So we beat on, boats against the current, borne back ceaselessly into the past | Regulus & Dagmar

Cette idée, aussi singulière soit-elle, je la devais à mon petit frère. À Reggie. Et, elle était plus que brillante, évidemment. Mais, si elle avait été soufflée dans l'air, seulement quelques années en arrière, c'était certain que jamais ô grand jamais, je l'aurais acceptée. Surtout, si elle venait de lui. De Regulus. Parce qu'on était trop différents. Trop dissemblables. Qu'il avait pris sur ses épaules, le poids qui incombait à l'Héritier des Black, sans sourciller. Rendant sûrement fiers, Orion et Walburga. Alors que moi, j'étais juste l'aîné et le fauteur de troubles, qui n'avait jamais suivi les dogmes attendus.

Mais, j'avais accepté. J'avais validé cette idée de me retrouver au sein du Chelsea Potter avec une poignée de la promotion de mon cadet. Au milieu, de tout ceux et celles qui aspiraient à intégrer les hautes sphères du Ministère de la Magie. Probablement, pour y changer un jour les lois archaïques qui y étaient légion ? J'y croyais pas des masses, mais ça pouvait se faire. Probablement, un jour. Et, ce sera sûrement pas de moi, que viendrait le changement : parce qu'en ce qui me concernait, je me tenais loin de l'Institution séculaire. Celle-ci, n'étant pas au courant que j'étais un Animagus pour le moins doué, qui avais obtenu cette capacité, un brin trop jeune.

Personne de mon entourage, n'était au courant de cet état de fait. À part les Maraudeurs, bien évidemment. Or, pour les autres, je demeurais frileux. Même envers celle, pour qui j'étais en train d'écrire une missive que j'avais recommencé par trois fois, tant je savais pas être en mesure de trouver les mots, à coucher sur le papier. Circée Travers. C'était une merveilleuse occasion pour se revoir, à nouveau, non ?
Même si Sha' me jetait des œillades vertes systématiquement étonnées, à chaque fois je déchirais un parchemin, sans venir à bout de mon idée.
Ouais. Ça, me faisait chier.

- Patron ? Je croyais que toutes les invitations, tu les avais transmises par hiboux ? Ou à ton frère ? Qu'est-ce qu'il advient de celle-ci ? Lentement, la rouquine s'approchait de moi, alors que j'inspirais vivement. Conscient que je voulais revoir l'ancienne Serpentard mais que je savais pas comment.
- Hum. Y'en a une que j'aimerais transmettre personnellement.
- Ooooh. Je vois.
- Et, qu'est-ce que tu vois Mayfair ? Tu peux me dire ? Que je lui demandais tout en fronçant mes sourcils, mon regard sombre devenant plus intense. Parce que je les appréciais pas ses conclusions, qu'elle venait d'avoir avec le sourire.
- J'observe juste. Mais ... je dirais juste que mon cher et tendre Patron est ... a-mou-reux !
- ... HEIN ? NON MAIS NON ! Dis pas de conneries, putain !
- Oh et je dis aussi, qu'il faudra être un peu plus convaincant à cette soirée placée sous le signe de l'éloquence avec ton frère. Parce que là ... bouuuuh. C'est nul ! Et ... de me tirer la langue, avant de mettre son pouce vers le bas.

... ça y'est. J'étais gavé -et en moins de cinq minutes-. Mais au moins, j'avais trouvé ces quelques mots pour inviter la magnifique blonde à cette soirée improvisée (à moitié seulement) et pas réellement officielle. Parce qu'elle était pas supervisée par un BDE, ou qu'est-ce que j'en savais moi ? Je comptais sur les potes de mon petit frère pour savoir se réguler, tout seuls. Même si, j'allais conserver un droit de regard sur chacun de mes 'invités'.

