Out of the closet (Garance)

Garance le sait : ses parents feraient une syncope s'ils la voyaient ainsi. Pourtant, si ce n'est lorsqu'elle passe du temps avec sa Marraine, il n'y a nulle part où elle se sent plus à sa place qu'ici, dans ses bras. Mais s'ils savaient, la jeune femme ne donne pas cher de son avenir au sein des MacMillan. « Qu'est-ce qui te fait rire ? » L'éclat de rire de son acolyte l'a sortie de ses pensées, et c'est tant mieux. Elle relève les yeux pour croiser ce regard brun qui lui fait tourner la tête, à la recherche d'une réponse dans ses iris qu'elle adore. « T'avais l'air perdue. » Et elle l'était, pendant un moment. Égarée au milieu de ses pensées et de ses angoisses, bien plus habituée à faire attention à tout plutôt qu'à profiter de l'instant présent. Une habitude alimentée par cette angoisse qui ne la quitte jamais, celle que ses parents découvrent la vérité et qu'ils sachent ce qu'elle est vraiment – parce qu'elle n'a pas le droit d'être qui elle est réellement, Garance.

Les bras enroulées autour du cou d'Ally, elle a l'impression que le temps s'est arrêté et que l'univers a enfin décidé de lui accorder un peu de répit. La MacMillan se sent plus légère lorsqu'elle est avec elle, comme si elle oubliait toutes les attentes qui pèsent sur elle, toute cette pression qu'elle peine de plus en plus à gérer. Elle sait que ça ne durera pas éternellement, mais elle tente de savourer chaque minute passée en sa présence. Elles ne peuvent pas se voir souvent, contraintes de profiter de quelques instants volés ça et là car la sang-pur refuse d'assumer leur relation en public. Ça signerait sa perte, et, malgré ses sentiments pour la blonde, Garance n'est pas prête à prendre ce risque. C'est plus facile de rester dans les clous aux yeux de ses parents, même si vivre dans le mensonge l'étouffe chaque jour un peu plus.

Les journées qu'elle passe loin du manoir l'aident à ne pas y penser, même si ces évasions ne sont que de courte durée. Aujourd'hui en est une, Garance ayant quitté son domicile en fin de matinée en affirmant partir retrouver des amies pour le déjeuner, et qu'elle ne reviendrait que tard dans la soirée, après le dîner. Sa mère ne lui a pas posé de questions, lui souhaitant simplement une bonne après-midi. Si elle savait. Ce soir, la MacMillan doit retrouver son meilleur ami en ville – ce qui, déjà, ferait grimacer ses parents -, mais d'ici là elle peut profiter le déjeuner et l'après-midi entière avec celle qui a dérobé son cœur. Ainsi, les deux jeunes femmes ont pu passer du temps ensemble, à l'abri des regards, même si cette condition imposée par Garance a tendance à frustrer Ally. La née-moldue a elle aussi dû se cacher toute son adolescence, et elle espérait ne plus avoir à recommencer une fois émancipée.

Lorsque l'heure de son rendez-vous s'est approchée, Ally a insisté pour l'accompagner, si bien qu'elles se sont retrouvées sur place avec vingt bonnes minutes d'avance. S'écartant de la rue principale où la sang-pur est censée retrouver Isaac sous peu, les deux jeunes femmes se sont planquées dans un coin tranquille et n'ont évidemment pas pu résister à l'envie de s'embrasser de nouveau. Ni l'une ni l'autre n'a remarqué l'arrivée en avance de leur ancien camarade de promotion, ne se détachant qu'une fois l'heure toute proche, Garance refusant malgré tout d'être en retard. Ally s'est éclipsée après lui avoir arraché un dernier baiser, laissant sur les lippes de sa douce un sourire terriblement niais – par Freya, elle n'a plus quinze ans mais parfois elle a l'impression que c'est tout comme.

