Vingt jours que je tournais en rond chez moi. Vingt jours à m’énerver pour tout. Pour rien. A chercher des locaux pour mon petit frère. On avait signé trois jours plutôt pour celui d’Edimbourg. Je n’aimais absolument pas l’idée qu’il puisse aller travailler sur Edimbourg mais, je n’avais pas eu trop le choix que d’accepter. Je l’avais bien vu dans son regard et dans son comportement que c’était ce local-à, qu’il voulait. Je l’avais vu sourire, même faiblement, pour la première fois depuis qu’il était revenu sur le territoire anglais. Je ne pouvais pas refuser si cela lui tenait autant à cœur. Mais Edimbourg, c’était loin de chez moi, loin du lieu où je travaillais. Et cela m’inquiétait de le savoir si loin de chez moi. J’avais peur pour lui, avec tous les mecs qu’il avait vendu, sa vie avait été mis à prix. Et chaque jour, j’admets que j’avais toujours la trouille que l’un d’eux se pointe dans le jardin.

Même si je détestais être mis à pied, par mon crétin de boss, je reconnais que j’avais la pleine liberté de garder un œil sur mon petit frère. Pour qu’il ne fasse pas de connerie. Il était sorti promener le chien. Jasper, sans être un poids, avait tendance à m’agacer plus que tout. Tout comme ce crétin de chat. L’espèce de truc à poils qui miaulait tout le temps et qui prenait mon ventre pour un oreiller. Dès que Logan n’était plus dans la maison, la chose à poil débarquait et venait squatter mon abdomen. La première fois, je l’avais viré manu militari, sans prendre de gant. Mais ce con de fléreur était revenu, en miaulant. J’avais fini par capituler au bout d’une heure de combat acharné. Cela faisait une heure que Logan était sorti promener le chien, j’étais allongé dans le canapé lisant un livre. Le nouveau Stephen King, Brume. J’aimais bien Stephen King, je rentrais facilement dans ses histoires, et j’avais du mal à lâcher le livre lorsque je plongeais dedans.

Le patronus qui apparut me fit lever les yeux de mon livre. Le phénix s’agitait et hurlait que je devais me rendre dans une maison pour sauver une famille d’allier. Les missions de l’ordre étaient rarement imprévues. Et j’admets que je n’aimais pas lorsqu’elles l’étaient. Cela ne sonnait jamais bon à mes oreilles. Fermant le livre avec virulence, j’ai sauté sur mes pieds faisant valser le chat au sol. Ciaa a miaulé fortement, ou est-ce qu’il m’engueulait ? – je me suis contenté d’hausser les épaules avant d’attraper mon blouson, mettre mes baskets, et transplaner aux coordonnées données - après avoir laissé un mot rapide à l'intention de mon petit frère qu'il ne s'inquiète pas en rentrant. J’étais en jean et sweat – quelque chose de rare chez moi, mais je reconnais qu’à tourner en rond chez moi depuis plus de quinze jours, je m’étais un peu laissé aller, question vestimentaire.

Dumbledore avait précisé qu’un coéquipier me rejoindrait. La marque dans le ciel indiquait tout sauf que quelque chose d’agréable venait de se produire. Les mangemorts étaient passés par là, la marque des ténèbres était leur marque de fabrique. Et Merlin qu’elle m’insupportait. Je la voyais bien de trop en ce moment, et pourtant j’avais appris à Logan à la dissimuler derrière un sort, mais régulièrement je la remarquais. Ou est-ce que je ne faisais que l’imaginer sur son bras ? Tant cela m’oppressait qu’il puisse avoir fait parti de cette communauté de connards ? Lui mon petit frère, le mec qui ne ferait jamais de mal à une mouche, qui ne s’était jamais défendu face à mon paternel. J’en avais pris des coups à sa place, mais je n’avais pas pu tous les empêcher. Je me suis approché lentement, la baguette à la main, écoutant les sons qui venaient de la maison, observant ce qui se passait autour de moi, appréciant ou non les odeurs qui venaient me titiller les narines. Cela sentait la mort. On voyait la mort. Et on l’entendait, dans ce silence assourdissant. J’ai traversé l’allée en gravier lentement, silencieux. Retrouver la famille, les parents et les gamins. J’ignorais qui c’était mais si Dumbledore demandait, c’est qu’ils étaient au minimum des alliés de l’ordre du phénix.

Le jardin était calme, la marque dans le ciel me faisait frémir. Je la détestais tant. Etaient-ils encore là ou étaient-ils tous partis après leurs méfaits ? J’estimais qu’ils n’étaient plus là, ils auraient sans doute déjà attaqué. J’ai stoppé net dans mon ascension lorsque la silhouette s’est trouvée non loin de moi. Silencieux, j’ai contourné le massif de roses pour arriver par derrière. J’ignorais qui c’était mais il valait mieux – dans tous les cas – être le premier à attaquer. D’un geste instantané et brusque, j’ai posé ma main sur sa bouche, ma baguette dans son dos, l’empêchant de bouger. « Tu bouges, t’es… » Mes paroles sont restées en suspens en reconnaissant le type que je venais d’attaquer. « Putain… fais attention à tes arrières ! Crétin ! » Les membres de l’Ordre, parfois, n’étaient pas les meilleurs combattants du monde. Toutes mes paroles avaient été murmurées. J’ai lâché lentement Simon – si je me souvenais bien de son prénom. J’ai posé mon doigt sur ma bouche pour l’empêcher de parler. « Je pense qu’il y a quelqu’un à l’intérieur » ai-je murmuré en l’attrapant par le bras, pour nous coller au mur de la maison.

« J’vais rentrer en premier, tu rentres après moi… » Il a hoché la tête. Simon n’était pas un mauvais bougre, et il écoutait parfaitement ce qu’on lui disait L’avantage des jeunes qui participaient aux missions de l’ordre. « T’inquiète ça va bien se passer… reste collé au mur, tu envoies un sort si tu entends du bruit… Tu me laisses cinq minutes et après tu viens, d’accord ? » Il a hoché la tête « Cilian, tu crois qu’ils sont tous morts ? » J’ai haussé les épaules. « Aucune idée, mais j’ai entendu du bruit à l’intérieur. Je ne sais juste pas si c’est un ami ou un ennemi… si je te dis de ne pas venir, tu ne viens pas, d’acc’ ? » « D’acc ».

J’ai enjambé l’homme devant l’entrée de la cabane, en essayant de ne pas faire craquer le parquet. Ça puait la mort. Lui, je l’aurais reconnu entre mille et le voir penché sur la gamine, cela ne me plaisait pas. « T’as deux secondes pour t’éloigner sinon je te colle la cervelle au mur » lui ai-je lancé, baguette tendue devant moi. Julius Bulstrode. J’aimais pas sa gueule. J’aimais pas son nom. J’aimais pas ses opinions. J’aimais rien en lui. Il s’était retrouvé chez moi, le jour où nous avions récupéré le copain de Logan. Le frère cadet des Malefoy, Bulstrode était là et j’avais pas aimé qu’on me l’impose comme ça, chez moi, sans que l’on me demande mon avis. Il avait des idées bien arrêtées, comme ses connards de parents, et j’arrivais pas à croire qu’il aidait l’ordre du phénix. C’était plus fort que moi, il cachait quelque chose, j’en étais sûr. Et en plus là, il avait du sang sur les mains. Comme si mon instinct avait vu juste, et il avait intérêt à avoir une bonne explication s’il ne voulait pas que je lui enlève les boyaux.