- Tu sors ?
- Ouais, je vais apporter mon courrier en main propre, pas loin.
- Eeeet, ça va ? Tu vas savoir gérer ? Tu ne veux pas que je te tienne la main, Monsieur mon Ténébreux Patron ? Elle riait, alors que je restais pour le moins sérieux. Du moins, j'essayais. Avant de partir dans un ricanement, ressemblant allègrement à un bref aboiement de chien.
- Sha', je devrais pouvoir m'en sortir sans ton aide, tu sais. Avant de déguerpir rapidement chez Circée, afin de lui donner en main propre une invitation en bonne et dûe forme.

Avec un sourire, je lui assurais qu'elle était la bienvenue. Et, que je serais content de la voir au Chelsea Potter, si elle se décidait à venir. Bien entendu, ça échappera pas aux prunelles claires de mon petit frère, ça. Je le savais. Mais ... à cet instant T, je m'en foutais. M'assurant d'avoir un charmant sourire de mon interlocutrice en guise de réponse, je filais en sens inverse avant de me faire crâmer (encore) par sa colocataire hyper flippante et accessoirement meilleure amie.
C'était pas le but de ma manœuvre, initialement.

Néanmoins, et ce après quelques verres de whisky et autant de clopes plus tard, j'étais plus que prêt à accueillir ces satanés Serpents dans mon sanctuaire. Même si Reggie, m'avait assuré qu'il n'y avait pas que 'ça', dans ses comparses. Et, pour ne pas que mon frère dégobille sur ses chaussures à peine entré dans cet antre dédié au rouge et à l'or de ma Maison passée, j'avais quelque peu modifié sa décoration. En mettant ... -pardon Godric sérieusement ; et après qu'on vienne pas me dire que j'aime pas ce petit con, hein !-; quelques nuances d'émeraude et d'argent.
Là aussi, c'était peut-être aussi, parce que mon amie d'enfance venait. Peut-être, hein.

Plusieurs semaines s’étaient écoulées depuis la rentrée à l’Université Magique d’Ecosse, et presque autant de temps séparait ce qui s’apparentait en une retrouvaille des frères Black. Rencontre pour le moins particulière, initiée par de sombres intérêts et de nombreux doutes, mais à l’issue de laquelle le plus jeune avait promis à son aîné de revenir plus souvent. Une fois par mois. C’était le deal. Et si on pouvait aisément imaginer que c’était une façon comme une autre pour les deux, l’ancien et le nouvel héritier, de renouer ce qu’ils avaient pu laisser s’effilocher avec le temps, tout deux savaient bien que c’était les non-dits et l’inquiétude de Sirius envers son petit frère qui justifiait pleinement cette proposition que le cadet s’accordait à honorer… le temps qu’il faudrait.

Nonobstant cet avenir plus sombre qu’incertain, Regulus évoluait la majeure partie de son temps au sein de l’UME et du département Norma. Pour donner le change, dirait-il… et Merlin sait qu’il s’agissait d’une voie dans laquelle l’ex-Serpentard se serait assurément donné à fond en d’autres circonstances. Si à l’heure actuelle l’aisance et la culture parlaient pour lui, il n’était cependant pas le plus assidu de sa promotion tout en cachant savamment son jeu. Jeu auquel il aimait se prendre par moments, pour s’évader de cette spirale infernale qui l’aspirait depuis bien trop longtemps. Or, le jeune homme avait su se faire apprécier de la majeure partie de ses camarades, étant habile de ses mots et parlant rarement au hasard, chaleureux à ses heures, parfois piquant à d’autres, il savait être ce genre de tribun en mesure de rallier du monde à ses idées pour peu qu’il s’en donne la peine. C’était en cette occasion qu’il avait soufflé cette idée, celle de faire une soirée loin de la morne écosse et du carcan de l’institution, dans un lieu qui s’y prêtait assurément : le Chelsea Potter. Et si Regulus omit sciemment qu’il s’agissait de l’établissement de son aîné, ce fait était suffisamment connu de certains pour faire grincer des dents l’autre ancien Serpentard de la promotion. Aussi le Black dut-il employer tous ses meilleurs arguments pour faire céder Mulciber, lui certifiant qu’en patron “raisonnable” Sirius n’aurait aucune raison de malmener un client et nuire à la réputation de son établissement.

