[RP Libre] This is Halloween

Alors que je suis dans ce fourré obscur, une question revient en boucle dans ma tête : qu’est-ce que je fais là ? Et pour une fois, il ne s’agit pas d’un là aussi large que Poudlard, mais bien d’un là aussi précis que dans ce fourré obscur et la situation qui va avec.
Tout a commencé il y a un mois, après ce premier cours de potions, quand j’ai rencontré Gwynn et Mika. Gwynn a dit qu’il avait un sujet à aborder, si je savais tenir ma langue. Donc j’ai dit que oui, je savais. Je me suis alors retrouvée à apprendre que les deux voulaient organiser une fête secrète pour Halloween, une sorte de contre-soirée. Moi, je n’y trouvais pas grand-chose à redire, alors quand ils m’ont demandé si je voulais les aider, j’ai dit pourquoi pas. Ce que je n’avais pas saisi, à l’époque, c’était que cette soirée devait être secrète car interdite. Pourquoi interdite ? Parce que devant se tenir dans la forêt, bien sûr ! Selon Mika, Halloween, c’est une fête pour se faire peur, et quel meilleur endroit pour se faire peur qu’une forêt obscure en pleine nuit ? Moi, je croyais qu’Halloween c’était une fête en l’honneur des morts. Visiblement, j’étais à côté de la plaque.
C’est donc pour avoir imprudemment dit deux fois oui que je me retrouve maintenant là, dans ce bosquet sombre, assise sur une vieille souche moussue. Avec une moue, je regarde du coin de l’œil autour de moi. Je devine plus que je ne vois les conifères tendre leurs branches comme autant de grandes pattes d’araignées velues. Depuis que je suis là, je comprends bien mieux pourquoi Mika dit qu’une forêt obscure est le meilleur endroit pour se faire peur. D’habitude, j’aime les conifères. J’aime leur odeur, leur aspect… Sauf que je n’avais jamais vu une forêt nordique avant. Mes conifères à moi, ce sont des pins aux branches hautes et aux troncs d’un beau brun, dominant des sous-bois dégagés et propageant une douce odeur résineuse. Leurs conifères à eux, ce sont des espèces de vieux sapins grisâtres couverts de lichens et de mousses, qui sentent l’humidité,  et avec des branches à tous les étages qui dévorent le moindre espace et la moindre lumière. Ce n’est plus une forêt, c’est un trou noir. Ajoutez à cela quelques feuillus sans plus une seule feuilles et tordus par les contorsions auxquelles ils doivent se livrer pour atteindre un peu de lumière, et vous obtenez un tableau évocateur.

Qu’est-ce que je fais là ? Si jamais on nous trouve, cette fois, c’est certain, je suis virée. Après le bomachin, ce sera la goutte de trop. Je suis impliquée jusqu’au cou dans l’organisation. J’ai rédigé des tas de fausses invitations pour leurrer les adultes et qu’ils cherchent partout dans le château. Enfin, je ne les ai pas rédigées moi-même, je ne suis pas folle. J’ai enchanté une plume pour le faire, avec une écriture différente de la mienne. A défaut de me disculper totalement en cas d’enquête, ça devrait retarder un peu l’échéance. Le pire, c’est que je m’étais posé tout un tas de question en rédigeant ces mots. Y a-t-il vraiment des pierres avec les symboles de la Lune et du Solstice d’Été cinquante pas après la première à droite quand on pénètre dans les cachots par l’entrée des cours ? Si oui, est-ce que ça fait vraiment quelque-chose quand on les tapote ? Et cinquante pas oui, mais des pas d’adolescents de sixième année ou de gamins de première année ? Et quel est le thème astral de Rowena Serdaigle, et ouvre-t-il vraiment une salle secrète ? C’est ridicule, mais je sais que si jamais je ne suis pas expulsée demain, j’essaierai tout ça. Pour voir si j’ai écrit des sornettes jusqu’au bout ou s’il y a un peu de vérité.
Voyant mon état d’anxiété, Mika m’a conseillé tout à l’heure de profiter de la soirée. Je peux essayer d’oublier le risque de renvoi. Mais il y a un point que je ne vais pas pouvoir me sortir de la tête, c’est celui des faux chemins. Autant l’un d’eux ne va pas bien loin dans la forêt et en ressort vite, autant l’autre a pour objectif déclaré de plonger dedans jusqu’à décourager celui qui l’emprunte. Mais si la personne ne s’avoue pas vaincue une fois le chemin disparu ? Si elle s’égare ? Ce chemin-là me hante. Y’a qu’à envoyer des étincelles rouges dans le ciel, m’a dit Gwynn. Mais on le voit pas, le ciel !

