Fables of Faubus - Remus Lupin & Damian Wilson

Il y a, chaque jour, à Londres, une cinquantaine d’incidents impliquant des violences à la personne, près d’une douzaine de cambriolages et un peu moins de vols à mains armée ; ajoutez à ça des infractions sexuelles, des vols à l’arrachée ou de véhicules, plus rarement des meurtres. Chaque jour, arrivent sur les bureaux des commissariats londoniens de nouvelles piles d’affaires, dont un petit nombre seront résolues.

Le taux de réussite tiendra à la chance et à l’implication du fonctionnaire de police en charge.

L’agression d’un vieillard, isolé, inverti, n’a que très peu de chances d’aboutir.

Remus l’a su dès le début. Il l’a su parce qu’il lit les journaux, parce qu’il a grandi dans l’Angleterre ‘moldue’, parce qu’il entend les conversations dans le métro et dans les pubs, autour de lui. Il l’a su dans le regard méprisant des agents de police auprès de qui il s’est enquis du suivi de l’agression de Mr Morgens. Il a su qu’il ne servait à rien de rester davantage.

Même le vieil homme ne veut plus en parler. Il a fallu du Veritaserum, pour que, à l’hôpital, il confie de maigres informations concernant ses agresseurs, le peu qu’il pouvait en avoir retenu. Le nombre de personnes, de vagues ressentis. Sauf une image, plus nette. Un dessin sur un blouson, un requin refermant sa mâchoire sur un obus. Il a eu l’air surpris lui-même des informations qu’il a partagées, a été presque inquiet, presque angoissé, et Remus s’en est un peu voulu. Pour apaiser sa conscience, il lui a déposé un recueil nouvellement paru, et du chocolat, lors de sa visite suivante.

Il ne s’est pas mis en chasse, pas à la manière de ses semblables. Il a beaucoup trop à faire, entre l’Ordre, la librairie, et… les conséquences des Lunes.

Mais les détails de l’agression lui restent en tête.

Et dans la chaleur du mois d’août, alors qu’il vient de fermer la porte de la librairie, un rire gras partant d’un groupe de jeunes hommes attire son oreille et ses yeux.

Le requin a un sourire vraiment déplaisant, en plus d’être assez stupide pour mordre dans un missile. On ne peut qu'espérer en la sélection naturelle.

Il les suit, à distance, sans trop savoir ce qu’il a en tête. La colère est en train de monter, tandis qu’il repense à ces heures, à la couleur et au parfum d’un sang qui n’était pas le sien. Il se force à rester à distance, longtemps, pour ne pas risquer de perdre le contrôle. Il les observe, de l’autre côté de la rue, qui prennent des pintes, à l’intérieur d’un pub. Ils rient et il n’a pas envie de savoir de quoi. Ils ont l’air de penser qu’ils sont les rois du monde, et c’est peut-être le cas, parce que cet univers est loin d’être juste, et que les policiers londoniens n’en sont que l’une des incarnations.

Que Dieu lui soit témoin, Remus J. Lupin va réintroduire un peu de justice, discrète, dans ce monde. Et il s’assurera qu’il n’y ait pas d’autres vieillards agressés.

Ce qui est un joli projet, aux contours encore indéfinis. Impossible de rentrer chez lui, sans connaître l’identité de tous ces joyeux lurons ; il n'aura probablement plus l'occasion de les croiser par hasard. Et, à vrai dire, impossible de rentrer sans s’être assuré qu’il s’agit bien des coupables. S’il met de côté la certitude qui l’habite, il faut reconnaître qu’on a dû vendre à Londres d’autres blousons de ce modèle et que les rires abrutis ne font pas des preuves formidablement convaincantes devant les tribunaux. Il soupire, laissant la rancune retomber. Ne pas faire preuve du même ressentiment aveugle que celui dont lui-même a déjà été victime.

Finalement, il rentre, commande une bière qu’il touchera à peine et s’installe à distance. Observe discrètement, en réfléchissant. A l’arrivée d’un autre jeune homme qui rejoint le groupe, il se fige.