Ainsi le projet avait été porté aux oreilles du gérant des lieux, et ce dernier l’avait approuvé. Après tout, l’ex Gryffondor avait encore à prouver ses capacités à tenir un débat, point que n’avait pas manqué de souligner son petit frère une ultime fois.

Le rendez-vous avait été donné en cette soirée de fin septembre, alors que la température était encore doucereuse, avec une fine brise charriant les premières feuilles mortes sur les pavés du célèbre Chemin de Traverse. Vêtu sobrement d’une chemise noire ouverte sur une chaîne d’argent que l’ancien Serpentard portrait constamment à son cou, et mains dans les poches d’un pantalon à peine plus clair, le plus jeune des deux Black participait distraitement aux discussions de ses comparses alors qu’ils approchaient des lieux. Porte poussée dans un tintement de clochette, il s’effaça pour laisser passer la dizaine d’étudiants ayant répondu à l’appel. C’est une fragrance toute particulière qui attira son attention, lui faisait relever un oeil vers celle qui venait de passer. Un soupir désabusé, et il pénétra les lieux à son tour, embrassant l’endroit d’un regard avant qu’un sourire amusé ne se dessine à ses lèvres. Aussitôt son attention tomba sur le propriétaire des lieux, alors que ses camarades rapprochaient quelques tables et sièges.

« Pendant une seconde j’ai cru m’être trompé d’endroit. Merci pour l’effort, frangin ~ »

Il n’y avait pas à dire, ces quelques notes émeraudes et argents, elles donnaient tout de suite plus de style à ce lieu. Une attention plus que bienvenue, même si, d’anciens Serpentards -du moins de la dernière promotion- ils n’étaient que deux.
L’attention du plus jeune des Black se déporta sur les étudiants qui s’installaient, avisant de la place qu’on lui avait laissée. Les regards insistants de Mulciber étaient alors sans appel, un SOS à peine voilé qui alluma une étincelle rieuse dans le regard de Regulus. Sirius avait-il à ce point marqué les esprits de ses camarades vipérins pour qu’ils continuent de le craindre, deux années après ?  C’est entre lui et Fawley, l’ancien Serdaigle, que le jeune homme prit place, avant de tomber sur les iris clairs juste face à lui. Regard qu’il esquiva alors que l’ancien Serpentard revenait à la charge.

« Je croyais que vous vous faisiez la gueule ?! »

« Penses-tu sincèrement que je vous aurais invités ici si c’était le cas ? » répliqua le brun sans accorder davantage son attention au rouquin. Il éleva davantage la voix pour se faire entendre des autres. « J’offre la première tournée ! »

Mulciber répondit par quelques justifications auxquelles le Black ne prêta pas la moindre attention, car même s’il était vrai que quelques mois plus tôt Regulus ne tenait pas spécialement à entendre parler de son aîné, force était de constater que les choses avaient changé, et que le jeune homme ne semblait pas estimer avoir à se justifier auprès de son camarade. D’ores et déjà, l’héritier des Black s’était quelque peu avancé pour discuter avec un autre étudiant deux places plus loin, attestant de son désintérêt pour les protestations de son ami.

« Sérieusement, O’Brien ?  Commencer par un jeu à boire d’emblée ?! » s'exclamait le brun, plutôt réticent à l’idée malgré le sourire amusé à ses lèvres. Maudits soient les irlandais. « Tu préfères pas commencer soft ?  Vous en pensez quoi les autres ? »

Ses iris clairs balayèrent alors l’assemblée, n’ayant pas plus de droit de décision qu’un autre sur le sujet. Son attention s’attarda une seconde de plus sur la demoiselle face à lui, et le jeune homme se prit à se questionner sur la réponse qu’elle apporterait. C’était déjà plutôt surprenant qu’elle soit là après tout. Allait-elle jouer la carte de la fille réservée, ou prouverait-elle que les Nordiques ont toujours une meilleure descente que les anglais ?  Rapidement cependant, après ce regard bien trop long à son goût, le Black revint à ses autres camarades en attendant la sentence.