Rejoignant à son tour la rue du rendez-vous, la sang-pur cherche des yeux la silhouette de son meilleur ami. Elle tourne la tête vers des pas se rapprochant, reconnaissant tout de suite Isaac et son look décontracté qui peut se traduire par un doigt d'honneur aux Flint. Elle allait le saluer et le prendre dans ses bras lorsque... « Alors, la pêche a été bonne ? » Aussitôt, les yeux de la MacMillan s'écarquillent et ses joues deviennent rouges – ce qui n'a rien de discret, considérant la pâleur naturelle de sa peau. Pourquoi il a l'air tout fier de sa remarque comme ça ? Ça peut avoir un autre sens que les conquêtes, la pêche ? Est-ce qu'il l'a vue avec Ally ? C'est pour ça qu'il sourit ? Oh, par Freya, pourvu que non... « De… de quoi ? » bégaye-t-elle, feignant excessivement mal l'ignorance, trahie par ses pommettes écarlates et ses pupilles écarquillées. Par Merlin, elle serait si mauvaise au poker. Et puis vraisemblablement elle est aussi très mauvaise à cache-cache.

En quelques secondes, Garance passe du moment idyllique en compagnie de sa dulcinée à ce qui semble être un cauchemar éveillé. Elle en a rêvé tant de fois, de ce moment où ses proches découvriraient ce lourd secret qu'elle porte depuis des années. Ce moment où ils sauraient qu'elle est incapable d'éprouver un quelconque sentiment amoureux ou attirance pour un homme, qu'elle ne veut pas d'un mari, qu'elle ce sont les femmes qui lui plaisent. Après des années d'effort pour la dissimuler, la vérité finissait par éclater au grand jour et les ravages étaient irrémédiables. À chaque fois, l'histoire tournait mal. Et à chaque fois, elle se réveillait avec le cœur battant à tout rompre et une angoisse sourde lui tordant le ventre. La même qui la pousse chaque jour à cacher qui elle est vraiment malgré l'impression d'étouffer sous tant de mensonges.

Sauf qu'aujourd'hui, elle ne rêve pas. Ce n'est pas un cauchemar : Isaac est juste là, on ne peut plus réel, et sous-entend que la pêche a été bonne. Et si la MacMillan fait mine de rien, elle reste une très mauvaise comédienne durant des confrontations aussi frontales. Elle a envie de se cacher dans un trou et de ne plus jamais en sortir. Et s'il savait ? « Tu le croiras jamais mais il y avait Ally juste là y’a quelques secondes ! » Il sait, elle en est persuadée. S'il a parlé de pêche et qu'il a vu Ally, c'est qu'il les a vues s'enlacer en attendant l'heure du rendez-vous. Et la situation n'avait rien d'un câlin d'amitié platonique. Pourtant, Garance continue son mauvais bluff, qu'importe que ce soit ridicule. « Ah-Ah ouais ? » Elle continue de faire comme si elle ne comprenait pas vraiment ce qu'il lui raconte, alors que ses joues rouges et ses yeux encore écarquillés la trahissent en un instant. Qu'est-ce qu'il lui reste d'autre, de toute façon ? Elle a tellement été habituée à cacher ce qu'elle est qu'aujourd'hui elle se sent incapable de l'assumer, même face à son meilleur ami. Elle a trop peur des réactions que pourraient avoir ses proches s'ils savaient, alors elle préfère ne pas avoir à les affronter – pourtant cette fois-ci, ça semble fichu.

