Silver springs Une petite blonde aux yeux sombres erre sans but entre les tables du Chaudron Baveur. Elle a terminé son service, mais sa présence hante les lieux malgré l’heure tardive. Ses boucles blondes cascadent le long de ses épaules, dans l’anarchie la plus totale, négligées par une journée de travail. La candeur de ses traits et la fragilité qui émanent d’elle lui donnent l’air d’une biche prise dans la lumière des phares d’une voiture. Ce petit corps frêle se cache derrière le drapé d’un châle noué autour de ses épaules et pourtant, elle a survécu à bien des naufrages.
Les talons de ses bottes claquent sur le parquet jusqu’au comptoir du bar. Là, elle tire un tabouret sans se préoccuper des grincement du bois sur le sol : ce soir, elle fait la fermeture, plus personne n’est là pour l’entendre. Trop petite, elle se hisse sur le tabouret pour attraper un verre et une bouteille de gin que son patron cache en hauteur. Elle se sert une rasade et sort le petit carnet qu’elle transporte en permanence avec elle. Ce soir, le spleen lui dicte quelques vers qu’elle s’empresse de griffonner du bout de sa plume.
You could be my silver spring
Blue-green colors flashing
I would be your only dream
Your shining autumn ocean crashingCes vers la transportent plusieurs années en arrière, alors qu’elle était encore étudiante à Poudlard. A l’époque, Tamsin ne s’en sortait pas trop mal malgré son attitude rebelle. Il lui arrivait de défier l’autorité mais le temps l’avait assagie et ses notes n’avaient rien de catastrophiques. De toute façon, qui s’intéressait à son bulletin scolaire ? Certainement pas ses parents. La jeune fille avait compris qu’elle ne devait travailler que pour elle afin de s’en sortir. Elle parvenait à se détacher de la rancœur qu’elle vouait à ses géniteurs et de ce sentiment d’abandon : elle avait trouvé une seconde famille à Poudlard. Ses amis la soutenaient, certains professeurs avaient réussi à l’amadouer, mais plus que tout, Tamsin avait rencontré l'amour dans les couloirs de l’école. Un beau jeune homme de la maison Serpentard. Un ambitieux, un fin stratège qui l’avait charmée dès le premier battement de cils. Ses sentiments pour Tammy étaient sincères, il aimait sa sensibilité et sa capacité à idéaliser le monde pour le rendre plus beau. Lorsqu’il refermait ses bras autour d’elle, c’était un oisillon qu’il réchauffait tout contre son cœur.
Don't say that she's pretty?
And did you say that she loved you?
Baby, I don't want to knowLe temps passant, l’idylle se teinta de jalousies et de rancunes. Tous les prétextes étaient bons pour se reprocher les moindres écarts, les moindres regards de travers. Ils finirent par s’aimer et se détester à la fois, incapables de se sortir de ces méandres de haine. Puis les insultes firent place aux coups. Tamsin ne se considérait pas comme une femme battue car elle lui rendait coup pour coup ce qu’elle recevait. Mais frêle comme une enfant, la jeune fille ne fit bientôt plus le poids face à lui. Elle s’en rendit compte un soir où son petit-ami l’envoya valser à travers la pièce. Il avait perdu tout contrôle de sa force et de sa magie et l’avait immédiatement regretté mais toutes les excuses du monde sonnèrent creux ce soir-là. Dès lors, Tamsin décida de mettre fin à leur relation pour ne pas finir complètement détruite par cet amour. Leurs adieux déchirants faisaient encore saigner son cœur, mais elle était persuadée d’avoir pris la bonne décision.
Time cast a spell on you
But you won't forget me
I know I could have loved you
But you would not let me
I follow you down until the sound
Of my voice will haunt you
You'll never get away from the sound
Of the woman who loves youQuitter Poudlard après avoir obtenu son diplôme fut une délivrance pour Tamsin. Ne plus côtoyer le Serpentard de façon quotidienne lui permit d’aller de l’avant et de faire de nouvelles rencontres. Aussi bonnes que mauvaises… Non. Plus destructrices que bénéfiques. La petite blonde se laissait entraîner dans de mauvaises combines, aveuglée par son besoin d’être aimée et protégée. On lui avait fait goûter tous les alcools possibles, toutes les substances illicites du monde sorcier… Mais désormais, elle n’en avait plus que pour la cocaïne Moldue. Son pauvre salaire de serveuse lui permettait de payer son loyer, mais l’argent qu’elle soutirait à ses parents lui offrait toute la quantité de poudre blanche qu’elle souhaitait. Ils lui devaient bien ça.
