Good old times ♦ Gamsin

Plus Garance se rapproche de l'adresse inscrite sur le tract qu'elle cache dans ses affaires depuis une semaine, plus elle doute de la pertinence du défi qu'elle s'est donnée lorsqu'elle a choisi de le mettre dans sa poche plutôt que dans une poubelle. Initialement, elle comptait simplement le jeter, ce papier, mais la joie qui émanait de la photo a suffisamment attiré son attention qu'elle lise ce qui y était inscrit. Roller party au Light Club, Camden, jeudi, 21h. Possibilité de louer l'équipement. Aussitôt, des souvenirs sont remontés à la surface. Pas qu'elle les ait réellement enfouis, mais la vie d'adulte ne lui a pas vraiment laissé le temps de repenser à quelque chose d'aussi innocent que cette drôle d'invention moldue.

Contrairement à ce qu'on pourrait penser, l'ancienne Serdaigle a déjà fait du roller. L'idée à elle seule suffirait à faire tomber ses parents de leur chaise, d'autant plus s'ils savaient la prestance qu'elle avait lorsqu'elle s'étalait par terre toutes les trente secondes. Oh, elle n'avait assurément pas l'air de la digne héritière des MacMillan qu'elle est censée être, mais bon sang qu'est-ce qu'elle s'amusait. Elle reste persuadée que Théné aurait approuvé son choix d'activité, après tout Tamsin – l'élève de septième année qui se la jouait professeure improvisée pour la nouvelle – faisait du roller un art tant elle était douée. En tout cas, c'est ce qu'en retenait la gamine de première année qu'était Garance, les yeux plein d'étoiles lorsqu'elle écoutait ses conseils et la regardait se mouvoir sur ces petites roues infernales. Malgré les hématomes, elle n'en garde que de bons souvenirs. Sûrement parce que lors des quelques sessions rollers qu'elle a eues avec sa camarade Poufsouffle, elle n'avait pas à se préoccuper de tout le reste. Ni de ses parents qu'elle devait rendre fière, ni de sa fratrie à laquelle elle devait se conformer, ni des notes excellentes qu'elle devait ramener pour ne pas s'attirer de problèmes. Lorsqu'elle était sur ces patins à roulettes, elle ne pensait à rien d'autre qu'à son équilibre qu'elle tentait de conserver – souvent en vain.

C'est cette insouciance qui lui manque particulièrement en ce moment, et c'est pour cette raison qu'elle a gardé ce flyer et s'est mise au défi de se rendre à cette soirée. Elle avait cette illusion naïve que ça pourrait être comme à l'époque. Même si son niveau est sans doute bien moins bon qu'à la fin de sa première année à Poudlard, même si les pressions s'accumulent sur ses épaules de façon bien plus intense que lorsqu'elle avait onze ans, même si aujourd'hui on ne réclame pas d'elle de bonnes notes mais un mariage. L'illusion a tenu jusqu'à ce que sa frêle silhouette se faufile dans cette rue illuminée de mille couleurs, en plein Camden, dans laquelle sa destination est censée se trouver. Maintenant, elle hésite. Elle sait que personne ne la reconnaîtra ici – une boîte de nuit moldu, quel sang-pur de son rang s'y rendrait hormis elle ? Peut-être que c'est bien la preuve qu'elle ne devrait pas être là. Pourtant, elle n'a pas envie de faire demi-tour. Si Camelia était là, elle l'aurait sûrement déjà traînée à l'intérieur, les mirettes pleines de paillettes et un sourire jusqu'aux oreilles barrant son visage. Mais Garance est venue seule ce soir, et face à l'édifice illuminé par tous ces néons elle appréhende. Il lui faut quelques minutes pour se décider, le temps de prendre son courage à deux mains et d'oser passer devant le videur.