Garance a l'impression d'entendre son cœur battre jusque dans ses oreilles tant elle est tendue et stressée. Il sait, mais elle espère encore qu'il fera comme s'il n'avait rien vu – honnêtement ça l'arrangerait, ce serait bien moins difficile à gérer. Pourtant il éclate de rire avant d'entourer d'un bras les frêles épaules de sa meilleure amie, allant jusqu'à embrasser sa tempe. Toujours nerveuse, la jeune femme ne sait plus quoi penser, c'est comme si elle ne pouvait plus activer ses méninges. Cette fois elle ne fait plus semblant de ne pas comprendre : elle ne comprend vraiment rien. Dans aucun de ses cauchemars cette réaction avait eu lieu. Un rire et un câlin ? Quand on y pense, ça correspond bien à Isaac, mais la MacMillan est dans un tel état de nervosité qu'elle n'arrive plus à réfléchir. « Ça va, t’as pas à être gênée avec moi. » Pourtant, les joues écarlates de la sang-pur et ses yeux semblables à une bête effrayée témoignent du contraire. Elle est gênée, elle a honte, et puis elle a un peu – beaucoup – peur. Peur d'être rejetée pour ce qu'elle est, comme dans ses cauchemars. Elle n'arrive même plus à parler, se contentant de suivre Isaac qui continue de remonter le trottoir en direction d'elle-ne-sait-quoi. « J’suis content pour toi, j’savais pas que vous sortiez ensemble ! Ça fait longtemps ? » Les yeux de la sang-pur s'écarquillent encore plus lorsqu'il met des mots concrets sur la situation. Oui, elles sortent ensemble. En secret, mais c'est bien ce qu'il se passe. Et si les parents MacMillan entendaient le Flint parler, ils feraient une syncope et elle n'aurait plus de maison. Alors Garance s'arrête de marcher et tourne la tête vers lui, forcée de lever un peu les yeux à cause de la différence de taille. « S'il te plaît, n'en parle à personne... » Elle ne répond même pas à sa question, pour l'instant il n'y a que son angoisse qui parle. C'est presque une supplication, à ce stade. Garance est terrifiée à l'idée que sa famille le découvre, ça se voit au regard paniqué qu'elle lui lance mais ça s'entend aussi à sa voix. Personne ne doit savoir, elle se l'était promis, et à présent elle a honte d'avoir été si imprudente avec Ally. Pourtant elle ne devrait pas avoir si peur, car s'il y a bien quelqu'un qui ne va pas la juger là-dessus, c'est Isaac. Sauf que c'est déjà trop pour elle qui a toujours dû cacher ses attirances pour ne pas risquer de tout perdre, qu'importe qu'elle s'emprisonne depuis des années dans une vie qui ne la rendra jamais vraiment heureuse. Elle s'est faite à cette idée il y a longtemps, en tout cas c'est ce qu'elle se répète – elle va bien finir par y croire, n'est-ce pas ?

« Tu veux qu’on se pose dans un bar ? » La jeune femme se mord la lèvre, pas certaine d'aimer cette idée si Isaac veut vraiment qu'ils parlent de ce qu'il vient de découvrir. « Pas si on parle de ça, » admet-elle, les joues toujours aussi rouges – et la chaleur n'y est pour rien. Même si ce n'est pas le style des MacMillan de se pointer dans un bar pour y passer la soirée, Garance refuse de prendre ce risque. Il y a trop de monde dans ces établissements, tout comme dans les parcs le soir en été. « On peut aller chez toi ? » Elle ne veut pas se montrer intrusive, mais la vérité c'est qu'elle n'est pas sûre de se sentir à l'aise ailleurs que dans un endroit où elle est sûre qu'ils ne seront que deux.

