Premier contact ♦ Lukiel

À Poudlard, beaucoup d'élèves regardent Luna de travers parce qu'elle est dure à approcher, comme si son côté solitaire était une tare. Ils ne se rendent pas compte que ce sont eux, les tares. Des sorciers, comme elle – sauf qu'elle elle sait. Elle sait à quel point la magie est dangereuse, cette dernière lui ayant ôté l'être qui était le plus cher à ses yeux alors qu'elle n'avait même pas dix ans. Mais dans cette école de fous, elle semble être la seule à réaliser à quel point tous ces enseignements participent à former des meurtriers, à l'image de sa génitrice qui a elle-même étudié entre ses murs. C'est pour ça qu'elle les méprise, Luna, ces sorciers si fiers d'agiter leur baguette et des dégâts considérables qu'ils peuvent faire avec. Utiliser la sienne la tend comme un arc, comme à peu près tout ce qu'il se passe à Poudlard. Elle veut partir d'ici, vraiment, mais il y a toujours le monstre qui lui sert de mère qui l'en empêche. La gamine sait que si elle a le malheur de disparaître trop longtemps, le Ministère sera prévenu et la Trace leur permettra de la retrouver. Retour à la case départ. Puis direction le sous-sol. Pas étonnant que la gamine soit traumatisée.

Dans le monde moldu, tout lui semble plus facile. Il n'y a pas ce malaise typique du côté sorcier lorsqu'elle se balade dans les rues. Adieu la crainte de recevoir un sortilège qui manque sa cible, de tarés masqués qui utilisent la magie pour terroriser toute une population, d'être embarquée contre son gré simplement en transplanant. Le monde moldu lui semble plus sûr, même si les sorciers – obnubilés par la certitude qu'ils sont incroyables – ne seraient pas de son avis.

Son attachement au monde moldu s'explique aussi par le fait que c'est là qu'elle y pratique sa passion : le taekwondo. Quand elle rejoint son club pour quelques heures de détente, elle n'a plus à penser à rien. Ni sa génitrice, ni Poudlard, ni les sortilèges qu'elle est contrainte de lancer lorsqu'elle est en classe. Il n'y a que le sport qui compte. Et le sport, Luna, ça la rend plus sociable. Rien d'extraordinaire non plus – on ne la verra sûrement pas enlacer chaque nouveau-venu et partir en soirée avec un groupe de quinze personnes sous prétexte qu'ils ont fait une séance d'essai la semaine passée –, mais ça surprendrait ses camarades d'école. En tout cas, elle l'est assez pour avoir accepté la suggestion de sa professeure de taekwondo : aller faire un tour dans le club de boxe tenu par son mari cette semaine. Voyant que son élève risquait de prendre la mouche car ça sonnait beaucoup comme une invitation à prendre la porte, elle lui a expliqué qu'elle pensait seulement que ce sport lui plairait et qu'elle serait évidemment toujours la bienvenue ici. Après quelques minutes de discussion, l'adolescente s'est laissée convaincre. De toute façon, ce n'est qu'un essai.

Arrivée à l'adresse qu'on lui a donnée, Luna lève le nez vers la devanture et vérifie grâce au nom inscrit qu'elle ne s'est pas plantée. Puis elle en pousse la porte et fait quelque pas à l'intérieur, son regard analysant tout ce qui l'entoure. Ça ne ressemble pas du tout à son club à elle. Il y a un coin avec des rings, un autre avec des ballons de frappe. Un mur est décoré de médailles et de coupes, sûrement remportées par des membres du club. Par endroit, des gants de boxe décorés sont accrochés à des crochets. Et évidemment, au milieu de tout ça, Luna ne reconnaît personne. Ayant pris la décision de ne pas venir accompagnée, elle ne peut pas refiler la besogne d'aller chercher le patron à quelqu'un d'autre et se retrouve donc à le faire seule. C'est une grande silhouette aux cheveux bouclés qui attire son attention et vers laquelle elle se dirige. « Bonjour, vous travaillez ici ? » Il a l'air expérimenté, elle le voit bien comme prof. « On m'a dit que je pourrais faire un essai. C'est madame Lane qui m'envoie, elle connaît le patron. » Elle a épousé le patron, plus exactement, d'ailleurs elle porte sûrement son nom.

