasse des trucs pas tout à fait légitimes ou légaux. Mais de là à m’attraper par le colbac parce que je traînais vers les Embrumes c’était exagéré !
Pourtant c’était bien ce qui s’était passé deux heures plus tôt, malgré mes protestations et justifications. Et ça faisait à présent tout autant de temps que j’attendais sur une chaise, en présence de deux agents de l’ordre -dont mon geôlier- que mon oncle ait terminé son travail. Un interrogatoire ou quelque chose du genre. Enfin attendre c’était vite dit, car les deux gars essayaient de travailler sur des dossiers, alors que je les bassinais de questions tout en me balançant sur les pieds arrière de la chaise. Ha ils avaient voulus jouer, je comptais bien le leur faire regretter.

« Mais du coup, la pièce de tissu que vous avez retrouvé sur la scène de crime, elle est d’quelle couleur ? »

Si j’avais réussi à obtenir quelques informations gromelées de-ci de-là, mes questions, toujours plus nombreuses et parfois absurdes, n’avaient qu’un seul et unique but : les saouler. Et pas que par vengeance, contrairement à ce que les deux quidams auraient pu penser.

« Et sur cette base, vous pensez que le coupable est une femme ?  C’est pas un peu léger ? »

Les silences, les soupirs, les grognements, je m’en délectais. Ils étaient autant de preuves que j’allais bientôt pouvoir passer à la phase B de mon plan.

« J’vais pisser. »

Et en aucun cas on me retint, bien trop soulagé d’obtenir quelques minutes de répit. Après tout, au sein du Ministère, j’allais me conduire en adulte responsable. A d’autres ~
Quittant le Département de Justice, je pris la direction des sanitaires dans un premier temps… avant de continuer allégrement ma route. En cette heure qu’on pourrait juger tardive pour le Service Public, y’avait pour ainsi dire quasi pas âme qui vive. Évidemment toujours du monde de garde chez les tireurs ou aurors, du service d’entretien -surtout des elfes- et autre… mais rien comparé à la fourmilière que pouvait être le Ministère en pleine journée. Filant à l'ascenseur, je décidais de quitter le 2ème étage en tirant au sort ma destination : le cinquième. Les portes s’ouvrir alors sur des inscriptions en lettre d’or surplombant une porte : Département de la Coopération magique Internationale. Tiens donc… Je n’avais pas souvenir de m’y être encore aventuré, c’était l’occasion de le faire.

Entrouvrant la porte, je glissai un coup d’oeil à l’intérieur des locaux. Vides. Parfait !  Je m’y glissai, persuadé que mes deux geôliers ne penseraient pas à venir par ici dès lors qu’ils comprendraient que je leur avais faussé compagnie pour de bon. Je naviguais alors entre les bureaux, laissant mes iris passer d’une information à une autre à la recherche de ce qui pourrait être réellement intéressant. C’est une autre porte qui attira alors mon regard : Organisation internationale du commerce magique. Si, de prime abord, ça pouvait paraitre ennuyeux, je restais certain que je pourrais y trouver des choses intéressantes à me mettre sous la dent. Je poussais alors le battant, m’engouffrant dans cette nouvelle section. Là, illico, ce fut une grande carte qui attira mon regard. Cette dernière, évidemment ensorcelée, semblait indiquer bon nombre de choses. Des commerces ?  Des accords ?  Des choses illicites ?  Ca y est, ma curiosité était piquée au vif, et je m’approchais de l’objet occupant toute la hauteur d’un mur, sans prendre garde à ce qui pourrait se trouver aux alentours.