C’est la copie conforme de Nathaniel Wilson, qui distribue des claques dans le dos et des sourires narquois, de l’autre côté de la salle.

Sa copie conforme, mais qui ne possède pas le sourire bienveillant de l’employé du Ministère, ses manières délicates malgré sa stature, sa manière élégante de se vêtir.

Le frère. Bien sûr. Le frère difficile… Celui qui s’est quelque fois invité dans leurs conversations… C’est sa chance. Ou peut-être un aspect qui viendra complexifier encore la situation.

Quand l’autre se dirige vers l’arrière-cour où, à l’odeur, se trouvent les toilettes, le lycan se lève à sa suite. Il attend qu'ils soient à l'extérieur, hors de vue du reste du groupe, pour l'interpeler, avec un sourire.

« Salut, Nathaniel- ! Je ne pensais pas te voir ici ! »

C’est une entrée en matière qui devrait, au moins, attirer l’attention du jeune géant.

J'avais besoin de m'aérer l'esprit. De mettre de côté plein de merdes qui commençaient sérieusement à me casser les couilles, plus que de raison. Et ça commençait par ce connard de Nathaniel, qui s'était permis de se jeter les lauriers de la réussite en prétextant que son taff se passait au mieux au sein d'un truc qui me dépassait. Son tuteur, c'était l'autre vieux rigide que j'avais croisé avec sa blonde bandante. Le genre de couple, qui allait pas vraiment ensemble. Et qui devait genre baiser une fois sur deux, parce que j'étais quasi certain que c'était le vioque qui devait lui faire le coup de la migraine, à la grande blonde.

Alors tout ça, j'en avais sérieusement ma claque. Et j'avais clairement envie de me barrer d'ici. Et ça commençait par une virée dans Londres. À rejoindre des potes quelque part. Où à les croiser dans un endroit en particulier. Par pur et simple hasard. C'était comme ça, qu'on fonctionnait. Puis, c'était pas ceux qui avaient l'art et la manière de tirer les autres vers le haut. C'était ceux, avec qui on pouvait boire des pintes et reluquer le cul des meufs. Rien d'autre. Et, j'avais besoin de ça. De cet aspect du truc.

Je quittais mon appartement, que je laissais plus ou mon en bordel. Y'avait pas de visite prévue par mon Parrain et j'allais clairement passer à côté d'une mandale offerte avec grâce et abnégation. Arpentant les rues de Londres en ce mois d'Août, je pouvais constater que les nanas n'avaient de cesse de faire leurs salopes. Il leur en fallait bien peu pour laisser apparaître des jambes ou des seins. C'était clairement un appel à quelque chose d'autre, que ça se passe en pleine rue ou dans une ruelle prévue pour l'occasion. Sans me cacher, j'émettais quelques sifflements appréciateurs, les mains dans les poches de mon blouson. Conscient que je repartirais pas bedrouille. Surtout pas après les regards entendus de quelques suceuses, passées maîtresses dans cet art expert.

Mais, au lieu de me faire pomper le dard comme je l'aurais voulu, j'allais retrouver des mââââles Alpha. Un groupe de nazi punks qui avait pour habitude de tabasser des petits vieux innocents sous couvert que l'un ou l'autre appréciait plus les queues que les parties féminines. Moi, j'y participais pas mais ils m'incluaient dans leurs confidences, sans n'omettre pourtant aucun détail. Et, c'était pas faute d'avoir voulu à chaque fois me rencarder sur l'une de leur sortie secrète. Parce que j'étais puissant et que peu de gars s'en sortaient indemnes après que je leur sois passé dessus. Des connasses, aussi. Mais soit.

Avec un grand sourire goguenard, je pénétrais dans l'établissement, répérant rapidement les cinq individus assis en cercle, en train déjà de boire des pintes sombres. Avec déjà quelques cadavres devant eux. Des blagues grivoises et salaces qui accueillirent ma venue, et je commandais déjà à boire. Comme eux. Mais, je m'étais déjà enfilé une bonne rasade de Vodka hors de prix dans le gosier, alors j'avais besoin soit de pisser ... soit d'aller m'en griller une. Et, j'optais pour la seconde solution. Sortant momentanément dans l'arrière-cour du Pub. Inspirant l'air, et recrachant une fumée blanchâtre vers le ciel, avec circonspection. Jusqu'à ce que je me rende compte que j'étais plus seul. Et que ...

