J'en ai marre | Aaron

J’tournais en rond. Cela faisait à peine deux jours que mon chef m’avait engueulée, à peine deux jours qu’il m’avait obligé à rester chez moi – p’tête qu’il craignait que j’accouche dans son bureau – et j’en avais déjà marre. J’ai horreur de ne rien faire. Depuis que je suis gosse, j’ai toujours besoin d’être occupée. J’avais relu tous les livres de la maison. J’avais fait un peu d’escrime dans le couloir de la baraque mais je ne bougeais plus comme avant, ça m’agaçait. J’avais mal partout. Au dos, j’avais les jambes qui ressemblaient à deux poteaux. Dès que je m’asseyais ou que je m’allongeais, je ressemblais à une baleine échouée sur la plage, incapable de me relever telle une tortue sur le dos. J’étais toujours entrain de manger. Et parait-il que je fusse désagréable avec tout le monde. C’est ce que Cilian m’avait sorti la vielle en venant me voir. S’il n'avait pas d’aussi bons réflexes, je lui en aurais collée une. Mais Cilian avait des putains de réflexes, rapide et agile. Un putain de ninja surtout lorsqu’il s’agissait d’éviter les gifles. Il faut dire qu’avec son enfance, il savait parer les coups, avec sa sœur aussi. Toujours est-il que cela faisait deux jours que mon connard de chef m’avait mis au placard, cloitrée chez moi. Parce que vous êtes enceintes, Ivy m’avait-il gentiment répondu. Et ma main dans sa gueule, il la voulait avec ou sans élan. Il avait juste la chance d’être mon Boss sinon, lui aussi, il s’en prenait une.

Je me suis levée pour la quatorzième fois du canapé. Ma vessie n’en faisait qu’à sa tête. En revenant des toilettes, je suis passée par la cuisine pour prendre une tablette de chocolat. Je suis retournée m’asseoir dans le canapé pour relire le magasine de quidditch posé sur la table basse. Magasine que je le connaissais par cœur. Le numéro datait de novembre avec un énorme titre qui allait faire chavirer des cœurs. Aaron Davies n’était plus un cœur à prendre. L’information, aussi insolite soit-elle, avait été reléguée la première fois dans la Gazette du Sorcier, tous les médias et surtout le magasine Ô mon Quidditch’ s’étaient empressés de s’approprier la nouvelle. Autant la photo d’Aaron, elle était chicos autant celle du futur marié… cela dit, c’était une photo qui lui collait bien à la peau. Egal à lui-même, à faire la gueule. Photo prise à la sortie du ministère, ça j’en étais sûre, je reconnaissais la cabine téléphonique juste à côté. Cilian, parce que oui, il s’agissait bien de mon meilleur ami sur cette image, l’avait un peu mal pris. Il avait toujours détesté que l’on se mêle de sa vie privée, il avait mis du temps à m’avouer qu’il était en couple avec Aaron d’ailleurs… Mais lorsque l’on sortait avec une star du Quidditch, fallait s’attendre à voir sa vie étalée dans les magazines, comme les directeurs de département, ou le chef des aurors – qui s’en prenait souvent plein la tête dans la Gazette, parce que ses aurors piétinaient… Mais j’crois surtout que mon p’tit Cilian, il était bien vexé de s’être fait avoir comme ça. La seconde photo qui le représentait, aux côtés d’Aaron cette fois, c’était celle du Picses. Même si la situation avait été l’une des pires que nous avions vécus, le cliché je le trouvais magnifique. Déjà par la prestance d’Aaron, toujours la classe même dans le pire des états, et surtout parce que – putain – Cilian, il avait un grand sourire en embrassant Aaron. J’crois qu’il avait dû faire une syncope de voir la photo dans la Gazette, le pépère. Moi, ça me faisait marrer.