Une larme tombe sur le papier, diluant un peu l’encre de son poème. D’autres la suivent, aveuglant la petite blonde sans prévenir. D’un geste rageur, Tamsin pose sa plume et essuie ses joues trempées de ses chagrins passés. Elle déteste ce qu’elle est devenue : un petit être misérable et sans avenir dépendant de la tendresse des autres. Épuisée par ses sanglots et sa journée de travail, la jeune femme vide son verre d’une traite et lève sa jambe droite pour la poser sur le tabouret voisin. Ses doigts tremblants se glissent dans la doublure de sa botte pour récupérer un petit sachet rempli de poudre blanche. Sa meilleure amie, la seule qui sait chasser ses tourments les soirs de pluie. Avec précaution, elle verse un peu de cocaïne sur le comptoir du bar et utilise sa plume pour aligner son rail. D’ordinaire, ses jupons et châles en dentelle laissent croire aux gens qu’elle pourrait lire leur avenir dans une boule de cristal. Et pourtant, son existence à elle ne tient qu’à une trace. En témoignent les cernes qui assombrissent son visage et son regard flouté par la drogue. Ce soir encore, elle s’apprête à tout gâcher. C’est peut-être la dernière fois qu’elle aligne un rail de poudre blanche.
Déterminée à tout oublier, Tamsin se bouche une narine et inspire sa ligne de coke d’une traite. Alors que cette saloperie monte jusqu’à son cerveau, la vision de la jeune sorcière se brouille. Vite, elle range son carnet et sa plume et descend de son tabouret en titubant. Sa baguette à la main, elle traverse le Chaudron Baveur et sort sans penser à verrouiller la porte. Un classique… Le patron l’engueulera le lendemain matin, sans surprise. Dehors, la pluie commence à tomber mais Tamsin s’en balance. La fraîcheur du soir lui fait du bien. Ce cocktail détonnant d’alcool et de drogue l’emporte dans un autre monde. Elle lève son beau visage vers le ciel pour sentir les gouttes effacer ses larmes. Elle sourit, ne se rappelle plus pourquoi elle a tant pleuré quelques minutes plus tôt. Sans se soucier des passants autour d’elle, Tamsin ouvre grand les bras et se met à tournoyer sous la pluie. Son châle se déploie autour d’elle et lui offre les ailes qu’elle n’aura peut-être jamais pour fuir cette vie merdique.
You can fix this
Ce matin et pour la première fois depuis longtemps, Tamsin se lève tôt et se prépare un petit-déjeuner consistant. Elle n'a pas l'habitude de manger autant, mais c'est un devoir de suivre le régime alimentaire prescrit par les diététiciens, à présent. Récemment, sa vie a pris un tournant inespéré. Débarrassée de son addiction à la cocaïne, l'ancienne Poufsouffle avait décidé de renier avec sa passion pour le Quidditch en volant dans un parc sorcier près de chez elle. Par pur plaisir, elle s'essayait à des figures aériennes dignes de ses sportifs préférés quand un membres du staff des Pies de Montrose l'a remarquée. Après l'avoir conviées aux sessions de recrutement, il a convaincu le reste de l'équipe de l'engager en tant qu'Attrapeuse. Un rêve se concrétisait pour Tamsin. Adieu le Chaudron baveur, bonjour la vie de sportif de haut niveau ! Un nouveau rythme agite ses journées, elle se lève aux aurores pour assister à l'entrainement et retrouver le niveau qu'elle avait quand elle jouait pour l'équipe de Poufsouffle lorsqu'elle était étudiante. A Montrose, on la surveille de près. Jugée trop maigre, même pour un si petit gabarit, l'équipe de spécialistes veille à ce qu'elle reprenne tout le poids qu'elle avait perdu à cause de son addiction, et surtout qu'elle se muscle ! Cette nouvelle hygiène de vie la sauve de ses travers, sans aucun doute, mais parviendra-t-elle à tenir le rythme ? Nul ne le sait, cependant elle aime cette nouvelle famille et compte rester dans cet environnement sain aussi longtemps que possible.
Saisissant son sac de sport, Tamsin se retourne en direction de sa chambre. De l'autre côté de la porte entrebâillée, elle distingue la silhouette de l'être aimé, ensevelie sous les couvertures. L'Américaine esquisse un sourire et rédige un mot tendre à son attention qu'elle collera sur le frigo. Baguette glissée dans sa ceinture, elle est fin prête. Le soleil ne s'est pas encore levé sur Londres mais elle est déterminée à affronter cette nouvelle journée avec son entraînement matinal. Transplanage direction le stade de Montrose dans trois, deux, un... Pop.