La jeune femme avait hésité longuement avant de se décider à suivre ses camarades pour cette soirée. Rester en retrait, observer, écouter, c'était sa manière habituelle d'agir. Mais le besoin de contact humain, même superficiel, s'était fait sentir plus fort que jamais. Malgré ses réticences, elle avait finalement cédé à la tentation de se mêler à la foule, tout en conservant une certaine distance, comme si elle refusait inconsciemment de s'intégrer complètement à eux. Alors qu'ils pénétraient dans le Chelsea Potter, Dagmar observait distraitement les autres étudiants, ses pensées toujours tournées vers son frère disparu. Le visage illuminé du jeune Black, arborant un sourire fier et confiant, la laissait indifférente. Elle se sentait étrangère à cette atmosphère légère et insouciante qui régnait autour d'elle, comme si elle ne pouvait pas partager la joie apparente de ses camarades.

S'installant à une table, elle gardait une certaine réserve, ses pensées voilées par une tristesse sourde et une méfiance instinctive envers ceux qui l'entouraient. Lorsqu’un jeune homme de sa promotion proposa un jeu à boire pour démarrer la soirée, elle sentit un léger agacement monter en elle. Était-ce vraiment le moment de s'amuser alors que son frère était toujours introuvable ? Elle préférait commencer doucement, mais savait que sa voix ne pèserait pas lourd face à l'enthousiasme général. Son regard croisa celui du jeune homme en face d'elle, Regulus Black, et elle détourna aussitôt les yeux, se sentant observée plus longuement qu'elle ne l'aurait souhaité. Elle se replia davantage sur elle-même, se demandant ce qu'il pouvait bien penser d'elle. Elle ne voulait pas être jugée, pas ici, pas maintenant.

Alors qu'elle attendait la décision du groupe, un sentiment de malaise s'installa en elle. Elle se demandait ce qu'elle faisait là, au milieu de ces jeunes insouciants, alors que son cœur était lourd de chagrin et d'incertitude. Mais elle resta là, silencieuse, prête à jouer le jeu pour le bien de sa quête personnelle, même si cela signifiait devoir se plier aux désirs des autres. Le regard de Dagmar revint involontairement sur Regulus, qui était assis en face d'elle, et elle le scruta avec un regard vide, dénué d'expression. Alors qu'ils se trouvaient au Chelsea Potter, un endroit célèbre du Chemin de Traverse, l'ambiance était chargée d'une énergie étrange, mêlant l'excitation de la soirée à venir et une tension sous-jacente. Les lumières tamisées ajoutaient une atmosphère mystérieuse à l'ensemble, tandis que les conversations des autres étudiants résonnaient dans la pièce, ponctuées de rires forcés et de sous-entendus.

Elle se sentait lasse. Lasse de lui, de toutes ces apparences superficielles, de cette stagnation dans sa quête. Ici les secrets étaient souvent échangés les alliances se nouaient et se défaisaient. Pour la brune, c'était un rappel constant de l'obscurité qui régnait dans le monde magique, une obscurité à laquelle elle se sentait étrangement liée. Un mouvement dans son champ de vision attira son attention, alors qu'une blonde arrogante s'installait à côté d'elle, comme si elle avait tous les droits. La jeune étrangère grogna de mécontentement, mais elle garda le silence. À quoi bon protester ? Ces quelques mois passés ici lui avaient appris une chose qui la dégoûtait profondément : les sang-pur anglais étaient parmi les pires individus qu’elle n’avait jamais rencontrés.

Lisbeth, la jeune blonde, tourna son visage vers elle avec un sourire trop brillant pour être sincère, comme si elles étaient amies de longue date. Cependant, la sorcière était bien consciente des habitudes de cette sang-pur, qui prenait un malin plaisir à rabaisser les gens comme elle, les nés-moldus.