Arrivée devant la salle de boxe dont sa professeure de taekwondo lui a donné l’adresse, Luna pousse la porte puis cherche une personne qui pourra la renseigner. Elle n’est pas particulièrement à l’aise avec les rencontres, mais quitte à être venue elle ne va pas abandonner à la première difficulté. De toute façon elle s’en doutait, qu’elle devrait engager le dialogue avec quelqu’un pour avoir des informations. Si elle avait voulu y échapper, elle aurait dû embarquer avec elle un ou une camarade de taekwondo pour lui refiler la tâche. Mais elle est venue seule, et c’est seule qu’elle doit aborder quelqu’un du club. Son choix se porte sur un homme à qui elle trouve une aisance qui la fait penser qu’il pourrait travailler ici. Alors elle s’approche, non sans constater qu’il fait bien vingt – trente ? – centimètres de plus qu’elle, le salue et lui demande s’il travaille ici. Elle essaie d’avoir l’air même si elle a du mal à ne pas être impressionnée, du haut de ses quinze ans. Cependant, il a l’air assez sympathique dès qu’il prend la parole, et ça la met en confiance. « Salut ! Non, je ne suis qu’adhérent, mais ça m’arrangerait de bosser ici, on aurait peut-être des réductions sur les licences, hein ! » L’adolescente pince les lèvres pour réprimer un rire face à l’accusation qui cible sans subtilité la personne à l’accueil. Le grand brun n'a pas sa langue dans sa poche, ça se voit comme le nez au milieu de la tronche. « Tu cherches quelqu’un ? » La brune hoche la tête avant d'expliquer la raison de sa venue, et de préciser qui l'envoie. « Ah oui, c’est la femme du patron. J’suis pas sûr qu’il soit arrivé mais viens, ya pas de problème. » Elle le suit sans se faire prier jusqu'au comptoir de l'accueil, se demandant soudainement si elle va avoir à payer quelque chose. Merde, elle n'est pas sûre d'avoir piqué assez à sa mère. Elle espère qu'il n'y aura pas besoin, d'autant plus qu'elle se dit que madame Lane l'aurait prévenue s'il y avait des frais pour un essai. La gamine va sur ses quinze ans, sa professeure doit se douter qu'elle n'a pas de revenus et doit faire attention avec son argent de poche. La vérité c'est qu'elle n'en a pas, de l'argent de poche. Ce n'est sûrement pas son affreuse génitrice qui va lui en donner, soyons honnêtes. Pourtant, c'est ce qu'affirme Luna lorsqu'elle doit payer sa licence de taekwondo. En même temps, elle ne va pas raconter à sa professeure que l'argent qu'elle encaisse est issu de vols assez réguliers dans le portefeuille de sa mère. L'intégrité est tout de même un principe fondamental du taekwondo, alors elle risquerait sans doute un renvoi de son club si ça se savait, ce qu'elle veut à tout prix éviter. Aux grands maux les grands remèdes, et selon Luna sa mère est l'un des pires maux qui soit sur cette planète. Et puis, temps que personne d'autre qu'elle-même n'est au courant, alors sa méthode ne fait de mal à personne – la gamine n'a sans doute pas fini à Serpentard pour rien, finalement.

Arrivée au comptoir aux côtés de l'inconnu aux cheveux bouclés, elle l'observe en silence s'y accouder et reprendre la parole avec cette nonchalance qui semble le caractériser. « Hey, la demoiselle ici présente vient faire un cours d’essai, elle connait la femme de Lane. Elle peut rentrer, c’est bon ? » Le type en face acquiesce, et ne réclame pas le moindre billet – tant mieux pour tes pseudo-économies. « Te dérange pas, je m’occupe de lui faire visiter. » L'adolescente sourit, ravie de savoir qu'il compte lui montrer la salle et ne pas la laisser se débrouiller seule ou refiler cette corvée à quelqu'un d'autre – après tout il ne travaille pas ici, alors il aurait pu la laisser attendre à l'accueil que monsieur Lane arrive et n'en avoir rien à foutre. Elle se dit qu'elle a bien intuité sur la personne à qui s'adresser pour découvrir le club de boxe. Certes le mari de sa professeure n'est pas là, mais ça ne lui pose pas de problème – elle ne le connaît pas non plus, en réalité, c'est de son enseignante dont elle s'est rapprochée avec les années.