Si Garance aime profondément Isaac et le considère comme son meilleur ami, ce n'est pas pour autant qu'elle prévoyait qu'il fasse une telle découverte aujourd'hui. Elle était arrivée en avance pour cela justement, et ne s'attendait pas à ce que ce soit son cas à lui aussi. Et malgré tout l'attachement qu'elle a pour le jeune homme, elle se sent bien incapable de parler de tout ça ici. De parler de tout ça tout court, en fait, car pour l'instant seule l'angoisse que la nouvelle puisse s'ébruiter la préoccupe et l'obsède presque. Elle ne peut pas se permettre que sa préférence pour les femmes se sache, suppliant presque son ami de n'en parler à personne. À n'en douter, il perçoit cette inquiétude qui émane d'elle dans son arrêt brutal alors qu'il voulait l'amener elle-ne-sait-où comme dans son regard. Elle ne veut aller nulle part pour l'instant, tenant juste à s'assurer que son secret sera bien gardé et ne s'ébruitera ja-mais. Par Freya, elle qui se pensait discrète... Elle se déteste d'avoir été si imprudente. « Hey tout va bien ma belle, tu es en sécurité avec moi. J’en parlerai à personne, ce genre de chose, c’est à toi de voir à qui tu veux l’annoncer et comment. » À personne. Jamais. Voilà, problème réglé, ils peuvent passer à autre chose. « Désolé, je me suis un peu emballé parce que je suis content pour toi mais tu sais bien mais je ne trahirais jamais ta confiance. C’est trop important. » Réellement touchée par ses excuses, Garance serre doucement dans ses bras le jeune homme. « Merci, » souffle-t-elle alors, l'air un peu plus soulagée même si elle ne semble pas totalement sereine non plus.

Le fait est qu'elle ne peut pas l'être alors qu'ils sont en pleine rue et que le brun semble vouloir discuter de ça. Et si Garance lui fait suffisamment confiance pour accepter de lui en parler, elle refuse que ça se fasse dans un lieu public. Les joues rougies par cet instant de pure gêne – et d'angoisse –, elle lui avoue ne pas vouloir se rendre dans un bar si ce sujet reste sur la table. Pour ne pas se contenter d'un refus de but en blanc, elle lui demande s'ils peuvent aller chez lui, car sans surprise ce n'est pas chez elle qu'elle pourra être à l'aise avec une telle discussion. « Oui bien sûr ! Bon comme c’était pas prévu, tu m’en voudras pas s’il y a un peu de bordel ? » La question parvient à arracher un minuscule sourire à la MacMillan. Comme si elle lui avait déjà fait le moindre commentaire sur sa façon de ranger son appartement.« Bien sûr que non. » Même si c'était bel et bien le bazar, elle n'oserait pas dire quoi que ce soit à ce propos. Déjà qu'il a la gentillesse de l'accueillir, elle trouverait bien déplacé de se plaindre des lieux.

Attrapant la main de son meilleur ami, Garance transplane jusqu'à devant chez lui puis le suit dans l'immeuble. Le silence dans lequel ils montent les marches menant à son appartement résonne comme un compte à rebours dans son esprit : elle connaît suffisamment Isaac pour savoir que tout cela n'a fait que retarder ses questions. Elle le sait, qu'il est curieux, et de toute façon ça s'est vu tout à l'heure. À peine a-t-il découvert son petit secret qu'il a commencé à lui poser des questions – bien qu'elle n'y ait pas répondu, trop stressée pour cela. Entrant à sa suite dans l'appartement, elle l'observe ramasser çà et là quelques trucs qui traînent. Son regard se pose sur la petite télévision qui lui fait face et lui fait penser à Ally – elle sait que c'est elle qui a fait découvrir les jeux vidéos à Isaac lorsqu'ils étaient plus jeunes. C'est idiot, non de penser à elle en voyant une simple télévision ? « Qu’est-ce que je te sers ? » La question du brun la sort de ses pensées et elle tourne la tête vers lui. « Tu as des sodas moldus ? » Voilà un des plaisirs qu'elle n'a pas au manoir : les boissons pétillantes moldues, terriblement sucrées mais délicieuses si vous voulez leur avis.