QUOI ?!
Mon jumeau et sa propension à s'acoquiner avec des gens son espèce. Qui me pétaient sacrément les burnes. Et pour toute réponse, à son exclamation mièvre et un brin trop enjouée, je lui donnais un coup de boule. À ce putain de connard qui me dérangeait assurément pendant ma pause. La seule de la journée.

- T'es une conquête de l'autre tafiole de Nathaniel ? Tu viens réclamer des comptes parce que la baise avec lui, était pas assez bonne à ton goût ? J'essuyais mon nez, où perlait un peu de sang, mais c'était pour la bonne cause. Clairement.

Il s’est attendu à tout, sauf à l’explosion de douleur qui suit le premier contact.

Remus peut se targuer d’assez bons réflexes. Ses sens que vient renforcer le loup lui donnent certains avantages. Cela n’a pas été suffisant ici. A peine cela lui a-t-il permis de comprendre que le frère de Nathaniel n’était pas en train de réagir normalement, que l’angle de son corps indiquait-

Trop tard. Impact.

Il écarquille les yeux, atterrit contre le sol. La douleur rayonne, et il l’enregistre malgré l’habitude, comme il enregistre distraitement le sang qui réchauffe son menton, parce qu’il voit pire à chaque pleine lune. Reste le choc, doublé, triplé en entendant les premières paroles du jeune homme, dont la haine déforme les traits.

Ce n’est qu’à présent qu’il comprend à quel point les choses sont compliquées concernant ce jumeau qui a fait souffrir.

Il est impossible, en cet instant, de le confondre avec son frère, malgré toutes leurs similitudes physiques. Nathaniel est toute en mesure, en vêtements impeccables et en sourires doux. Il est tout en prévenance, tout en attentions. Sans doute plus qu’il ne devrait en témoigner à une Créature que le Ministère lui a demandé de contrôler ponctuellement.

Cette image qui s’impose à lui, de la bienveillance de Nathaniel Wilson, des sourires offerts, de l’offre d’aller écouter une lecture poétique, cette image, à laquelle s’ajoute celle d’un vieil homme inoffensif passé à tabac, réveille en Remus une colère qu’il cherche en permanence à garder sous contrôle.

Il ne perd pas de temps à essuyer le sang, il se relève, lançant un regard noir.

« ...est-ce que c’était satisfaisant ? Plus ou moins que rouer de coups un vieillard ? »

Sa voix est détachée. Froide. Il reste sur ce qui l’a amené ici. Sur les accusations visant Nathaniel, il ne répond rien. Il n’y a rien eu avec Nathaniel qui s’apparenterait à ces mots crus, à ces injures destinées à humilier. Il n’y a pas eu de luxure, cependant il ne perd pas de temps à nier. Ce lien, quel qu’il soit, n’appartient pas à cet idiot qui lui fait face. Et il ne va clairement pas mettre l’autre jeune homme dans l’embarras.

« Tu te sens fier de toi ? Glorieux ? »

Un affrontement physique n’apportera rien de bon, pour de multiples questions. Mais cette fois, il est sur ses gardes. Il esquivera une nouvelle attaque. Cherchera à rediriger la force de son agresseur contre le mur de pierre. Il a un sourire plein de sang.

« Est-ce que ça n’est quand même pas un peu plus valorisant, d’être à un contre un, plutôt qu’à… combien étiez-vous ? Quatre ? Cinq ? Contre Mr Morgens... »

Puis, avec un rire sans joie :

« Suis-je bête. J’imagine que tu connais même pas son nom. C’était purement gratuit. Pourquoi ? Pour le plaisir de l’entendre hurler ? ...vous êtes pires que des bêtes. »

Il joue un jeu dangereux, tout de même. Si le reste de la petite bande a une envie pressante, ou s’ils réalisent que leur copain met plus de temps que prévu à revenir, c’est lui, Remus, qui risque de se trouver dans un affrontement déséquilibré. Durant lequel il ne pourra pas ouvertement utiliser un sort pour se tirer d’affaire.