"Tu pourrais sourire, tu serais peut-être enfin assez intéressante pour qu'on t'adresse la parole tu sais ?" lança Lisbeth d'un ton condescendant.

Levant les yeux au ciel, Dag se redressa légèrement sur son siège, plantant son regard dans celui de la blonde.

"Pourquoi chercherais-je à être intéressante auprès d'une femme qui a si peu de confiance en elle qu'elle ressent le besoin d'écraser autrui pour se sentir exister ?" répliqua-t-elle, ne retenant pas sa langue, agacée par la présence de cette fille.

Un éclat de rire retentit alors, attirant l'attention des deux filles. Elle tourna instinctivement son regard vers la source de ce son réconfortant, et ses yeux rencontrèrent ceux d'Anthéa, une brune piquante qui semblait apprécier la confrontation entre les deux autres jeunes femmes. Un sourire timide étira ses lèvres alors qu'elle observait le spectacle avec amusement, appréciant de voir Lisbeth et Anthéa se chamailler comme si elles se connaissaient depuis toujours. Se réinstallant confortablement au fond de son siège, elle se laissa emporter par la discussion animée qui agitait ses compagnes de table, contente de jouer les spectatrices pour une fois.

Jamais je n'aurais pensé avoir un jour Reggie, assis à une table, avec ses potes dans mon bar qui était le Chelsea Potter. Nommé en hommage à ce meilleur ami, rencontré lors de mes onze ans et ce, dans l'énorme train rouge et noir. C'était simple, je pensais ne plus revoir mon petit frère, étant donné que j'avais volontairement provoqué une césure de notre lien fraternel. Et pourtant, Merlin savait que je l'avais aimé au premier regard ! Lorsque mes iris sombres s'étaient délicatement posés sur cet être qui venait de rejoindre notre monde. Mon monde. Reggie, je l'avais aimé directement. M'engageant dans un accord tacite avec ma propre Raison et mon propre Cœur, de le défendre. Et ce, jusqu'à ma mort.

Mais cette promesse, je l'avais mise de côté. Je l'avais zappée et enterrée profondément, lorsque je suis parti. Et, tout ce que j'avais pu lui promettre auparavant avait été caduque. Parce que je n'avais été qu'un menteur ce jour-là. J'avais été celui, qui avais brisé le cœur de mon cadet en ne tenant pas mes engagements.
Alors, comme pour pallier à cet état de fait, on avait un autre serment avec mon cadet : celui qu'il vienne chaque mois me rendre visite dans mon établissement. Et, de ce fait, c'était un peu renouer avec ce qui avait été perdu. Retrouver cette amitié, qui avait été érodée.

Pour une fois, j'appréciais que mon Pub ne soit pas bondé. Parce que je pouvais profiter aisément de ceux et celles qui entouraient mon petit frère. Y'avait des têtes que je connaissais. Et, ces mêmes têtes avaient pâli, rien qu'en me regardant. Parce que ... même si j'avais arrangé un tant soit peu la décoration pour faire plaisir à mon cadet, je resterais TOUJOURS, un Gryffondor. Ça, ça changerait jamais. Le Rouge et Or, ça me collait au derme comme une putain de seconde peau.

- J'apprécie de ce fait, que tu salues encore plus cet effort ! Sous-entendu : ça me coûtait de dénaturer momentanément l'âme du Chelsea Potter en y foutant de l'émeraude et de l'argent, à profusion. Dans mon cœur de Lion, qui rugissait à la Trahison, c'était affreux. Certainement.

... mais, si je l'avais fait, c'était en partie pour mon frère.
Tandis que je préparais les derniers verres, pour les confier à une Shannon Mayfair souriante, -qui se doutait bien que c'était le Patron qui allait s'occuper de cette table d'étudiants-, j'avisais d'ailleurs une tête bien connue. Callum Pritchard. Ancien Poufsouffle et Écossais, m'attendant clairement pas à le trouver ici, vu qu'on avait quelques griefs par le passé. Sulpicia Carrow, en était le principal, notamment.