Assis à mon bureau, je tentais vainement de me concentrer sur la traduction d'un traité entre la Nouvelle Zélande et l'Ecosse. Il ne me semblait pas que ce traité soit à notre avantage mais je n'arrivais pas à mettre le doigt sur le problème. J'avais de plus en plus de mal à comprendre ce que je faisais ici en fait. Il était limpide pour tout le monde que je ne fournissait plus un travail aussi précis depuis plusieurs mois, que je manquais d'énergie et surtout, surtout de l'envie d'être là. La peur qu'on découvre que j'étais malade se mêlait à mon orgueil pour m'empêcher de simplement laisser tomber toute cette paperasserie barbante pour simplement rester au manoir à gratter des kilomètres de lignes plus ou moins bonnes. Personne, jamais, n'avait lu une ligne de ce que j'écrivais à mes heures perdues, pas même Rosaline, et je trouvais que c'était très bien ainsi.

Tout le monde avait quitté le département et le silence qui régnait ici n'était interrompu que par mes soupirs las et le bruissement du papier entre mes doigts. Je relisais en boucle les mêmes dix phrases de ce fichu traité sans réussir à déceler où se trouvait la faille que nous préparaient les Néo-zélandais. Pourtant je sentais le coup fourré presque aussi clairement que la douleur qui se glissait insidieusement à l'arrière de mon crâne.

" Et merde ..."

Grognais-je en repoussant mon fauteuil comme pour mettre symboliquement de la distance entre le bureau, le document et moi. J'allais devoir demander à Malefoy ou à Robards d'y jeter un œil et l'idée me déplaisait gravement en plus de me laisser une désagréable sensation de vieillesse et d'obsolescence. De plus en plus j'avais cette impression et de plus en plus elle me mettait en colère. Je jetais un regard circulaire sur la pièce de mon bureau et m'appuyais d'un air las le dos contre le dossier du fauteuil. Je n'arriverais à rien ce soir, tant pis pour mon orgueil je verrais bien le problème demain avec l'aide de mes collaborateurs. Je voyais déjà l'air de pitié mêlé de mépris poli de Malefoy lorsqu'il allait comprendre ou se situait l'entourloupe. Je le sentais dans son esprit même s' il parvenait de mieux en mieux à le fermer.

Soudain je me redressais vivement en entendant du bruit. Quelqu'un était-il encore là ? J'étais pourtant sûr de les avoir tous vu partir un par un. Je me levais et sortis du couloir en allumant les lumières.

" Lumos "

Dis-je d'un ton détaché en étant certain de croiser une tête connue quelque part dans le couloir. L'équipe d'entretien qui arriverait un peu en avance ou un collaborateur qui se serait perdu comme moi dans l'abîme d'un document, au combien ennuyeux. Je remarquais une porte entrouverte dans le fond du couloir, la porte du local où étaient entreposées toutes les archives de nos traités de commerce avec le monde entier et ou finirais bientôt le document auquel je me heurtait depuis plusieurs heures. Le bruit venait de là et j'ouvris la porte. J'avais presque envie d'en voir sortir Lucius, au moins nous pourrions finaliser le dossier ce soir avant la délégation russe qui devait avoir lieu deux jours après.

" Il y a quelqu'un ? ... Malefoy c'est vous ? "

Pas de réponse. Je m'engouffrais dans les archives pour me retrouver nez à nez avec un garnement sans doute, à peine, majeur et que je ne me souvenais pas d'avoir déjà croisé. Il s'était sans doute perdu.  

" Mais ! Fis-je surpris. Qui es tu toi ? Et ... Qu'est ce que tu fabriques ici? "        

Plus je le regardais, moins je trouvais à ce gosse une expression qu'aurait pu affiché un adolescent perdu dans les couloirs du ministère. Je sentais déjà que la soirée allait être encore plus longue que prévue.

