Updato Patronum - Celys

Updato Patronum

Mai 1977, service traumatologique de l’hôpital Sainte Mangouste.

Les roues du fauteuil crissent légèrement sur le lino des couloirs de Sainte Mangouste. Un bruit qui peut devenir agaçant, à la longue. Les mains croisées sur ses cuisses, Charlie se laisse conduire par un infirmier en faisant la grimace. Pas par douleur, elle n'a pas encore effectué sa séance de rééducation aujourd'hui. C'est surtout que ça l'agace. Depuis le temps qu'elle croupit dans cet hôpital, elle pensait qu'elle aurait pu s'habituer comme pour l'odeur aseptisée de sa chambre. Mais non… Peut-être qu'au fond, ce n'est pas tant le bruit qui la dérange mais le fait que quelqu'un soit obligé de la pousser dans ce maudit chariot. Charlie Standford, impotente. Qui aurait pu s'en douter ? Elle est là, la vraie source de sa dépression même si ses multiples douleurs sont parfois insupportables. Jamais auparavant elle n'avait eu besoin de l'aide de quelqu'un. Jamais elle n'avait vécu au crochet de qui que ce soit. Aujourd'hui, elle est obligée de presser le bouton au-dessus de son lit pour qu'on l'emmène prendre sa douche, aller aux toilettes ou se rendre à des rendez-vous avec les spécialistes de Sainte Mangouste. Et encore, elle a fait des progrès depuis ces derniers mois. Même si sa mémoire lui fait encore défaut de temps en temps, l'ancienne Tireuse d'élite s'améliore. Elle a retrouvé l'usage de la parole et de ses mains, ce qui est assez prodigieux étant donné l’état dans lequel les urgentistes l'ont récupérée en bas de l’édifice duquel on l’a projetée.

Fin février, elle est sortie du coma après plus d’un mois d’inconscience, au grand bonheur de ses parents. Depuis, il a fallu tout réapprendre tant les multiples traumatismes ont affecté son cerveau et sa motricité. Heureusement qu’en ce bas monde, la magie permet de récupérer plus rapidement car la jeune femme vient tout juste de commencer à apprendre à marcher cette semaine. En chutant du haut de cet immeuble, elle a perdu l’usage de ses jambes suite aux fractures multiples de son bassin et de sa colonne vertébrale. L’ouverture de son crâne à quant à elle troublé son équilibre, sa mémoire, sa sensibilité à la lumière, le don de la parole et toutes ses petites choses insignifiantes qu’elle pouvait faire autrefois avec le reste de son corps. Devenue taciturne, Charlie s’est enfermée dans sa dépression car elle ne récupère pas assez vite à son goût et qu’elle déteste lire le désarroi dans les yeux de ses parents lorsqu’elle peine à s’exprimer ou avoue oublier certains détails de son passé. Elle a aussi repris la pratique de la magie et attend l’évaluation finale de sa psychomage pour conserver définitivement l’usage de sa baguette.

Quand l’ancienne Serpentard s’est réveillée de son coma, c’était comme une seconde naissance. Elle se compare souvent à un nourrisson, elle qui ne peut pas encore tenir sur ses jambes sans l’aide d’un adulte. Alors la magie… Elle n’a plus beaucoup de souvenirs de sa rentrée à Poudlard mais elle imagine qu’au début de sa rééducation magique, elle était au même stade qu’une première année. En ce moment, elle consulte une psychomage qui l’aide à renouer avec elle-même et sa magie. Les séances sont inégales, surtout à cause des sautes d’humeur de Charlie. Certaines se passent bien, si l’on peut dire. Dans ces cas-là, elle se laisse aller, pleure beaucoup mais se sent avancer dans sa thérapie. Les autres jours, bonjour la grinche ! L’ancienne Tireuse d’élite se referme comme une huître et envoie paître quiconque l'empêche de mener une vie paisible (si l’on peut dire) dans cet hôpital. Elle ignore combien de temps encore elle devra rester entre ces murs blancs mais elle sait d’ores et déjà qu’elle n’en sortira pas de sitôt. Elle a encore besoin qu’on la porte pour passer de son lit à un fauteuil roulant qu’elle n’a pas encore la force de conduire elle-même. C’est beaucoup trop tôt pour oser réclamer son indépendance et quitter l’hôpital. D’ailleurs si elle en sort, où ira-t-elle ? Elle ne pourra pas retourner chez elle dans cet état, elle manquerait cruellement d’autonomie. Dans ce cas-là, ce serait retour à la case départ chez papa-maman et ça, il en est hors de question. Charlie adore ses parents mais elle refuse de vivre à leur crochet. C’est pourquoi elle attend patiemment (ou du moins, elle essaie) de se remettre afin de quitter Sainte Mangouste en meilleure forme.