J’entends du bruit dans la clairière. Trois élèves arrivent et s’installent. Nous les laissons faire. Les directives sont claires : on ne se montre pas les premiers ! Alors j’attends. Ce n’est que quand Gwynn et Mika bougent que je commence à faire pareil. Je ne leur emboite pas tout de suite le pas mais commence par vérifier que le paquet que j’ai caché sous ma souche est toujours là. J’espère que je le retrouverai, dans le noir ! J’aurais l’air bête, sinon…
Une minute après que les garçons se soient déclarés, je les rejoins, en faisant attention à bien venir de là où vient le chemin. Par contre, je ne pousse pas jusqu’à faire semblant de m’émerveiller des lieux : cette comédie-là, je suis incapable de la jouer. Je me contente de saluer les gens présents.
Qu’est-ce que je fais là ? Plutôt que de rester bêtement debout, je vais m’asseoir en tailleur près du feu. Je dois faire tache, car si les autres sourient, moi, je tire la gueule et je n’arrête pas de guetter les bruits nocturnes. Je n’arrive pas à m’ôter cette fichue fausse piste de la tête.

Petit à petit, les élèves arrivent. Ils viennent, seuls ou par petit groupes. En silence, je prie pour que la grosse dizaine que nous sommes soit l’entièreté des fêtards, et qu’aucun ne se soit égaré dans la forêt. Je n’ai de cesse de jeter des coups d’œil inquiets vers le chemin qui finit en cul de sac. Enfin, dans la direction où je crois qu’il est, car en fait, je n’ai aucune certitude sur comment le rejoindre d’ici.
Je ne connais pas la moitié des gens présents, mais il y en a deux que je reconnais assurément : Enfys et Thomas. Et de manière tout à fait irrationnelle, cela me stresse. Notre éphémère mais marquant trio de bazar de rentrée est réuni, et c’est pour moi le signe que les Aurors vont débarquer à un moment. Nerveuse, je me rapproche d’un pas de Mika, lui demandant dans un murmure s’il est sûr qu’aucun adulte ne va trouver. Si des premières et deuxièmes années trouvent, alors ce jeu de piste sera une formalité pour des Aurors ! Et pour ne rien arranger, je suis certaine qu’on m’a identifiée comme organisatrice. Le Poufsouffle, là, il a eu un regard sacrément appuyé quand il a félicité la décoratrice ! Alors que la décoration, j’y suis pour rien, en plus ! J’ai répondu que ça n’était pas moi, mais je ne sais pas s’il m’a cru. Je ne pense pas. Donc si on se fait prendre, c’est fichu pour moi… Qu’est-ce qui m’a pris de me fourrer dans un bourbier pareil ?
Toutes les personnes présentes sont contentes d’être ici, je les vois pétiller d’excitation. L’excitation de braver les règles. Je suis clairement la seule à ne pas partager cette joie et à regretter d’être là. Ça me met encore plus mal à l’aise et à cran. J’aimerais bien me forcer et me détendre comme Mika n’arrête pas de me dire de le faire, mais je n’y arrive pas ! Je ne parviens pas à détacher mes pensées des risques et à profiter. Profiter de quoi, d’ailleurs, je me le demande. Je n’ai jamais été une grande festoyeuse, alors la nuit risque d’être particulièrement longue.