Lorsqu'Isaac revient de la cuisine, il apporte non seulement de quoi boire mais aussi de quoi grignoter, ce qui fait sourire la jeune femme. « Merci. » Elle en profite pour s'installer sur le canapé du salon, saisissant alors une bouteille de soda pour remplir un verre – et l'autre aussi, si Isaac veut la même chose. « Bon alors, tu veux qu’on en parle ? » Ses doigts se crispent légèrement sur la bouteille qu'elle vient de reposer sur la table basse. « Y-Y a pas grand chose à dire. » Elle attrape le bouchon de la bouteille, la refermant tout en évitant consciencieusement le regard de son meilleur ami. « Je l'aime bien, c'est tout. » Dans le sens pas juste comme une amie, raison pour laquelle c'est si difficile d'en parler. Ce n'est pas contre lui, contrairement à ce que son attitude pourrait laisser croire maintenant qu'ils sont loin de toute oreille indiscrète : c'est simplement que la brune n'est pas à l'aise pour en parler, avec qui que ce soit. Sans compte les femmes avec qui Garance a entretenu une relation, Isaac est la première personne à découvrir son secret... Et ça lui fait bizarre, indéniablement. « Mais si tu veux poser des questions... Tu peux, vas-y. C'est juste que... » Que cette discussion n'était pas du tout prévu aujourd'hui, qu'ils étaient censés simplement sortir et manger un bout ensemble dehors, sûrement dans un établissement moldu qu'Isaac aurait fait découvrir à la jeune femme... Au lieu de ça, elle est installée sur son canapé, à faire semblant d'être détendue alors qu'intérieurement elle tremble presque – sans même parler de ses joues encore bien roses, d'ailleurs. « Je sais pas trop quoi dire. » Ni quoi faire, si ce n'est porter son verre à ses lèvres en espérant noyer son stress et sa honte de ne pas avoir été discrète dans du soda trop sucré.

Malgré la peur qui peut se lire sur son visage, Garance fait confiance à son meilleur ami pour garder un secret. C'est simplement qu'elle est terrorisée par l'idée que ce qu'elle s'évertue à cacher depuis tant d'années soit dévoilée au reste du monde. Si Isaac a pu le découvrir, sa fratrie le pourrait aussi ! Et ses parents ! À cette simple pensée, la sang-pur est parfaitement horrifiée. Elle a manqué de prudence aujourd'hui et s'en veut terriblement pour cela. Elle ne refera pas cette erreur, refusant de parler de ça – sa relation, son amour pour Ally, son attirance uniquement envers les femmes – dans un lien aussi public qu'un bar. Là-bas, n'importe qui pourrait entendre ses honteuses confessions, raison pour laquelle elle préfère se réfugier chez son meilleur ami à défaut de pouvoir échapper à sa curiosité.

Elle sait bien qu'une fois chez lui, il me manquera pas de questions à lui poser. Elle ne sait pas lesquelles, n'ayant jamais eu à avoir ce genre de discussions avant aujourd'hui, mais elle sait qu'elles seront nombreuses. Il semble si heureux d'avoir découvert ce qui fait le bonheur de la MacMillan que c'en est presque touchant, à vrai dire. Il sourit un peu comme un idiot, comme si c'était lui qui venait de tomber amoureux. Et il la chouchoute avec des sodas moldus car il sait que c'est un de ses péchés mignons, n'y ayant sûrement pas le droit chez ses parents. « J’ai du Sprite ! Ça te va ? Sinon j’ai du Coca Cola. » « Le Coca Cola, c'est celui qui est sombre ? » Elle n'est pas encore tout à fait au point sur le nom de toutes ces boissons, elle doit bien le reconnaître. Mais lorsqu'il lui confirme qu'elle a raison, elle sourit. « Je veux bien celui-là, s'il te plaît. » Peut-être trouvera-t-elle un peu de courage dans cette boisson à bulles trop sucrée. Il va lui en falloir, de toute façon, vu toutes les questions qui vont finir par lui tomber dessus.