Comme c'est ce que fait le couple devant elle, Garance sort de sa poche le flyer qu'elle a conservé toute la semaine et le montre à l'homme d'environ trois mètres quarante qui garde l'entrée – d'accord, peut-être qu'elle exagère, mais il est vraiment impressionnant. Ce dernier observe le papier, toise celle qui le tient puis hoche la tête et s'écarte un peu pour la laisser passer. Expirant un grand coup, l'ancienne Serdaigle pousse la porte de la boîte de nuit et entre instantanément dans une autre ambiance.

En premier lieu, toutes ces couleurs l'aveuglent et lui donnent le tournis. Sans parler de la musique trop forte et de la cohue de voix qui l'agressent. On est bien loin des réceptions de la haute société sorcière auxquelles elle est habituée, alors il lui faut un certain temps d'adaptation pour y voir quelque chose et se diriger vers le comptoir qui indique LOCATION et est tenue par une femme qui bouge au rythme de la musique. Tentant d'enfouir son appréhension au plus profond d'elle-même, elle s'en approche afin d'y emprunter une paire à sa taille. Une soirée rollers sans roller, ça perdrait de son charme.

Un quart d'heure plus tard, Garance a troqué son sac et sa veste au profit d'une jolie paire de rollers roses fluos. Merlin, ce qu'ils sont voyants. Elle a l'impression qu'on ne voit que ça, pourtant elle est bien tranquille au bord de la piste dans laquelle tout le monde chante et danse dans une ambiance presque euphorique. La MacMillan se contente de regarder, trop anxieuse à l'idée d'être au milieu de cette foule dansante pour franchir le pas. Même si elle n'y va pas, son défi est validé, non ? Elle est sûrement la seule juge de cela, et une partie d'elle préfère se dire que c'est le cas. C'est la même partie d'elle qui se satisfait de simplement admirer le spectacle qui lui est offert, avec ces danses, ces gamelles et ces fous rires. L'autre, plus curieuse, a l'impression de reconnaître cette chevelure blonde qui passe pour la troisième fois devant elle. Son visage aussi semble familier, même vieilli d'une dizaine d'années. On dirait vraiment Tamsin. Mais elle n'ose pas plus l'accoster qu'elle n'ose rejoindre la piste pour danser. Ses cours de rollers, comme la dernière fois qu'elle a vu l'ancienne Poufsouffle, remontent à si loin... C'est plus prudent de rester ici. Surtout que ce n'est sans doute pas elle, si ? Pour savoir, il faudrait qu'elle ose l'interpeller... Aucune chance.

Appuyée sur la rambarde de la piste, Garance admire le spectacle coloré qui se joue sous ses yeux sans oser y prendre part. Ça va faire dix ans qu'elle n'a pas enfilé de rollers, pour sûr elle se ridiculiserait si elle avait l'audace – si ce n'est l'idiotie – d'essayer de faire comme les personnes talentueuses qu'elle voit passer devant elle. Parmi elles, la MacMillan a l'impression de reconnaître une vieille camarade d'école mais sans en être certaine. La crinière blonde et l'agilité sur ses patins sont deux gros indices, elle lui fait vraiment penser à Tamsin. Mais les chances qu'elles se recroisent ici sont si minces que la sang-pur refuse de l'interpeller pour – à moins qu'elle s'en serve simplement comme excuse pour justifier sa timidité.