Les conneries, ça me connaissait. Les ennuis aussi, et plutôt bien même. Mais j’avais cette propension à savoir m’en tirer, à slalomer entre les obstacles et en ressortir admirablement presque entièrement indemne. Peut-être que c’était aussi un peu pour ça que j’avais sans cesse la brigade de l’oncle sur le dos : le vénérable Sir Ogden savait de quel bois était fait son garnement de neveu, et que rien ne semblait l’arrêter. Surtout pas les mauvaises idées. Pourquoi en aurais-je peur, après tout ? La mort, si tant est qu’elle soit au bout de ma route, à je ne savais quelle intersection, était comme une vieille camarade, toujours derrière mon épaule. C’était presque comme si on se faisait des high-five à chaque instant un peu craignos de ma vie -et Merlin sait qu’il y en avait pléthore.
A bien des égards, ça aurait pu avoir un petit quelque chose de frustrant cependant, de connaitre la façon de crever de tout un chacun… sauf la sienne. Sauf que cette vérité -ou plutôt cette omission- je vivais avec depuis ma plus tendre enfance, et c’était aussi elle qui m’avait forgée. Parce que ça ne sert à rien de craindre l’inéluctable, au contraire le mien reste de profiter et tout tenter jusqu’au passage de la Faucheuse. Et je devais bien admettre que ça m’était égal qu’elle passe tôt -au fond je n’en avais pas la moindre idée, après tout- : mon avenir était aussi obscur que le trou du cul d’un troll, et je n’avais pas particulièrement envie de finir avec l’air aussi morne et désabusé que tous les adultes que je pouvais croiser.

C’était sur ces considérations que mon esprit s’était évadé, tout comme ma personne, et pris au jeu des devinettes sur ce que renfermait le Département de la Coopération Magique Internationale. Un sujet obscur pour ma petite personne, car si j’étais calé sur l’art qu’avaient les gens de donner ou trouver la Mort, ou encore la façon d’esquiver les autorités, ce n’était pas particulièrement le cas sur les traités magiques. Pourtant, je ne manquais pas particulièrement de culture, ayant passé beaucoup de temps à arpenter les bibliothèques, autant que les rues, lorsque j’étais mioche. Mais là était le problème : les traités, ça ne se trouvait pas dans les rayonnages des établissements moldus. Or, là, des casiers et les armoires regorgeaient de ces fameux secrets qui ne demandaient qu’à être découverts. Si mon attention s’était longuement portée sur l’immense carte au mur et les quelques inscriptions mouvantes sur sa surface, j’étais très vite passé à autre chose, m’enfonçant entre les étagères pour me saisir du premier document venu. Un accord passé avec l’Argentine, datant de 1956… je feuilletais les pages distraitement, mes iris s’accrochant à quelques mots pour déterminer le résumé du dossier, faisant fi de la lumière qui s’était allumée dans la pièce d’où je venais. Ha ces bougres d’Argentin ! Ils avaient dû grincer des dents avec cette tentative de régulation de ce qui devait autrefois être un trafic lucratif. J’avais beau ne pas connaitre les plantes dont il était question, dès lors qu’un accord venait se placer dessus c’est que ça posait soucis. Et je ne doutais en aucun cas du fait que des trafics parallèles avaient dû se mettre en place suite à ce dernier. Ca valait le coup de se renseigner, tient. Remettant le dossier à sa place, j’allais me saisir d’un autre lorsque quelqu’un eut l’outrecuidance de m’interrompre dans mes recherches. Suspendant mon geste, je dardais un coup d’oeil sur l’homme dans la force de l'âge qui avait fait irruption. Si la surprise s’était dessinée sur ses traits déjà bien attaqués par le temps, elle fit rapidement place à de l’agacement.

Oups ~

Aurais-je dû jouer le rôle du pauvre ado égaré ? A d’autres, ce n’était pas mon genre. J’esquissais alors mon plus beau sourire, celui totalement impudent et malicieux.

« Gwynn, nouveau stagiaire, et toi tu es…? »

Pas que j’espère être cru, surtout qu’en général les personnes de cet âge n’appréciaient pas trop le tutoiement. Mais puisque monsieur voulait des présentations, autant qu’elles soient réciproques non ? Evidemment j’omettais mon nom de famille, trop connu en ces couloirs et qui me vaudrait un retour direct à la prison et sans passer par la case départ et récupérer les 200 galions.

« C’est hyper mal rangé vos dossiers, d’ailleurs. » ajoutai-je l’air de rien, en me saisissant d’un autre feuillet.