Je me suis relevé une quinzième fois, j’en peux plus de ce gosse. J’veux qu’il sorte. Et Rodo, il avait intérêt à rentrer tôt ce soir. Rien à faire des ses obligations au ministère, il en avait auprès de moi. Je l’étrangle s’il me laisse encore une soirée toute seule. Cilian dirait que j’exagérais, vu l’heure à laquelle rentrait mon mari. Six heures, c’est DEJA trop tard. Et puis, j’avais pas de conseils, de remarques, d’ordres à recevoir d’un mec qui avait été mis à pied pendant un mois. Alors que moi, je venais d’être renvoyé de mon bureau, Cilian y retournait. La vie était totalement injuste. J’allais me rasseoir dans le canapé quand on a sonné à la porte. Si c’est Cilian, je le frappe. Mais ça peut pas être Cilian, il travaille. Lui. J’espère qu’il en chie avec le boss. Y’a pas de raison qu’il n’y ait que moi. J’en ai marre. Je suis fatiguée, j’veux juste que ce sale gosse sorte de mon ventre. J’ai ouvert la porte un peu brusquement. « Oui, c’est… » Ça m'a fait stopper dans ma phrase et  m’a fait sourire de voir la tête blonde d’Aaron devant ma porte. « Aaron ! Je suis contente de te voir, entre ! »

Aaron s’ennuie. Cela fait bizarre de ne pas travailler et surtout de ne pas avoir Cilian dans les pattes. Il a repris y a deux jours et cela fait un bien fou de ne pas avoir un lion en cage chez eux. Il l’aime son mec, mais quand il ne travaille pas il est sur le dos de tout le monde tout le temps.

Aaron s’ennuie. Cela fait bizarre de ne pas travailler et surtout de ne pas avoir Cilian dans les pattes. Il a repris y a deux jours et cela fait un bien fou de ne pas avoir un lion en cage chez eux. Il l’aime son mec, mais quand il ne travaille pas il est sur le dos de tout le monde tout le temps. Logan est celui qui subit le plus, car il est sans emploie et surtout qu’il a fait une connerie ou l’erreur de sa vie. Après, Aaron en prend pour son grade et avec les journaux qui se mêlent de leur couple, leur futur mariage, ça n’aide en rien. Ils se sont pris le choux plus d’une fois, parce qu’il n’est pas Logan et que lui a du répondant. Toute façon y a des disputes qui sont communes pour leur couple. Ils ne s’en aiment pas moins.



« Chut ma chérie, chut. Papa est là. Moi aussi je m’ennuie. »



Il a déjà cuisiné pour s’occuper et lui, mais il s’ennuie toujours et Briseis s’ennuie tout autant. Aucun jeu n’est suffisant pour occuper la petite, pas même le cheval volé à l’échiquier de Cilian. Aaron prend sa fille dans ses bras et regarde les biscuits, cupcakes fait toute la matinée et début d’après midi. Il soupire et attrapé une boîte. Il met le tout dedans et regarde Briseis.



« On va aller voir Tatie Ivy. »



Il s’est rapproché de la jeune femme depuis qu’elle l’a sauvé avec Cilian et même si son mari est un enculée, il adore Ivy. Et là elle est chez elle sans son connard de mari donc autant y aller. Au moins, ils s’amuseront ou s’ennuieront ensemble en ayant de bon truc à manger. Il va chercher de quoi changer sa fille de un an puis récupère la boîte. Il traverse son jardin puis les cent mètres jusqu’à la porte d’entrée de sa voisine et donc crétin de mari. Il frappe et rit quand elle ouvre en s’agaçant avant de l’accueillir plus chaleureusement quand elle voit que c’est lui.



« Bonjour Ivy, oui c’est moi et j’ai apporté des sucreries pour discuter en plus de passer le temps. »




Briseis tend les bras vers Ivy en disant tatie. Même si elles ne sont pas de la même famille et qu’elles se voient depuis peu, Briseis adore Ivy. Elle l’a appelé tatie Vi dès sa deuxième ou troisième rencontre avec elle et Aaron l’a laissé faire. Tant que ce n’est pas ce connard de Rodolphus sa fille peut bien appeler une Lestrange tatie. Surtout que cette Lestrange là est bien plus appréciable que l’autre brun.

J’l’aimais bien Aaron. Il était calme, gentil, souriant, toujours d’accord pour faire quelque chose. L’opposé de son futur mari. Comme disait un proverbe moldu, les opposés s’attirent, c’était totalement vrai dans le cas d’Aaron et Cilian. Pourtant, Cilian sous son apparence ours mal-léché, il avait un cœur de bisounours. Fallait juste gratter – bien profondément – pour le trouver. Aaron, lui, il avait cet aura apaisant quand il était dans la pièce, il rendait le sourire. J’tournais en rond depuis deux jours, et le voir me faisait du bien. J’arrêterais – pour un temps – de ruminer mon agacement que j’avais envers mon boss, mon mari, mon fils qui ne sortait pas… Et sa fille, c’était un petit rayon de soleil. Elle souriait tout le temps, comme son père. Il ne pouvait pas la renier celle-ci, c’était indéniable. Déjà parce qu’elle avait les mêmes yeux que lui, la même couleur de cheveux et que le sourire ne trompait pas.