- Peut-être commencer 'soft' non ? Histoire de voir comment pourrait se dérouler cette soirée ? Qu'il venait de souffler au groupe, alors que mon petit frère venait d'insister sur le fait qu'il offrait la première tournée. Note qu'il m'en fallait pas plus pour arriver à sa hauteur, remarquant la jolie demoiselle en face de lui, et une blonde qui m'observait à la dérobée, tout en faisant mine de n'être pas intéressée mais qui l'était visiblement quand même.

Soit.
Avec un sourire typiquement avenant et propre à mon commerce, je posais mes deux mains sur le dossier du siège de mon petit frère, scannant ses 'invités' pour cet évènement officieux. Mulciber, le sale rouquin -je m'en fichais de sa couleur de cheveux ; il était un ancien Serpentard, c'était suffisant-, n'avait pas l'air enchanté d'être là. Et, que je puisse le regarder avec insistance, lui donnait la nausée. Une petite victoire personnelle, en définitive.

- Si ... monsieur mon petit frère offre la première tournée ... qu'est-ce que je vous sers ? Un rire, et un sourire en coin. De l'alcool pour commencer ? Ou bien, vous commencez tout doucement et ça monte crescendo ensuite ? Ça, c'est vous qui voyez. Je comptais pas à ce qu'ils me roulent sous les tables, tels des Polonais mais, ils étaient des adultes quand même. Responsables, du moins. Je vous écoute.

Comme son nom l’aurait laissé entendre, on se serait légitimement attendu à ce que le patron du Chelsea Potter soit un homme du même nom, et non pas un Black. Peut-être était-ce d’ailleurs ce qu’avait pensé la Greengrass en acceptant de venir avec ses camarades, sans prendre gare aux discussions entre les anciens Serpentards à ce sujet. Or, depuis que cette dernière avait vu les traits de celui se faisant passer pour le tenancier, les traits de la belle s’étaient quelque peu tirés, trahissant une fermeture et une tension assez nettes. Fait qui échappa peut-être à la majorité de ses camarades sur l'instant, alors qu’elle avait pris place en bout de table avec le petit groupe.

Regulus faisait partie de ces personnes n’y ayant, peut-être délibérément, pas accordé d’attention. La réputation du maître des lieux parlait d’elle-même, et son jeune frère ne tenait pas particulièrement à faire une fois de plus tampon entre les uns et les autres, comme il avait si souvent eu à le faire en cinq années de scolarité commune. Les années étaient passées, chacun avait grandi, et tout le monde pouvait se prendre en main, non ?  A l’image de Mulciber, qui avait viré au blanc, puis presque au vert -impression sans doute renforcée par la décoration des lieux- à l’approche de Sirius par derrière lui. Certes, l’ancien Serpentard n’était vraisemblablement pas la cible première de cette avancée, puisque ce fut sur les mains du siège de son voisin que les mains se posèrent lourdement. Mais il le sentit, ce regard un peu trop appuyé sur sa personne qui lui faisait presque déjà regretter d’avoir accepté de participer à cette soirée.

Or, ça non plus le cadet des Black ne semblait pas y prêter une grande attention. Tout juste tourna-t-il la tête lorsqu’il sentit la secousse provoquée par l’appui soudain des mains de son aîné sur le dossier. Un regard à la dérobée, alors que le débat faisait déjà rage dans l’assemblée quant à ce qu’il serait consommé.