Malgré ça, la colère ne s’apaise pas. Il attend, une réponse, une réaction, n’importe quoi. Sa conviction est faite, cependant, il veut une confirmation, savoir qu’il a bien trouvé les coupables et que ce qui suivra, plus tard, plus discrètement, sera mérité.

Je pouvais clairement dire que ça m'avait fait plaisir. Que ça m'avait mis en joie, ce sacré coup de boule chez ce mec qui s'était alloué le droit de venir me causer. J'avais aimé cette surprise qui était née sur ses traits et la douleur que l'impact avait causé. Mais, il avait eu l'air de tenir bon, ma foi. Parce que, quand j'étais sur le terrain de rugby ou même en baston, y'en a qui se relevaient pas vraiment. Y'en a qui étaient même éclatés au sol. Alors que j'avais juste donné un petit coup, tout léger. Mais, même ce petit coup tout gentillet, ça en avait assommé plus d'un.

Alors lui, ce putain d'inconnu qui m'avait pris pour Nate cet enfoiré de première, je pouvais le féliciter. Intérieurement du moins. Jusqu'à ce qu'il ouvre encore sa gueule et que je me mette à froncer mes sourcils, vu ce qu'il était en train de me baragouiner, la gueule en sang. C'était satisfaisant ouais. Ça se lisait sur mon visage, ça. Mais, c'était pas un vieillard à ce que je sache. Ou alors, il me parlait d'un autre truc que je captais pas. Encore un mec bourré qui vient me taper la causette pour tenter de me branler l'esprit comme la bite.

Mais, y'avait quelque chose qui collait pas dans son discours, là. Quelque chose qui me fit encore plus froncer les sourcils. Car, l'identité du vieillard, j'en avais aucune idée. Je savais pas qui c'était. Je voyais pas du tout. Et surtout, il m'accusait clairement d'un truc que j'avais pas fait. Je frappais quasi tout le monde, mais certainement pas les vieux. Y'avait pas de challenge à faire ça. Y'avait généralement pas de répondant, vu qu'ils avaient déjà un pied dans la tombe. Perso', j'en voyais pas l'intérêt. Si ce n'était une perte de temps et de ressources. Moi, j'aimais quand y'avait l'adrénaline de la baston, en face.

- Attends ... quoi ? J'observais de mon regard sombre, ce gars. Pour qui le vioque devait être quelqu'un d'important, semblait-il. Je le connais pas ton Monsieur Morgens. Je sais même qui c'est. Jusqu'au moment où tu m'en parles. Un silence, mes sourcils toujours froncés. C'est quelqu'un de ta famille ? C'était pas de la compassion, juste une interrogation curieuse. Avant de ...

... piger. À l'intérieur du Pub, y'avait ces connaissances que j'avais et qui étaient idéales quand on cherchait la merde. Et, que certains y répondaient. Cependant, j'avais pas fait partie de ce truc grandiose, ce jour-là. Parce que je prenais quand même à cœur mon avenir, si je voulais mener d'une main de maître la société de mon Parrain. J'avais été mis au courant, très succinctement, de ce qu'ils avaient fait. Toutefois, j'avais pas process l'information, jusqu'à maintenant, du moins.

- Je n'y étais pas, le jour où ils ont tabassé ton pote. J'avais un partiel important à passer. Est-ce que ça excusait le massacre ? Non. D'ordinaire, je m'attaque à des gabarits qui te ressemblent, surtout quand ils me confondent avec mon jumeau. Mais, jamais je m'attaquerais à un vieux croûlant. Parce que j'en vois pas l'intérêt. C'était la vérité crue et vraie. Mais ... Par contre, je cautionne pas ce qu'ils ont fait. C'était vrai, aussi. Frottant le bas de mon visage, moi qui m'étais dit que je serais content de revoir mes potes, voilà que je me retrouverais prochainement à les tabasser.