Luna emboîte sans se faire prier le pas de monsieur Bouclettes – elle ne connaît toujours pas son prénom, alors elle lui donne un surnom... un brin ridicule il est vrai, mais c'était ça ou monsieur Géant. « Je m’appelle Ezekiel, et toi ? » Ezekiel Bouclettes, ça sonne super bien si vous voulez son avis. « Luna. » Le duo s'arrête après avoir traversé une partie de la salle de boxe, et la plus jeune attend d'en savoir plus sur la marche à suivre pour commencer son initiation. « Ici, ce sont les vestiaires des filles. Je rentre pas mais tu verras, au fond il y a une armoire avec des bandes et tout le matériel nécessaire. Les gants sont dans la caisse métallique là-bas. Après tu prendras cette porte pour accéder à la salle. Tu peux garder tes baskets si elles sont pas trop sales mais en général on garde une paire juste pour la salle. » N'étant pas la plus verbale du monde, l'adolescente hoche la tête pour signaler qu'elle a bien écouté. N'ayant pas la moindre idée de l'état de ses chaussures, elle baisse la tête puis lève ses pieds l'un après l'autre pour vérifier qu'elles ne sont pas trop sales. Par chance, le mois de juillet n'est pas trop pluvieux et a épargné ses baskets de la boue. Ça ira pour une séance d'essai, et si elle décide de revenir elle prendra d'autres chaussures exprès. Luna relève donc la tête, en même temps qu'une question se fasse un chemin dans son esprit. « Il y a des tailles pour les gants ? C'est indiqué où ? » Il n'y a pas de gants au taekwondo, uniquement des raquettes ou assimilés qui servent de cibles et d'amortis pour les coups de pied. « Si t’as besoin de quelque chose, tu m’appelles, j’serai au bout du couloir. Et sinon, rendez-vous dans cinq minutes dans la salle, j’te montrerai tout le reste ! » « Merci, » répond la brune avec un véritable sourire. D'une certaine façon elle est déjà reconnaissante : Ezekiel est parvenu à faire chasser son appréhension de découvrir la boxe entourée de parfaits inconnus.

Alors qu'il s'éloigne en direction des vestiaires des hommes, Luna pousse la porte de ceux des femmes. Elle dépose son sac sur un banc et retire veste et manteau qu'elle place sur un crochet. Pendant qu'elle enfile son pantalon de sport, son regard fait le tour du vestiaire. Rien de bien extravagants, si ce n'est ce grand placard qui doit contenir ce dont lui a parlé Ezekiel. Jean plié et rangé, sac refermé, elle se place devant le miroir pour nouer ses cheveux en une haute queue de cheval bien serrée. Son reflet d'elle en tee-shirt et pantalon lui fait réaliser que pour elle c'est presque étrange de ne pas être en dobok durant un cours de sport. Une fois tout cela fait, elle ouvre le placard qu'elle a repéré précédemment et se met à la recherche des bandes dont l'adulte lui a parlé. Elle essaie de les enrouler rapidement autour de ses poignets et de ses paumes de main mais elle galère un peu. Enfin, elle recupère une paire de gants qui semblent convenir pour ses petites mains et rejoint à grands pas Ezekiel qu'elle a repéré dans la salle – les bouclettes, il n'y a que ça de vrai. Elle fait exprès de ne pas mettre les gants tout de suite, souhaitant d'abord vérifier quelque chose. C'est pour cela qu'elle les coince entre ses genoux le temps de montrer les bandages qu'elle a mis toute seule au boxeur confirmé. « C'est suffisamment serré ? » Elle préfèrerait éviter de se blesser ici, d'autant plus si elle doit en justifier ensuite auprès de sa génitrice. « Je peux te tutoyer ? » Il a bien quinze ans de plus qu'elle, alors elle préfère demander – c'est courant dans certains sports de vouvoyer les personnes plus expérimentées que soi. Puis, avant qu'il commence à lui expliquer tout ce qu'il faut savoir sur cette salle et la boxe, elle tient à le remercier. « Merci de me montrer la salle et tout, c'est sympa. » Elle esquisse un sourire, pas des plus lumineux – c'est pas de sa faute, ce n'est simplement pas le genre de la gamine – mais qui a le mérite d'être sincère. Elle est contente qu'il ne l'ait pas laissée se démerder seule lorsqu'elle lui a adressé la parole tout à l'heure, étant donné que monsieur Lane n'est pas encore là.