« Abuse pas, O’Bri !  Tu la paieras toi-même ta tournée de shots ! »

« Mec ça pourrait être drôle pourtant, et y’en a qui auraient besoin d’être décoincés ! »

« Tu parles pour toi, Mulcichou ? »

Alors qu’en face, entre les demoiselles, c’était une toute autre discussion qui semblait agiter les lèvres. Si Regulus y prêta une oreille distraite, il ne put réprimer un infime sourire, rapidement masqué derrière un poignet posé contre sa mâchoire alors qu’il s’était accoudé à la table, lorsque Lisbeth se fit si abruptement rembarrer. C’est qu’elle avait du répondant, la Nordique, et le garçon le savait pour en avoir déjà fait les frais. Mais elle était sans cesse sur la défensive, montrant les crocs pour difficilement protéger ce qu’elle pouvait penser ou ressentir. Une indélicate mise en application de ce que tous, finalement, faisaient à longueur de temps. Les faux-semblants, c’était un art plus que maîtrisé chez certains d’entre eux… et pour les sang-purs choisissant en plus une telle filière, cette discipline atteignait parfois son apogée.

« Vraisemblablement le jeu attendra un peu; O’Brien. » conclut finalement le Black avant de se tourner à demi vers celui se tenant dans son dos. Celui-là même qui, impunément, venait de balancer à tout le monde leur lien de parenté. « Ca sera une ambrée pour moi, Sirius. »

Et chacun y alla de sa commande, du soft à la boisson plus alcoolisé. L’air de rien, sous les yeux les plus observateurs et politiques, chacun dévoilait un peu de sa stratégie… car c’est ainsi que fonctionnaient les choses, n’est-ce pas ?  En venant, pour ce qui était annoncé comme une soirée en promo, chacun apportait ses objectifs, ceux clairs, ceux inavoués. Et chacun avançait ses pions sur des plateaux plus qu’entremêlés pour parvenir à ses fins, quelles qu’elles soient. S’amuser, nouer des relations, en apprendre plus sur autrui…

L’héritier des Black aussi, était venu pour servir ses propres objectifs, aussi nébuleux puissent-ils être. Honorer une promesse : celle de sa venue en ces lieux, de façon régulière. Poursuivre un éventuel pari, un défi, auprès de son aîné, comme il le faisait souvent autrefois. S’évader un peu de ses recherches et ce qu’elles signifiaient pour son avenir, à un terme sans doute trop court. Donner le change, et faire croire qu’il était impliqué dans cette formation, pour brouiller les pistes de ses détracteurs. Et peut-être, finalement, apprendre à les connaître un peu, ces personnes qu’il côtoyait chaque jour par la force des choses…
Ces objectifs-là, bien que partiellement formulés, étaient assez clairs dans son esprit, contrairement à d’autres.

Evitant d’observer une fois de plus la personne installée juste face à lui, le brun déporta un moment son regard vers les fenêtres alors que la rue sombrait peu à peu dans l’obscurité.

« Black, je te parle-là ! » héla le garçon à sa droite.

« Hm ? »

Les iris clairs revinrent sur la silhouette de Fawley, alors que le jeune homme reprenait contact avec la réalité. Chacun discutait bon train, dans un semblant de brouhaha.

« Tu penses quoi du professeur de législation et d’éthique magique ? »

Un léger haussement de sourcil se fit voir sur les traits du sorcier, et réprimant un soupir il vint se caler dans le fond de son siège.

« C’est un beau-parleur. Ses paroles devaient sans doute faire sens il y a de ça une dizaine d'années, mais il est dépassé sur bon nombre de sujets. »

L’avis était tranché, sans demi-mesure. Il fallait dire que le climat politique actuel n’aidait en rien à traiter aisément les sujets de société, entre les groupuscules extrémistes à l’instar des mangemorts, ou encore l’inquiétude populaire en hausse à cause des différentes attaques de chasseurs. Aussi, Regulus n’avait jamais réellement caché ses opinions, bien que généralement modérés par des formulations plus acceptables, mais rarement moins piquantes.

« Un avis sur le sujet ? » glissa-t-il à l’adresse de ceux qui semblaient écouter.

Son regard s’attarda sur les iris pastels face à lui, se doutant qu’il écoperait sans doute d’une remarque acerbe suite à ses propos. Et dans les yeux du brun brilla alors presque une lueur de provocation, car au fond n’attendait-il pas que ça, justement, que la demoiselle ose enfin prendre part à ces fichus débats ?

« Nygard ? »