Le regard de Garance est rivé sur une autre femme aux rollers verts et à la chevelure rousse lorsqu'un boucan côté d'elle lui fait tourner la tête. Une silhouette aux cheveux blonds manque de la percuter, l'évitant de justesse avant de se redresser et de s'excuser. « Dééésolée j’ai eu un p’tit loupé ! J’t’ai fait peur ? » La sang-pur entrouvre la bouche pour répondre qu'elle va bien lorsqu'elle reconnaît le visage qui lui fait face. C'est la même blonde que tout à l'heure – et c'est bien Tamsin. Maintenant qu'elles sont à moins d'un mètre l'une de l'autre, la MacMillan en est certaine. Fortuna veille peut-être sur elle ce soir – tant mieux, ça signifie que ses parents ne sauront jamais qu'elle est venue ici. En face d'elle, l'ancienne Poufsouffle semble avoir le même souvenir qui remonte. « Hé mais… tu serais pas… » Une main toujours accrochée à la rambarde pour ne pas glisser sur ses rollers, Garance remet ses cheveux en place de l'autre – un moyen idiot de ne pas se sentir gênée lorsqu'elle est observée de la sorte. « Mais si, lààà ! Oh aide-moi un peu, Serdaigle !! C’est moi qui t’ai appris à patiner quand même ! » Elle est presque flattée qu'elle se souvienne de son visage et de sa maison – ça veut dire qu'elle se souvient d'elle, tout simplement. Et puis elle aurait été étonnée que Tamsin se souvienne son prénom, mais ça n'a rien de personnel. Garance a toujours été du genre discrète, loin de ces sangs-purs qui marquent les esprits par leur charisme ou leurs belles paroles. Alors le fait que son aînée la reconnaisse plus de dix ans après alors qu'elles ne se sont connues qu'un an, c'est déjà beaucoup à ses yeux. « Garance. » Elle n'allait pas la faire poireauter plus longtemps, elle sentait bien que l'ancienne Poufsouffle trépignait de ne pas trouver son prénom. « Je pensais pas que tu te souviendrais de moi, ça fait drôlement longtemps. » Lorsqu'elles se sont rencontrées, Tamsin était en dernière année et son élève de rollers en première année, âgée d'à peine onze ans – aujourd'hui elle en a vingt-trois. « Tu-tu patines toujours ? C'est chouette. » La sang-pur esquisse un sourire avant de glisser de nouveau sa main dans ses cheveux. « Tu sais toujours faire les figures que tu m'as montrées à Poudlard ? » Revoir Tamsin après toutes ses années, ça lui fait quelque chose, et elle est contente de pouvoir discuter avec elle – elle se sent moins seule tout d'un coup.

La soirée de Garance n'était, en toute honnêteté, pas très divertissante avant qu'elle manque de se faire renverser par un feu follet à la tignasse blonde. Certes, elle avait eu le courage de venir ici, mais elle était toute seule et n'osait même pas essayer de glisser un peu sur ses patins pourtant loués et enfilés. Non, elle s'obstinait à rester accrochée à la rambarde d'une main ferme, par peur de tomber sans doute. Ou celle d'avoir l'air ridicule. Ou, encore pire, de blesser quelqu'un par sa maladresse. Des peurs, la MacMillan en avait tout un tas, et elle se les trimballait qu'elle soit dans le monde sorcier ou dans le monde moldu. C'est un problème qui ne semble pas encombrer son interlocutrice – le feu follet – qui ravive en une poignée de secondes à peine le souvenir que Garance a d'elle. Ce qui semble réciproque, bien que Tamsin ne parvienne pas pour sa part à retrouver son prénom. Loin de se vexer – les mauvaises langues diraient qu'elle a l'habitude d'être celle qu'on oublie, et elles n'auraient sans doute pas tout à fait tort –, la sang-pur met fin à son attente et s'amuse un peu de voir ses yeux s'éclairer comme si elle avait là l'illumination de sa soirée. « Ah oui c’est ça Garance ! C’est dingue de te trouver ici après toutes ces années ! » La brune hoche la tête, parfaitement d'accord. Et même si elle est un peu gênée et ne sait pas forcément quoi dire, elle est contente de trouver ici un visage familier et aussi gentil que celui de l'ancienne Poufsouffle – ça a quelque chose de rassurant. « Bien sûr que je me souviens de toi ! J’ai pas appris à beaucoup de Serdaigle à patiner, crois-moi ! » La remarque arrache un petit rire à l'ancienne Serdaigle. C'est vrai que le patin à roulettes est un domaine qui, à Poudlard, semble plus indiqué pour les Gryffondor, mais à elles deux elles ont prouvé le contraire. Pour une fois que la MacMillan peut se vanter d'avoir été courageuse en tentant de maîtriser cette activité dont elle n'avait jamais entendu sous son toit.