Même si cette séance n'est qu'un essai et qu'elle ne reviendra peut-être jamais ici, Luna est très attentive à ce que lui dit son professeur improvisé du jour. Contrairement à l'école où elle peine déjà à faire ce qu'il faut pour obtenir des résultats passables et se garantir le passage à l'année suivante dès qu'il s'agit de pratique, pour le sport elle est bien plus assidue. Au taekwondo elle est d'une des élèves les plus disciplinées et rigoureuses, vouant un immense respect à sa professeur et à ce qu'elle enseigne. Elle se comporte comme ça lorsque ce qu'on lui apprend lui plaît et l'intéresse, dommage que ce soit si rare à Poudlard. Delestré est privilégié sur ce plan-là, c'est sûr. « Normalement, tu as des étiquettes à l’intérieur des gants. Si elles ne se sont pas effacées avec le temps, ce sont des paires de secours parce que les habitués achètent leurs propres gants. Ca taille comme pour les vêtements et vu la taille de tes mains, j’te conseille d’essayer le XS. » Luna hoche la tête pour confirmer qu'elle a bien écouté et compris ce qu'il racontait puis file dans les vestiaires des femmes.

Elle se change, attache ses cheveux et récupère le nécessaire à sa séance – bandes et gants – dans le placard, avant de rejoindre Ezekiel. Elle a essayé de mettre elle-même les bandes autour de ses mains mais elle n'a pas la moindre idée d'à quel point elle est supposée les serrer, aussi préfère-t-elle demander son avis au boxeur expérimenté. « Fais voir… Oula tu vas te faire un garrot là ! Attends. » Luna se laisse faire sans un mot, observant le brun desserrer les bandes et réduire la pression qu'elles exerçaient sur ses mains. « Voilà, comme ça. Le but, c’est pas de perdre des doigts, hein ! » Un sourire un peu gênée se glisse sur les lèvres de Luna, comme si la blague l'amusait mais quand même temps elle se sentait bête – c'est un peu ça. « Désolée, » ajoute-t-elle un peu par réflexe.

Mais le sourire d'Ezekiel a vite fait de dissiper son malaise : elle a l'impression qu'il rayonne ici, à ses yeux c'est un signe de passion pour la discipline qu'il exerce et elle trouve ça vraiment cool. « Bien sûr, on se tutoie tous ici ! Même Lane. » Elle hoche la tête, esquissant un petit sourire. Elle ne sait plus combien de temps il a fallu avant qu'elle tutoie Imany, de toute façon le taekwondo fait tellement partie d'elle qu'elle a l'impression de suivre ses cours depuis toujours. « C’est rien, c’est normal. Si tu veux, on peut commencer à s’échauffer le temps que Lane arrive, je sais pas vraiment quand il va arriver. » « D'accord. » Tout lui va tant qu'on ne la laisse pas seule dans un coin où elle n'apprendrait rien – elle ne dirait pas la même chose pour les cours de DCFM, ça c'est sûr.

Lorsqu'Ezekiel commence à s'échauffer, Luna l'imite sans poser de question, habituée à faire travailler son corps en amont du cours pour éviter de se blesser bêtement pendant une séance. « Comment tu connais la femme de Lane, au fait ? » « C'est ma prof de taekwondo. » Un prof de boxe et une prof de taekwondo qui se sont mariés, c'est mignon en vrai. « C'est elle qui m'a dit de venir essayer la boxe, elle voulait que je vois si ça pouvait me plaire. » Ce qui a un peu vexé Luna, au début, car elle l'a interprété comme une volonté de la mettre dehors. Bien sûr, l'enseignante lui a rapidement fait comprendre que ce n'était pas du tout ce que signifiait cette proposition, mais au début ça lui a fait bizarre à la gamine. Elle considère Imany comme son idole et son modèle depuis des années, presque une mère de substitution vu la pitoyable génitrice qu'elle se coltine, alors l'idée qu'elle la rejette l'a tout bonnement terrorisée. Mais bon c'est de l'histoire ancienne, un stupide malentendu, et finalement Luna est bien en train de s'essayer à la boxe – enfin pour l'instant elle s'échauffe. « Tu t'entraînes ici depuis longtemps ? » Pour qu'il la prenne sous son aile pour cet essai, elle suppose que oui. « Tu viens souvent t'entraîner ? » Elle est curieuse de connaître la régularité qu'ont les boxeurs dans leur discipline, prenant Ezekiel comme exemple puisqu'il est le seul qu'elle connaiît.