Lorsque finalement Isaac en vient au sujet pour lequel ils se sont réfugiés chez lui, la brune rougit un peu tout en balbutiant une réponse. Ce n'est pas qu'elle ne veut pas en parler, c'est qu'elle ne saurait pas quoi dire. Il n'y a rien de bien passionnant à raconter, selon elle. « Comment ça, pas grand-chose à dire ??? C’est ton couple, ya un paquet de trucs à dire, au contraire ! » Au vu de l'entrain qui résonne dans la voix de son meilleur ami, il va lui faire dire tout un paquet de trucs en effet. Elle peut presque voir une liste dans son regard braqué sur elle, et elle a quelque peu envie de se réfugier sous le canapé pour y échapper. « Bon, on va commencer par les grands classiques ! Ça fait longtemps que vous êtes ensemble ? » « Deux... Trois mois, » répond-elle, après une grande gorgée de soda bien sûr. Elle adore Isaac mais a un peu l'impression de devoir affronter un interrogatoire, pour être honnête. Pourtant elle ne proteste pas, parce qu'au fond d'elle elle a l'impression qu'elle lui doit bien ça. Elle lui a menti, comme elle a menti à tout le monde, pendant si longtemps. « Tu l’aimes bien ou t’es amoureuse ? Elle te traite bien j’espère ? » « Elle me traite bien, oui. » Ally est plus douce et plus tendre avec elle que tout ce que leur ami commun peut imaginer. C'est vrai qu'à Poudlard elle se faisait surtout remarquer pour être pleine d'énergie et assez insolente, mais aux côtés de Garance elle est... tout simplement adorable. « Et pour ton autre question... je sais pas. Je ne suis pas sûre de savoir ce que ça fait, d'être amoureuse, » admet-elle d'une voix un peu plus gênée. Elle aimerait pouvoir répondre plus convenablement à toutes ses questions, mais comment savoir si elle est amoureuse alors que c'est sa toute première véritable relation avec une femme ? « Qui est au courant dans ton entourage ? » À la réaction qu'elle a eue lorsqu'il lui a avoué l'avoir surprise, il devrait se douter que c'était une première pour elle d'être enfin honnête sur ses attirances. « Ally ? » tente-t-elle d'une voix hésitante, une façon dissimulée de reconnaître qu'absolument personne n'est au courant. Pourquoi en aurait-elle parlé à qui que ce soit alors que ça risquerait de compromettre la pérennité de son secret ? Et puis même, à qui en aurait-elle parlé ? À ses parents, pour qu'ils la renient ? À sa sœur, pour qu'elle lui dise qu'elle fait honte à la famille ? À son frère, pour qu'il lui dise de cesser de raconter des sottises ? À Camelia, pour qu'elle ne veuille plus d'elle comme grande sœur ? À Elvira, pour qu'elle soit déçue par sa filleule qui l'aime tant ? Non, Garance ne veut en parler à personne parce que chaque scénario qu'elle imagine tourne à la catastrophe. Si ça ne tenait qu'à elle, Isaac ne serait même pas au courant. Elle aurait dû se montrer plus discrète et se fustifera longtemps pour cela. « Personne. Personne sauf toi. » Il est le premier, et même si elle adore elle aurait aimé qu'il n'y ait pas de premier. Ce serait bien plus simple, que ce secret en reste un. « Et t’aimes que les nanas ou t’es à voile et à vapeur comme moi ? » L'expression lui arrache un petit rire. « À voile et à vapeur ? C'est comme ça que tu le dis ? » Si c'est ainsi qu'il exprime son attirance, soit. Mais elle, elle sait qu'elle n'est pas comme lui. Elle a bien trop essayé de s'éprendre de garçons puis d'hommes pour encore croire qu'elle peut les aimer autrement que comme des amis. « Moi je crois que j'aime que les femmes. » Et le dire à voix haute... C'est particulièrement étrange pour elle qui n'a jamais l'occasion de mettre d'honnêtes mots sur ses attirances et ses sentiments. « Comment tu l'as su, toi, que tu aimais aussi les garçons ? » finit-elle par oser demander, relevant vers lui un regard mêlant incompréhension et espoir. Elle se sent soudainement un peu moins seule, enfin.