Des années se sont écoulées depuis leur rencontre – plus d'une dizaine, en réalité – mais Tamsin semble toujours incroyablement à l'aise sur ses patins. Son interlocutrice – qui n'a toujours pas osé lâcher la rembarde depuis qu'elle est entrée dans la boîte – se retrouve admirative, qu'importe la gamelle qui a eu lieu sous ses yeux et a manqué de la faire tomber elle aussi. « Ca faisait des années que j’avais pas patiné, quand j’ai vu le tract dans la rue, j’ai sauté sur l’occasion ! Ça me rappelle ma jeunesse. » La MacMillan laisse échapper un nouveau petit rire en réponse à sa plaisanterie. « T’es venue avec des potes ? » Est-ce qu'elle devrait mentir pour faire croire qu'elle n'est pas si désespérée que ça dans sa solitude ? « N-Non, » bafouille-t-elle en secouant la tête de gauche à droite. En réalité, Garance n'a pas beaucoup de potes. Et, parmi ce si petit nombre, elle n'a osé demander à personne de l'accompagner, même si ça semble idiot. Pour sûr, Isaac aurait accepté de venir avec elle, comme Camilia ou Ally. Mais non, la MacMillan est venue toute seule et a passé tout le début de sa soirée tout aussi seule, avant que Tamsin vienne la sauver de cette triste situation. D'habitude ça ne la dérange pas vraiment, de ne pas être accompagnée – et durant les réceptions de sangs-purs ça a même tendance à l'arranger –, mais ce soir elle se sent un peu idiote et ridicule car tout le monde s'amuse et rit. Prostrée au niveau de la rambarde au bord de la piste depuis qu'elle a enfilé des patins, elle est indéniablement soulagée que l'ancienne Poufsouffle lui accorde un peu d'intérêt et soit une compagnie plus agréable que le froid de la barre métallique. « Tu veux boire quelque chose ? C’est ma tournée ! » Il faut quelques secondes et plusieurs clignements d'yeux à Garance pour saisir l'invitation – ça doit être le manque d'habitude. « Oh, c'est gentil merci, » qu'elle répond poliment, avant de la suivre à travers la boîte en priant Fortuna, Théné et Eira pour ne pas se vautrer sur le trajet jusqu'au bar. « Comme tu as pu le constater, j’essaye de reproduire ces figures mais je suis un peu rouillée ! » La brune esquisse un sourire un peu gênée, glissant une de ses mèches de ses cheveux derrière son oreille. « Si tu viens juste de reprendre... Je trouve que c'est plutôt pas mal, non ? » Pour être honnête, elle trouve même pas super impressionnant. Il faut se dire que, elle, elle n'a même pas osé traverser la piste sur ses patins depuis qu'elle est arrivée, alors faire une figure... Quelle blague. Enfin, ça elle préfère s'abstenir de le faire remarquer à Tamsin, se sentant déjà bien ridicule d'être une telle trouillarde.