Si Luna n'est pas du genre très sociable, c'est étonnant de voir l'effet qu'a le sport sur elle de ce côté-là. Pas de quoi en faire une extravertie au rire facile et aux plaisanteries détonantes, mais la différence est suffisante pour être sûre qu'elle étonnerait l'intégralité de ses camarades de Poudlard. Elle n'est plus une jeune fille muette à la mine renfrognée, laissant apercevoir quelques sourires et se prêtant à de petits dialogues que certains de ses camarades de classe n'auront jamais réussi à lui arracher en quatre années.

Avec Ezekiel, le contact lui semble plus facile parce qu'ils ont le sport en commun. Ou plutôt, le grand brun s'improvise professeur de boxe pour la petite novice qu'elle est. Nul doute qu'elle l'impressionnerait s'ils faisaient du taekwondo, mais là... Luna ne parvient même pas à nouer les bandes autour de ses mains convenablement ! Elle s'en excuse et ça fait secouer la tête à l'adulte. « T'excuses pas, faut bien commencer quelque part et puis tu pouvais pas savoir ! Allez suis-moi ! » Elle lui emboîte alors le pas : direction les tapis où ils pourront s'échauffer.

Studieuse – bien plus qu'à Poudlard, commenterait certains de ses profs de cette école de fous –, Luna s'applique à reproduire les mêmes gestes que son aîné. Premier exercice : faire de grands cercles avec les bras qui réveillent ses épaules. « Ah tu fais aussi du taekwondo ! T'as raison, c'est bien d'explorer plusieurs disciplines, c'est enrichissant. » La brune acquiesce avec un fin sourire. Elle espère en effet que le fait de toucher à une autre forme de combat lui apportera quelque chose. Pourtant, elle ne serait pas venue ici pour essayer la boxe si elle ne faisait pas énormément confiance à Imany. C'est qu'elle aime bien sa petite zone de confort, Luna. « Oui, j'en fais depuis trois ans. » Même si elle ne peut pratiquer que durant les vacances scolaires, la faute à Poudlard qui la retient loin de Londres la majorité de l'année, elle préfère compter en années complètes. De toute façon, bientôt elle ne sera plus obligée d'aller dans cette école qu'elle déteste et pourra donc aller bien plus souvent à ses cours de taekwondo. Elle n'a qu'à attendre de fêter ses dix-sept ans. Bon sang ce que ça lui semble long...

Deuxième exercice : tourner le haut de son corps et ses hanches de gauche à droite, en gardant les pieds fixes. À nouveau, l'adolescente reproduit minutieusement les mouvements d'Ezekiel pour s'échauffer. Quitte à faire une séance d'essai, autant s'appliquer pour que tout se passe le mieux possible. Mais puisque son aîné se montre curieux, elle se permet de l'être aussi et de lui poser quelques questions sur sa pratique de la boxe. « Ça fait un peu plus de deux ans que je viens ici, mais j'ai commencé la boxe il y a cinq ans. » Elle hoche la tête pour faire signe qu'elle a écouté sa réponse. « Je m'entraînes ici deux fois par semaine. Trois si j'ai le temps. J'essaye de varier les plaisirs ! » Cette fois elle fronce légèrement les sourcils, pas certaine d'avoir compris sa dernière phrase. « Tu pratiques d'autres sports alors ? » Si oui, elle serait curieuse de savoir lesquels.