Aidé sûrement d'un type qui avait plus l'habitude de palabrer de longues heures avec ma copie conforme, plutôt qu'un type comme moi.

- Chacun a un point faible. Tu le découvriras bien assez tôt. Et, je pense que tu veux te venger non ? J'eus un petit rire discret et sournois à cette remarque, parce que tout son être puait la revanche. Et putain, que c'était grisant.

Ce n'est toujours pas Nathaniel, et le nez de Remus continue de pulser, son sang continue de couler, s'il était nécessaire d’avoir des preuves attestant qu'il a en face de lui le mauvais jumeau. Cependant, ses provocations verbales n'ont pas produit l'effet escompté. Pas de fierté sur le visage où trouvait l'agressivité jusqu'à présent.

Non, plutôt une émotion qui tenait de la plus sincère perplexité. Il la regarde prudemment s’inscrire sur les traits masculins, la laisse emporter le mépris et le dégoût, comme l'eau claire venant balayer des pigments colorés, laissant un canevas clair sur lequel bâtir.

Remus lui laisse le bénéfice du doute, choisit de croire à sa sincérité, parce que Nathaniel n'a jamais fait état des prouesses de son frère sur une scène (et qu'ils ont suffisamment parlé de théâtre pour que, si le jumeau à problème avait ce type de talents, Remus puisse avoir été mis au courant).

Mais quoi, alors ? Ce petit gang tabasse-t-il trop d'inconnus pour se rappeler de chacun ? Ou Remus a-t-il été vite en besogne, en se basant sur un simple vêtement ?

L'instant d'après, il comprend que l'instinct et la chance ne l'ont pas Trompé. Il essuie ce qu'il peut du sang, alors que la compréhension se fait jour dans le regard trop familier.

Un rire sans joie lui échappe.

« Je vois. Innocent par des voies universitaires. Que c' est noble. »

Ceci étant, le jumeau infernal, aussi étonnant que cela puisse paraître, se désolidarise de ses amis. Cela, plus que toute autre chose, convainc Remus qu'il ne ment pas.

Il n'a aucun intérêt à prendre le parti de Remus. Il serait plus aisé de battre le rappel et de lancer la meute à ses trousses, de participer à la curée. Pourtant, à cet instant, son vis-à -vis rejette la facilité. Il n’est jamais simple de privilégier ce qui est juste, alors... Remus choisit de lui accorder du crédit. Au moins un peu.

Il l'étudie, et ne cherche pas à porter de masque. Son regard est froid, détaché de l' amusement qu’affiche cette version violente et débridée de Nathaniel.

« Je ne veux pas la vengeance aveugle. Je veux la justice. Et notre monde est ainsi fait que personne d'autre ne se soucie d'obtenir réparation pour Mr Morgens. »

Il l'avait lu dans les yeux de l'agent de police. Cependant, même sans ce moment, il en aurait la conviction.

«  Si tu peux confirmer qu'ils sont les responsables de cette attaque, je m'assurerai qu'ils n'agresseront plus personne. »

Ses mots sonnent d'une façon bien plus définitive que tout ce que lui autorisera la morale, mais qu'importe. Sa volonté s'en trouve parfaitement résumée. Bien qu'il n'ait, en réalité, aucun plan, et certainement pas l'avantage physique.

« Aujourd’hui, ou demain. Je jure qu’ils se rappelleront de Mr Morgens et qu’ils ne s’en prendront plus à lui. Ou à d’autres. »

Comment obtenir ça ? Il imagine un peu de polynectar. Ou peut-être le recours à un Epouvantard. Après tout, c’est la spécialité de son père, non ? Peut-être les deux. S’il s’assure que ce sera intraçable par le Ministère. Il ne s’agirait pas d’obtenir vengeance tout en dépossédant l’Ordre d’un membre.