Arrivée au bar par chance sans drame – comprendre : sans que Garance s'étale de tout son long par terre, ce qui aurait trahi de façon évidente son manque de pratique du patin à roulettes ce soir –, elle l'écoute commander un shot et fouine quant à elle la carte affichée derrière les barmans et barmaids pour trouver quelque chose qui pourrait l'intéresser. Pas de l'alcool. Déjà qu'elle a peur de ne plus savoir patiner, mais alors si elle boit... Ce serait la pire bêtise qu'elle pourrait faire ce soir – outre celle d'être venue ici, peut-être. Elle commande donc un virgin cherry blossom – oui, comme une adolescente de quatorze ans qui n'a pas le droit de boire de l'alcool mais trouve ça triste de se contenter d'un jus de pomme. C'est sûr qu'à côté d'un shot, ça fait très enfantin, mais c'est pas grave, si ? « Qu’est-ce que tu deviens depuis le temps ? » La MacMillan tourne la tête vers l'ancienne Poufsouffle et réalise que ce genre de questions la met toujours mal à l'aise. Ou plutôt, qu'elles lui renvoient en pleine tronche le fait que la réponse soit absolument rien et que c'est d'une tristesse folle. Pourtant, comme d'habitude elle enrobe les choses. Et surtout, parce qu'elle est presque sûre que Tamsin ne trouvera pas choquant le fait qu'elle ait voulu remplacer ce néant par un travail – contrairement à sa famille, par exemple –, elle s'accroche à cette petite dose d'espoir que lui a donné la lettre qu'elle a reçu de Poudlard le mois dernier. « Pas grand chose de très intéressant, » admet-elle d'abord. « Mais à la rentrée, je vais retourner à Poudlard pour être l'assistante de la professeure de Botanique, » ajoute-t-elle avec un sourire. Un sourire bien plus sincère que tout ce qui se dessinent sur son visage durant les réceptions de sangs-purs où elle parle de son plaisir d'avoir du temps à accorder à l'organisation de ses événements et à s'occuper du jardin du manoir. Un vrai sourire, tout simplement. « Et toi, tu as un travail ? Dans quel domaine ? » Si la jeune femme n'était pas née avec une cuillère en argent dans la bouche, elle réaliserait sans doute l'absurdité de cette question pour celles et ceux qui doivent trimer toute leur vie afin d'avoir un toit sur leur tête, mais disons que c'est l'intention qui compte. Et Garance ne pensait pas à mal, simplement curieuse de savoir dans quel domaine travaille son ancienne professeure de patin à roulettes.

La sociabilisation n'a jamais été le point fort de Garance. Au manoir, être discrète était souvent décrit comme une qualité : une fille de son rang ne devait pas s'agiter, rétorquer et encore moins s'énerver. Et c'était de toute façon ce qui lui semblait le plus simple. Ne pas faire de bruit, écouter sagement et hocher la tête paraissait moins périlleux qu'élever sa frêle voix pour contredire parents ou précepteurs. C'est ainsi qu'elle s'est aisément confortée dans ce comportement effacé qui la caractérise encore aujourd'hui. La MacMillan est timide, pas méchante pour une mornille mais pas non plus courageuse au point d'aborder le premier inconnu qui passe comme semble capable de le faire Tamsin. C'est d'ailleurs quelque chose que la sang-pur admire beaucoup chez son interlocutrice : ce côté solaire assorti d'une audace qui donne l'impression qu'elle ne craint rien ni personne. Elle n'a pas peur de faire des pirouettes au risque de s'étaler de tout son long sur la piste, ni de rire aux éclats même devant des personnes qui pourraient la regarder de travers pour cela, et encore moins de venir seule à une telle soirée. « Pareil, j’suis seule parce que ça bottait pas trop mes potes. Ou alors ceux qui étaient intéressés n’étaient pas dispo ce soir. Moi je m’en fiche, ça me permet de rencontrer des nouvelles personnes ou de rencontrer celles que j’ai pas vu depuis une éternité ! » Malgré elle, Garance rougit en réponse au clin d'œil qu'elle lui fait. Heureusement pour elle, l'ancienne Poufsouffle la distrait de son malaise en lui proposant de lui offrir à boire : au lieu de regarder le bout de ses patins, c'est la carte des boissons qu'elle lit pour chercher une boisson à son goût. Sans alcool, bien sûr, car elle manque déjà de finir au sol au moindre mouvement sans y avoir touché. Elle n'ose pas imaginer ce qu'il adviendrait d'elle si elle commandait un shot comme Tamsin. « A la tienne ! » Un sourire timide mais sincère aux lèvres, Garance trinque avec son ancienne camarade d'école avant de boire une gorgée de son cocktail. Et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, la boisson de la blonde a disparu pour laisser place à un verre vide.