« Tu ne pouvais pas me faire plus plaisir » ai-je répondu, l’eau déjà à la bouche. En ce moment, je ne faisais que manger. Tout et n’importe quoi. Et surtout, tout ce qui s’apparentait au sucre. Je me suis écartée de la porte pour les laisser entrer. J’ai tendu les bras en réponse à la petite. Je me rendais compte qu’il était plus difficile pour moi de la porter, et ça m’agaçait profondément. J’crois que ça me fait fondre quand elle m’appelle Tatie Vi. La petite dans les bras, je lui ai fait une bise sur la joue avant de les mener jusqu’au salon. Rodolphus, il avait un peu râlé quand je lui avais fait cette proposition d’habiter ici. Se retrouver juste à côté de son pire ennemi, je pouvais comprendre que ça l’agace. Mais le plus important, c’est qu’avant d’être son ennemi, Cilian était mon meilleur ami, et qu’il le veuille ou non, moi j’étais contente de l’avoir pas loin. Déjà parce qu’il était mon meilleur ami – et que je pouvais le voir quand je voulais – et aussi parce qu’il était auror. Et avoir un auror dans son entourage proche, ce n’était pas négligeable. Plus jamais, je ne voulais revivre ce qu’Enfys avait vécu en septembre.

J’aimais profondément mon mari, mais cette attaque de mangemort, j’avais énormément de mal à la digérer, même si je n’avais pas été présente ce jour-là. Enfys, elle l’avait été. Et il était hors de question qu’elle puisse courir à nouveau le moindre danger, comme mon fils qui allait naitre. Je ne lui avais laissé que le choix d’accepter d’acheter la maison libre à côté de celle de Cilian et d’Aaron. Moi, ça me rassurait de l’avoir. Parce que même s’il grognait beaucoup, c’était un défenseur hors pair, surtout lorsqu’il s’agissait des membres de sa famille, et de ses amis. Et il pouvait dire ce qu’il voulait du père, il adorait la fille. Raphaël et Enfys ne risquaient rien avec Cilian. Et pour moi, c’était le plus important. « Viens, entre. Installe-toi Aaron, je vais faire du thé ».

La gamine toujours dans les bras, je suis allée rapidement dans la cuisine faire du thé pour tous les deux. Un peu de compagnie me ferait le plus grand bien. Et puis, au moins avec Aaron, j’aurais un vrai interlocuteur en ce qui concernait leur mariage. Pas que Cilian ne m’avait rien dit, mais il restait, quand même, quelqu’un de peu loquace. Et il fallait du temps, et beaucoup de patience pour réussir à avoir les informations. J’ai ouvert le placard à friandises d’Enfys. La gamine n’allait pas m’en vouloir si je donnais un bonbon à la petite. « Croque dedans chérie » lui ai-je dis en lui tenant la fraise tagada. La gamine a fait une grimace. « On dirait Cilian quand il est pas content » « Dada ! » « J’espère que quand tu seras grande tu le feras tourner en bourrique le Dada ! » Il méritait que ça, le Cilian. J’l’aime mon pote mais parfois, il me fatigue. J’ai posé les deux tasses, la théière et l’autre moitié de la fraise sur un plateau, et je suis repartie dans le salon. « Tu vas voir comme Tatie Vi a beaucoup d’équilibre ».

Bon, il était temps que j’arrive jusqu’à la table basse, parce que porter une gamine et un plateau lourd, enceinte, c’pas facile facile. J’en ai marre d’être enceinte, j’ai tellement l’impression d’être un être fragile qui ne peut rien faire et ça m’agace. J’ai posé Briséis sur le tapis, avant de sortir du placard du salon, un cahier et un énorme crayon de couleur que j’ai donné à la petite. « Alors, mon cher comment tu vas ? » ai-je demandé au père de la gamine, en m’asseyant dans le canapé. « Content de ne plus avoir l’ours dans les pattes ? » Honnêtement, j’étais contente de ne pas vivre avec Cilian, j’crois que je l’aurais déjà tué si cela avait été le cas. Il est pire que moi quand il tourne en rond.