Ce type, en face de moi, ça devait être la came typique de mon crétin de jumeau. Parce que cet enculé de Nate, en plus d'être bien trop fragile pour ce monde, je le soupçonnais de gober goulûment des queues. Ou de genre, faire les deux. Car il savait qu'à ce niveau-là, j'étais intransigeant et que ç'allait clairement pas redorer son blason. Ma copie conforme, elle était un brin trop habituée à défendre la veuve et l'orphelin. À promouvoir des idées nobles alors que moi, j'aimais les piétiner. J'adorais faire ça. Parce que ... dès le départ, lui c'était le bon jumeau et moi, le mauvais.

Lui, qui avait hérité des gènes hors du commun. Alors que moi, non. Lui, qui était la fierté maternelle et paternelle, alors que j'étais celle de mon Parrain. Tout ça, ça entraînait cette césure et ce gouffre que je parvenais pas à combler. On était trop éloignés Nathaniel et moi. Trop différents. Mais, notre similitude physique m'avait fait (encore) rencontrer quelqu'un de son univers que je fais tout pour maintenir à distance, pourtant. Un gars, que j'ai cogné avant de me retrouver face à une réalité. Que j'appréciais pas.

Parce que mes potes étaient de gros fils de pute, et que moi aussi, je faisais partie de ces gros fils de pute.
Même si, les partiels ne clamaient pas mon innocence dans cette tuerie. Et, mon vis-à-vis, l'avait aussi bien compris.

- T-t-t-t. Je t'arrête de suite. Il m'arrive de privilégier les études et mon avenir, à vouloir casser des gueules. Ça aussi, c'était entièrement vrai. Alors que j'étais pas contre une baston en soirée, il m'arrivait d'être conscient que je devais me demmerder pour avoir un avenir, sous peine de me prendre une sale torgnole par celui qui était mon Parrain. Du coup, c'était pas impossible que se produisent des miracles : un geste noble de ma part envers mon prochain.

J'avais certes envie de gerber, mais le vieux, il avait pas mérité ça.

- La justice ? J'eus un rire sec à ma propre interrogation. La justice, elle est lente et illusoire. Elle est pas faite pour ton petit vieux, là. Parce que je parie que le policier qui t'a reçu, a dû classer son dossier sans suite. Non ? C'était étrangement pas de la moquerie mais la triste réalité. Note que c'est vachement noble de vouloir obtenir réparation pour ton petit pote.

Une pause, -où il me fallait peser le pour et le contre concernant mes acolytes ; ça dura pas longtemps hein-, et puis :

- Ce sont eux, ouais. Et, comment tu comptes t'y prendre ? Parce que même avec toute la hargne du monde, t'arriveras pas à bout ... s'ils te tombent tous dessus. Parce que ça se déplace en meute et ... c'est quand la tête pensante tombe que ... Je venais d'avoir une idée subite mais elle incluait de me prendre des coups, par mon interlocuteur. Étant la tête pensante, il fallait que je tombe à genoux pour dissoudre cet effet, parce qu'en voyant un autre s'élever ... j'étais sûr et certain qu'ils comprendront.

Je misais tout sur une potentielle intelligence, mais soit.

- Okay. Vas-y, cogne-moi. Je suis leur leader, c'est moi qui donne les ordres. Du moins, ils m'écoutent. Et ... vu que tu veux ta justice et vu qu'on est dans un monde de prédateurs et de proies, fous-moi une raclée. Tu seras l'Alpha. Et crois-moi, qu'ils recommenceront plus. Sauf, si c'est contre tes convictions. Ou si tu veux qu'un autre Monsieur Morgens, n'y réchappe pas cette fois-ci. Qu'est-ce que je venais de proposer, sérieux ? C'était totalement aberrant et hors de propos. Et le pire dans tout ça ? C'était que ça ressemblait à du Nate, tout craché.

James ou Sirius auraient probablement lâché une nouvelle phrase piquante pour exprimer un certain doute quant aux appétences scolaires du type qui lui faisait face. Remus, lui, a fait passer le message, aussi il se contente d’un regard dubitatif, par souci d’éviter la redondance. Probablement également pour éviter de devoir masser à nouveau une mâchoire douloureuse.