Toujours assez peu à l'aise lorsqu'on lui demande ce qu'elle devient, Garance n'a de cesse d'adapter ses réponses à ses interlocuteurs tant elle sait que ses choix pourraient être décriés. Elle n'a toujours pas annoncé à ses propres parents l'heureuse nouvelle de son admission à Poudlard comme assistante de la professeure de Botanique, mais elle la partage sans mal avec une femme qu'elle n'a pas vu depuis une dizaine d'années. Ça peut paraître absurde, et dans le fond elle admettrait en avoir un peu honte, mais elle sait aussi que ce choix qu'elle a fait contrariera bien moins Tamsin que la majorité des MacMillan. « Rien d’intéressant, tu rigoles ? C’est génial ça ! Bravo ! » Les joues de la sang-pur se teintent de rouge alors qu'elle baisse les yeux vers son verre, l'air flattée. « Merci. » Et pour avoir l'impression de se donner une contenance, elle boit une petite gorgée. Elle aimerait tant que ses parents, ses frère et sœurs réagissent ainsi. Pourtant, si ce n'est Camelia, elle doute que cette espoir ait quoi que ce soit de réaliste. « Tu sais, j’ai une de mes meilleures amies qui enseigne aussi à Poudlard. Elle est prof de Soins aux créatures magiques, j’suis sûre que vous vous entendez bien, entre amoureuses de la nature. Elle s’appelle Laelia, c’est une nana hyper douce comme toi. » Le compliment n'aide pas les pommettes de Garance à récupérer leur pâleur habituelle, face à quoi la jeune femme tente de se concentrer sur autre chose : la possibilité d'avoir une collègue avec qui s'entendre dès son arrivée, outre sa marraine adorée bien sûr. « D'accord... J'essaierai d'aller lui parler le premier jour, » assure-t-elle avant de boire une nouvelle gorgée de son cocktail. Si cette professeure s'avère aussi adorable que l'est Tamsin, elle suppose que cette dernière a raison et que tout se passera bien. « Tu pourrais me donner son nom de famille ? » demande-t-elle un peu timidement, ne sachant si dès la rentrée elle pourrait se fier aux prénoms de ses collègues ou si elle devra faire avec leur nom de famille donné lorsque le directeur les présente aux élèves dans la Grande Salle.

Pour Garance, avoir un travail n'a rien de l'évidence. Dans le monde dans lequel elle a grandi, les femmes sont cantonnées à leur rôle de sœur, d'épouse ou de mère, captives de leur manoir qu'elles sont priées de présenter sous son meilleur jour à chaque réception. Exercer un métier est une exception, une curiosité qui attire les regards et les questions. Ça lui a sauté aux yeux dès que son âge lui a permis de comprendre que le fait que sa marraine soit une auror était loin de faire l'unanimité au sein des MacMillan. Au contraire, le fait que son mari en soit un lui aussi était une fierté. C'est comme cela que fonctionne la haute-société qui l'a vue grandir : travailler n'étant pas nécessaire pour les femmes, il est toujours curieux qu'elles le fassent quand même. Alors lorsqu'elle interroge Tamsin à ce sujet, ce n'est pas en pensant à mal, seulement avec son prisme biaisé de sang-pur née avec une cuillère en or de gobelin dans la bouche. Heureusement, l'ancienne Poufsouffle ne s'en formalise pas et se contente de lui répondre sans moquerie ou signe d'agacement. « Oui je travaille, je suis Attrapeuse pour l’équipe des Pies de Montrose. Tu suis un peu le Quidditch ou c’est pas trop ton truc ? » « Je n'y connais pas grand chose mais mon meilleur ami est un grand fan, alors il m'en parle un peu. » Pas de là à être pénible – Isaac ne saurait l'être, en tout cas elle en a l'impression – mais il y a toujours ces étoiles dans son regard lorsqu'il parle de ces professionnels qu'il admire tant. « Mais attrapeuse c'est chouette. » En tout cas tant que c'est ce qui plaît à Tamsin, et c'est ce que semble indiqué son regard dans lequel l'ancienne Serdaigle croit lire une certaine fierté. « Et je crois qu'il m'a dit que les Pies sont une bonne équipe. » À moins que ce soit les Harpies, elle ne sait plus... Pourquoi tant d'équipes portent donc des noms d'oiseaux ?