Conscient de ma provocation, je gardais néanmoins un oeil sur les gestes de l’adulte. Il pouvait bien faire appel à la sécurité, ou tenter de me choper par le col, que ça m’était égal…. du moment qu’il ne me touche pas, moi. Chose que je comptais bien éviter si je le pouvais. L’habitude avait beau être là, je n’aimais pas particulièrement me retrouver avec des visions sans l’avoir demandé !

« Gwynn, nouveau stagiaire, et toi tu es…? »

J'arquais un sourcil, moitié outré par le mensonge éhonté et le tutoiement, moitié amusé par l'audace. Un bref instant je revis le jeune Rasaben Lestrange a l'âge de ce garçon. J'étais bien moins impertinent et culotté que celui- ci. Il faut dire que l'homme que j'appelais encore père a l'époque était immédiatement mit au courant de mes moindres faits et gestes. Cela dit, même sans craindre mon père, je ne crois pas que je me serais permis de rentrer dans une section du ministère que je ne connaissais pas sans y avoir été invité, et encore moins de tutoyer un homme de la cinquantaine qui m'y aurait surpris. Je crois que je me serais contenté de baisser les yeux et de quitter les lieux sans me faire remarquer. Visiblement ce n'était absolument pas l'intention de ce Gwynn. Tu veux jouer mon bonhomme ? Nous allons jouer.

" Qui je suis ? Ho ... Juste le directeur de ce département. "

Le ton était froid et j'espérais, par la, qu'il comprenne que j'étais forcément au courant de qui était en stage ici ou pas. Il m'avait l'air suffisamment intelligent pour ça. Bien sûr je n'allais pas lui donner mon nom, bien que ça n'eut pas changé grand-chose, je ne voulais pas lui donner cette satisfaction. Je ne savais pas trop quoi faire d'autre que d'essayer de l'impressionner mais quelque chose me disait qu'il en faudrait un peu plus que ça pour qu'il me craigne. Un peu plus que de hausser le ton et de lui faire comprendre qui était le patron des lieux. Je ne voulais pas qu'il sente que j'étais un peu décontenancé par son aplomb. Je croisais les bras d'un air impatient en le regardant attraper un dossier dans les archives.

« C’est hyper mal rangé vos dossiers, d’ailleurs. »

Non Rasaben, ne ris pas comme un idiot a cette provocation. Ne le laisse pas voir que tout ça t'amuse autant que ça t'agace. Sous prétexte d'un sourire agacé je réussi à garder mon calme. Il est vrai que les archives étaient parfois un peu dérangées, surtout quand des petits cons comme le jeune Gwynn venaient y mettre leur nez. Pourtant je briefais régulièrement mes équipes sur l'importance de faire régner le plus grand ordre.

"Tu me fais le plaisir de remettre ca ou tu l'a trouvé!"

J'avais réussi à masquer toutes intonations amusées. Il y avait longtemps que je n'avais plus à gronder mes fils comme quand ils étaient enfants et je n'avais pas eu à le faire non plus sur ma petite Enfys ni même avec mon neveu mais le ton autoritaire je connaissais bien. Il fallait parfois que j'en use avec mes équipes. Souvent avec l'agaçant Lucius Malefoy qui se prenait pour l'héritier de mon royaume de paperasseries qui me plaisait de moins en moins. Plus je regardais le jeune homme face à moi, plus j'avais envie de le laisser mettre le plus de bordel possible ici, mais j'étais responsable de tout ça et je ne pouvais pas me le permettre.

Je soupirais en toisant le garçon des pieds à la tête. Il fallait que je comprenne pourquoi il était là exactement. Etait-ce de la pure et simple curiosité ? Avait-il été envoyé ici par quelqu'un à la recherche d'un document précis ? Si oui par qui et pourquoi. J'ouvris la porte, lui faisant signe de sortir en tapotant mes doigts sur la couture de mon pantalon d'un air impatient.

" Dans mon bureau immédiatement mon garçon. Deuxième a gauche dans le couloir. "