Sur la question de la justice, en revanche, il lui est impossible de demeurer silencieux, de ne pas répondre. La colère revient s’agiter en lui, sombre et étrangère à son caractère d’ordinaire si contrôlé. Il ne répond pas à la question du frère jumeau de Nathaniel ; c’est un aveu en soi, la confession que celui-ci a vu juste, qu’il a parfaitement compris le niveau de dénuement dans lequel se trouvaient certains, le déficit de droits auquel expose certaines caractéristiques, bien que les citoyens n’aient aucune prise sur elles. Un grondement sourd lui étreint le coeur, face au rire sec et lancé sans pincettes.

« Que le système judiciaire et policier soit défaillant ne veut pas dire renoncer à la Justice. Dans son acception la plus universelle. Je me fiche qu’ils ne soient pas traînés devant un tribunal. Mais toute action a des conséquences. Et les leur en auront. Ce qu’ils lui ont fait aura des conséquences. »

La question des modalités de cette vengeance est pertinente. Il ressent un amusement sombre, lorsqu’il entend l’un des termes choisit par son adversaire. En retour, un rire sans joie lui échappe.

« Je ne crains pas ce genre de meutes. ….ce serait plutôt à eux de s’inquiéter. »

Des esprits malades choisiraient une pleine lune pour exercer leur vengeance. Ce n’est pas la voie que Remus, lui, choisira. Jamais. Malgré toute la haine qu’il éprouve en cet instant.

Pendant ce temps, le jumeau de Nathaniel a eu une idée apparemment brillante, du moins à en croire la succession d’émotions qui est passée sur son visage. Il dévoile son plan, et à mesure qu’il s’enthousiasme, Remus se prend à se demander combien de bières il a déjà avalées.

« Quoi ? Mais je- Non, je ne vais pas te frapper, surtout si tu n’as rien fait. Qu’est-ce qu’on serait, des animaux ? »

Il lui faut reconnaître que l’étudiant l’a pris par surprise, avec sa suggestion. La colère qu’il ressentait a été balayée par de la surprise, de la perplexité et de la confusion. Clairement… il a dû perdre un peu de son potentiel dissuasif. Finalement, il soupire, secouant la tête.

« Amène-moi seulement tes amis ici. Demain. Vers… A 21 heures tapantes. Je te promets qu’ils ne s’en prendront plus à Mr Morgens. Ou à personne d’autre. »

D’ici là, il peut se procurer du Polynectar, récupérer quelques mèches de cheveux, et… ….il lui semble savoir où trouver un Epouvantard. ….et il est à peu près sûr, s’il s’y prend bien, que le Ministère n’aura rien à lui reprocher.

Tout en parvenant à cette conclusion, il est pris d’un doute :

« Est-ce que vous réglez tous vos différents à coups de poings ? ...vos notes de dentiste doivent être gigantesques. »

Puis, parce qu’il se sent obligé, à ce stade :

« ...merci. De ton aide. »

Peut-être y a-t-il malgré tout quelques similitudes entre les deux frères que tout semble opposer. Mais avant d’en être convaincu, il restera en partie sur ses gardes.

Étrangement, -et ça me faisait même un peu peur à ce stade-, je comprenais pourquoi Nate pouvait être intéressé par ce type présent en face de moi, à qui je tentais de taper la discut'. Il paraissait être doux, peut-être qu'en apparence seulement ?, alors que dans ses veines, il semblait bouillir d'un sentiment d'injustice. C'était ce qui ressortait de lui. Quelque chose d'animal et de primal qui me plaisait, parce que c'était un peu comme ça que je fonctionnais : à l'instinct.
Cognant SOUVENT avant de parler TOUJOURS.