Troisième exercice : sautiller sur place. Luna s'exécute, veillant à contrôler son souffle pour ne pas avoir de point de côté si vite. « Imagine qu'il y a un cercle tracé au sol à ta gauche et un autre à ta droite. » Après un hochement de tête, la brune visualise nettement les deux cercles dans lesquels elle bondit tout à tour. D'abord sur deux pieds, puis sur un seul. Et enfin, elle essaie d'imiter Ezekiel en faisant des sauts de plus en plus grands. « Et toi alors, tu t'entraînes comment ? Qu'est ce qui t'a attiré dans les techniques de combat ? » La volonté de fuir sa génitrice – mais avec le temps, Luna a bien compris que ce ne sont pas des choses qui se disent. Parce que personne n'y croît, au fait que cette femme puisse être le monstre qu'elle décrit. Pourtant elle l'a dit et répété lorsque Papa est mort... Mais personne n'a voulu l'écouter. « Je fais juste du taekwondo, avec Mme Lane. » Le fait de ne pratiquer qu'un sport ne la dérange pas, mais c'est le temps qui s'écoule entre chaque vacance solaire qui la frustre énormément. Vivement ses dix-sept ans. « J'ai juste eu la chance de tomber sur le dojo de taekwondo quand je me baladais à Londres. La façade a attiré mon attention, et dès le premier essai j'ai tout de suite adoré, » explique-t-elle tandis qu'un léger sourire naît sur ses lèvres. Si l'origine de ses débuts sont plutôt tristes, le fait est que le taekwondo est aujourd'hui l'une des rares joies de son existence et qu'elle ne s'en séparerait pour rien au monde. « Toi il y a quelque chose de particulier qui t'a donné envie d'apprendre la boxe ? » Toi aussi, tu fuis une génitrice dictatrice ? Sans doute pas, et heureusement pour lui.

Luna suit attentivement chaque exercice que lui propose son coach du jour pour l'échauffement, bien plus sérieuse qu'elle ne l'est à Poudlard. Il n'y a qu'en Astronomie qu'elle se montre aussi studieuse, pour la simple et bonne raison que c'est la seule matière – avec l'Histoire de la Magie qui s'avère soporifique donc bien loin d'obtenir son intérêt – qui ne nécessite pas d'utiliser de la magie. Pas besoin d'une baguette plus dangereuse qu'une épée, de sorts plus meurtriers qu'un pistolet, de prouver sa force ou son talent en attaquant un camarade de classe au risque de le blesser. En Astronomie il suffit d'écouter, d'observer le ciel et de comprendre les lois et principes que leur explique le professeur Délestré. C'est bien le seul enseignement qui ne débecte pas Luna, les seuls cours auxquels elle se rend avec un semblant de sourire sur le visage. Rien qui ne la pousserait cependant à rester à Poudlard plus longtemps que nécessaire : dès son dix-septième anniversaire fêté, l'adolescente a bien l'intention de s'enfuir de chez elle et de ne jamais avoir à remettre un seul orteil dans cette école de fous. Il n'y a qu'ainsi qu'elle sera réellement libre, lorsqu'elle pourra choisir où étudier et ne sera plus restreinte en ce qui concerne le taekwondo. Ne pouvoir le pratiquer que durant les vacances scolaires l'a toujours frustrée. « Trois ans de taekwondo, c’est cool ! Et t’as passé des ceintures ? » La brune hoche la tête alors qu'un petit sourire se fraye un chemin sur ses lèvres, empli de cette fierté qu'elle ressent toujours concernant le taekwondo. « Je suis ceinture jaune avec une barrette. Et j'espère passer mon prochain examen cet été, comme ça j'aurai ma deuxième barrette. » Réalisant qu'il ne va peut-être pas comprendre ce qu'elle raconte, elle précise. « C'est le stade intermédiaire entre deux couleurs de ceinture : il faut obtenir deux barrettes pour changer de couleur. Puis au lieu d'une troisième barrette, tu passes à la couleur suivante. » Le fonctionnement varie d'un art martial à l'autre, bien que le concept de ceinture leur soit souvent commun.