Se mettant en valeur pour interpeler les convives, Gwyn nous invite à nous mettre autour du feu. Ce feu… Bien sûr qu’on ne peut pas s’en passer, mais est-ce qu’il ne risque pas d’être un véritable phare pour ceux qui nous chercherons ? Et d’ailleurs, comment se passe la fête officielle ? Est-ce qu’on ne va pas remarquer et s’inquiéter de l’absence de certains élèves ? C’est avec la profonde envie que cette soirée qui ne fait que commencer finisse vite et bien que je m’installe avec tout le monde sur les souches disposées autour du feu. Le Serpentard propose à celui qui s’en sent l’inspiration de raconter une histoire pour faire peur aux autres.
Le premier conteur se désigne. Il s’agit de Thomas. D’habitude, je suis bon public. J’adore les histoires, vraiment. Mais d’une part je n’ai jamais compris l’intérêt de raconter une histoire dans le seul but de faire peur, et surtout je suis à ce point nerveuse du fait de la situation que je ne suis absolument pas réceptive. Aussi, je trouve que les grands airs que se donnent Thomas le rendent tout simplement ridicule. Et Petit Jambon, c’est quoi ce nom absurde ? C’est une histoire qui doit faire peur ou rire ? On ne peut pas instaurer une ambiance lugubre en prenant pour lieu de narration le village de Petit Jambon ! Je suis injuste. Thomas conte plutôt bien pour son âge, mais comme je n’aime pas la situation et rechigne à rentrer dans le récit, je me convaincs que son air fait pédant et ridiculement sombre. Je grince des dents, parce que je constate que si je mets toutes ces barrières entre moi et le récit, c’est parce qu’au fond je n’ai pas envie que le gamin me fasse à nouveau peur. Les coups du Botruc et surtout le saut sur le balai ne sont pas vraiment passés. Ou plutôt, ils ressurgissent du fait de mon mauvais état d’esprit. Mais au final, ma passion des récits me fait rapidement plonger dans celui-ci. Une fois qu’on a passé le nom ridicule, je m’intéresse naturellement au sort de Lisa. Que va-t-il lui arriver ? Et pourquoi ses parents rentrent tard le soir, ne sont-ils pas fermiers pour vivre dans un champ de maïs ? Ou alors ils appartiennent à un culte sombre, et on leur demandera de sacrifier leur fille ? Mais alors à quoi bon lui offrir un chien ? La ferme est-elle une simple couverture ?
Même si je suis captive de l’histoire, je n’en garde pas moins un œil sur celui qui la raconte. Je commence à connaître le bougre, et à le voir tourner comme ça derrière les gens avec sa branche, j’imagine très bien ce qu’il va essayer de faire. C’est bien ça qui m’énerve, dans les histoires d’horreur : on n’essaie pas de raconter une bonne histoire mais d’endormir la vigilance pour surprendre et faire sursauter. Thomas a intérêt à garder sa branche loin de moi, parce que s’il me touche avec, je la jette dans le feu. Ecoutant le conte d’une oreille, je suis ses mouvements du regard, les sourcils froncés. De ce fait, quand il se place derrière moi, je suis à moitié retournée pour le regarder. Par conséquent, il ne tente rien. Enfin si, il claque des mains, mais je suis déjà tellement crispée que je ne peux pas tellement sursauter. Et, tendue non plus tant par ma situation que par celle de Lisa, j’attends le dénouement. Qu’est-ce qu’il y a dans le placard ? Un cochon égorgé, pour faire le lien avec Little Ham ? Sans m’en rendre compte, je me penche à moitié vers Thomas, comme si ça allait le faire donner la réponse plus vite. Et j’ai un sursaut de consternation quand il la prononce.

« Allá ! », lâché-je malgré moi avant de me reprendre.

Comment est-ce que son chien peut être suspendu dans le placard puisqu’il…

« Ah ! », m’exclamé-je avec dégoût et un frisson alors que je m’imaginais la scène. « C’est dé-… C’est mal aux saints ! »

Et la suite ? La fin ? Ça ne s’arrête pas là, quand même ? Qu’est-ce que l’espèce de déséquilibré psychopathe qui lèche les mains des petites filles a fait ensuite ? Les traits autant empreints de répulsion que d’avidité curieuse, je guette le moindre mouvement de Thomas. La suite !