C'était ce que j'avais fait, quand mon poing avait pas hésité à baiser sa mâchoire, mâchoire qui était encore douloureuse, si j'en croyais le petit bleu présent à la naissance de la peau pâle. Ça encore, j'y voyais des similitudes avec ce fils de pute Nathaniel. Cette fiotte, trop sensible. Trop parfaite. Trop pleine de pouvoirs qu'il méritait pas pourtant. Mais ... Dame Nature, avait été arrangeante avec lui, alors que moi, j'en étais démuni. Non pas que ça me frustrait hein, mais ça me gavait.

- Woooow. Je sifflais avec un sourire mauvais. Conscient qu'il allait se faire justice soi-même, le bougre. Ce sont juste des gros bœufs sans vraiment de cervelle, parce que c'est moi qui leur dit quoi faire, quoi dire, quoi penser. Et puis, la Justice ... dans ce genre de cas, elle traîne un peu trop. Généralement, je cognais pas des nanas, -tu portais pas de couilles ; si tu le faisais-, mais je savais que souvent voire à chaque plainte, ces dernières étaient classées sans suite.

Si ça me répugnait ? Peut-être un peu. Mais, j'étais bien moins sur le fil que mon interlocuteur. Lui, il allait déchirer des jugulaires et arracher des viscères à mains nues, si je l'écoutais. Note, que ça m'aurait fait rire. Parce qu'il y avait rien qui me faisait peur. Rien. À part peut-être, la disparition prématurée de mon Parrain, que je supporterais peut-être pas.
Ma copie conforme, elle, c'était certainement différent.

- Ce genre de meutes ? Genre des Vampires ? Des Lycans ? C'était assez fastoche d'être au courant de tout ça, quand l'un de ses plus proches parents faisait partie d'un monde qui était peuplé de tout ça. Puis, j'étais pas si con non plus. Si des créatures de l'engeance de mon jumeau existaient, il y en avait sûrement d'autres à déplorer. Que ça ait des immenses canines ou que ça hurle à la nuit tombée quand la Lune était un brin trop ronde. ... tu le sais, que tu serais presque un tout petit peu flippant ?

Même si moi, il me foutait pas la trouille, j'en connaissais quelques-uns qui chieraient à loisir dans leurs frocs. Et, ces quelques-uns, c'étaient mes meilleurs potes. Oupsie.

- C'est dans le règne animal. Tu cognes avant d'être cogné. Et si tu me cognes, tu assures de te faire respecter par mes potes. C'est aussi logique que ça. Parce que c'est comme ça, qu'ils fonctionnent. Un haussement d'épaules. C'est pas être un animal, c'est savoir se défendre, dans la vie qui est une grosse chienne.

La vie, cette sale pute. Qu'est-ce qu'il en était de celle de ce vieux croulant qui avait été passé à tabac ? Mon vis-à-vis n'aimait pas ça. Et son plan, il eut l'audace de me rendre encore plus curieux, bien que ça serait facile de convaincre ma petite troupe de bras cassés de se rendre à l'endroit et à l'heure convenus.
Ils étaient cons comme des chaises, en gros, ça devait être fastoche. Même si moi, j'étais assez curieux de ce qui pouvait les attendre.

- Bien. M'est avis qu'on va se marrer. Un silence. Pas toujours. Y'a des débats. Parfois. Qui eux, se terminent souvent en règlements de compte. J'ai un rire quelque peu mauvais à la mention du dentiste, -je les aimais pas eux ; ces connards. De rien.

On se quittait là. Alors qu'on se revoyait le lendemain. Vingt-et-une heures tapantes avec mes acolytes. Eux, savaient pas ce qui les attendaient et moi non plus, à vrai dire. Tout ce que j'avais pu constater, c'était cette détermination qui ne s'était pas tue dans les prunelles à la couleur de forêt d'automne.

- Wilson, tu peux nous dire ce qu'on fout de nouveau ici ? M'invectivait Dwayne, avec un air patibulaire. Ayant pour toute réponse de ma part un haussement d'épaules.
- Tu vas sûrement assister à un spectacle son et lumière. Enfin, tu verras. Moi aussi, du coup. Mains dans les poches de mon blouson, j'attendais sciemment que celui qui m'avait remercié la veille fasse ce pour quoi, mes acolytes étaient là.