Elle lui retourne ensuite la question, s'intéressant à son nombre d'années d'expérience en boxe et au fait qu'il pratique ou non d'autres sports. Elle suppose qu'oui, puisqu'il a parlé de varier les plaisirs. « Je fais pas mal de course à pied, de la muscu’ et le jeudi soir, je vais au stand de tir. » Les yeux de l'adolescente s'arrondissent face à une telle liste. « Woah, tu dois pas t'ennuyer. » Si elle n'a jamais été particulièrement tentée à l'idée de faire plusieurs sports, la liberté qui va avec une telle décision, elle, lui plairait beaucoup. Un jour, elle pourra faire comme lui. Un jour, elle aura le choix et elle fera comme elle l'entend. « Tu sais tirer alors ? C'est cool. » C'est comme dans les films, qu'elle se dit. Et puis lui au moins il a appris, pas comme tous ses camarades de classe à elle qui ont une arme à la main en permanence alors qu'ils ne savent même pas s'en servir et pourrait blesser n'importe qui par accident. Et qu'on ne vienne pas lui dire que ce sont des profs comme Carter qui leur apprennent quoi que ce soit, alors qu'elle leur ordonne juste de s'attaquer les uns des autres comme dans une arène qui fout la trouille !

Luna n'a jamais été très friande des questions qui la concernent. Raconter sa vie n'est pas dans ses habitudes, aussi est-elle souvent obligée de mentir pour ne pas passer pour une menteuse qui diffame sa pauvre mère éplorée – rien que cette idée lui donne la nausée. Alors, tout en exécutant à son tour les rotations de buste que lui montre Ezekiel, l'adolescente lui retourne ses questions. Elle préfère qu'il soit celui qui se dévoile plutôt que l'inverse, indéniablement. « Moi, c’est une copine qui m’a fait découvrir la boxe. En fait, avant de la connaître, je me battais mais sans avoir vraiment appris. Alors elle m’a emmené boxer sur un vrai ring pour m’apprendre de vraies techniques et surtout à me battre en me fatiguant moins vite. » Elle hoche doucement la tête. « Cool. » Le commentaire n'est pas bien profond, mais heureusement Ezekiel enchaîne en proposant qu'ils se lancent enfin. « Ok, t’es prête à commencer ? Enfile tes gants, je vais t’expliquer comment ça marche ! » Cette fois, son hochement de tête est bien plus vif et elle s'empresse de ramasser ses gants. « Tu peux m'aider à bien les mettre, s'il te plaît ? » Comme pour les bandages, elle n'y connaît pas grand chose et préfère être aiguillée que faire n'importe quoi et abîmer ses poignets.

Encore plus attentive aux consignes qu'elle l'était durant l'échauffement, Luna se montre particulièrement studieuse. Elle fait au mieux pour respecter les positions et postures qu'il lui montre, écoute avec sérieux ses conseils pour ne pas se blesser et porte chaque coup avec toute la détermination dont elle est capable. Elle veut en découdre, elle veut savoir comment se défendre, elle veut montrer que tout ce qu'elle est ne repose pas sur une magie qu'elle n'a pas choisi. « Dis, tu te fais pas emmerder à l’école, au moins ? » « Hm ? » La brune s'interrompt dans son mouvement, les sourcils relevés. Il lui faut quelques secondes de plus pour intégrer la question avant qu'elle y réponde en secouant la tête de gauche à droite. « Non non. » Enfin, c'est l'école elle-même qui lui fait vivre un enfer, mais ça personne ne veut le comprendre. Et encore moins sa génitrice qui refuse qu'elle soit scolarisée ailleurs que dans ce château monstrueux. « J'aime pas trop mon école, mais les autres élèves ne m'embêtent pas. Ils m'ignorent et je préfère ça. » Elle préférerait ne pas être du tout à Poudlard, mais ça elle sait bien que ça n'arrivera pas avant son dix-septième anniversaire. « Et maintenant que tu m'as appris tout ça, je suis sûre qu'ils oseront jamais m'embêter, » assure-t-elle avec un timide sourire. C'est sa façon à elle de lui dire qu'il a été un bon prof et qu'elle a beaucoup appris à ses côtés. « Merci pour tout ça, » ajoute-t-elle en désignant d'un geste le ring autour d'eux, pour que le remerciement soit explicite. Pas qu'il y ait vraiment de doute sur la gratitude dans ses yeux, cela dit.