Ce matin va sûrement l’aider à avancer un peu plus dans sa convalescence car elle a rendez-vous avec sa psychomage. Sa thérapie par la magie est intéressante et Charlie l’aime bien parce qu’elle a immédiatement compris qu’il ne fallait pas l’appeler Charlotte-Eléonore. Bon point pour la psy… De temps en temps, elle est accompagnée de sa stagiaire, une gentille gamine qui prend des notes et à qui il arrive de poser des questions intéressantes pour permettre à l’ancienne Tireuse d’élite de s’interroger sur elle-même. Une brillante carrière l’attend, à coup sûr. D’ailleurs, c’est sur la stagiaire qu’elle tombe ce matin. L’infirmier qui l’a amenée jusqu’ici prend congé d’elle et lui indique qu’il reviendra la chercher à la fin de sa séance. Charlie acquiesce et le remercie distraitement avant de reporter son attention sur l’étudiante. "Salut. Maman est pas là que t’attends devant la maison sans oser entrer ?" Un sourire taquin étire les lèvres de Charlie. C’est un bon jour, visiblement. La psychomage a l’air en retard ou absente et ça embête la patiente parce qu’aujourd’hui, elle lui avait annoncé qu’elle travaillerait sur l’émission de son Patronus. "On peut quand même rentrer, non ? T’as les clés ?" Elle veut rentrer. Parce que c’est dans son cabinet qu’est consignée sa baguette et qu’elle a envie de l’utiliser. C’est débile, mais ce bout de bois est l’extension d’elle-même et si elle parvient à renouer avec sa magie, elle a la sensation que son corps guérira plus vite.

La sienne, on la lui a confisquée dès qu’elle a montré des signes alarmants pendant sa convalescence. Outre le fait qu’elle voulait réapprendre la magie trop tôt au risque de blesser ses proches ou le personnel soignant par inadvertance, elle affichait une dépression beaucoup trop intense pour que l’on courre le risque qu’elle se fasse du mal. La Charlie d’avant n’aurait jamais songé à attenter à sa vie ou quoi que ce soit dans le genre, néanmoins celle qui était sortie du coma était régulièrement assaillie par des idées noires. Et mettre fin à son supplice aurait été le moyen le plus rapide pour y échapper.

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Mai 1977, service traumatologique de l’hôpital Sainte Mangouste.

C’est l’effervescence dans l’esprit de Celys Carroll, lorsque celle-ci est en salle de pause à Sainte-Mangouste. A discuter avec celle, qui est sa référente sur le terrain. La Psychomage qui la supervise lui fait glisser un dossier sur la table, alors que la petite Galloise souffle sur son café brûlant aromatisé à la cannelle. Un goût étrange selon certaines et certains, mais dont la petite Poufsouffle n’en a que faire. Les épices qui agrémentent le breuvage sont excellentes pour la santé et réchauffer le cœur et l’esprit. Surtout, quand la femme plus âgée, lui fait étudier ce cas entre deux interventions prévues. Le nom présent sur le dossier, la petite brune ne le connait nullement mais elle va le connaitre très bientôt. Et ce, dans les détails les plus intimes et les plus profonds. A force de lire les dossiers que sa référente lui donne, l’ancienne Jaune et Noire sait comment être la plus efficace possible. Ne pas s’embourber dans des détails qui seraient inintéressants. Or ici, le dossier regorge de détails importants. Tous, très importants. Le fait que cette personne ait échappé de peu à la Mort. Que son accident, lui ait intimé un mois de convalescence.

Tout. Tout semble être d’une importance capitale. Alors que le café à la cannelle refroidit lentement dans son gobelet, tant la lecture de la vie de cette femme meurtrie par la vie est passionnante. Passionnante, parce qu’il lui faut une certaine résilience pour se relever. D’autres auraient abandonné en plein combat. Ne se seraient pas formalisés. Une attention particulière est toutefois formulée : la patiente parait souffrir d’une grande dépression, qu’elle occulte par un air taciturne. Ceci, s’accroissant par le fait pur et simple que la jeune femme veut récupérer bien plus vite de son traumatisme sans procéder par des étapes pour le moins cruciales. Trop tôt, est une belle hérésie. Chaque chose en son temps. Un pas après l’autre. Surtout après ce que Charlie Standford a pu subir, en tombant de cet immeuble. Récupérer sa motricité, l’usage de sa parole et de ses membres. Les troubles cognitifs qui vont affaiblir la plasticité de son cerveau. Mais, l’être humain est remarquable. Et, sait s’adapter. En plus de la magie qui peut plus aisément réparer les corps et esprits endommagés par la vie, il y a l’être humain. Merveilleuse machine.

Par contre, ce que ne comprend pas la petite Poufsouffle, c’est le fait pur et simple que ce dossier échoue entre ses mains. Elle, elle n’est que stagiaire pour l’instant. Incapable de prétendument poser des diagnostics, seule. Sans l’accompagnement de sa Psychomage et Tutrice. Haussant un sourcil, la femme plus âgée se redresse et lui intime de plonger dans le grand bain. Pour une première étude de cas, en plus du dossier écrit, elle connait la patiente de visu. Étant donné que des questions ont été quelquefois posées pour ce dossier qu’elle doit alors rendre en fin d’année. Celui, qu’elle devra défendre devant un jury composé de spécialistes éminents. Là, se trouve alors sa chance. Celle de converser seule à seule avec cette femme à l’aura impressionnante. Recluse sur elle-même mais ô combien sympathique et exceptionnelle ! Un regard brun foncé destiné à la grande horloge présente dans la salle de pause et sur sa montre, qui lui firent avoir un constat alarmant : elle serait en retard. Chose, qu’elle détestait au plus haut point. Heureusement, la patiente n’était pas encore présente devant le cabinet de sa Psychomage attitrée quand la petite Galloise y parvint en courant. Son dossier sous le bras, alors qu’elle remettait en place des mèches désordonnées de ses longs cheveux bruns. Ces derniers étant réunis sous un serre-tête jaune à carreaux noirs. Son ensemble tailleur et jupe étant assorti à cet accessoire. Le tout rehaussé par de hautes bottes blanches.

- Pardon. Hum. Une petite gêne occasionnée par le fait qu’elle se retrouve seule à devoir gérer l’imposante patiente à l’Aura spectaculaire. Miss MacLean est indisponible. Me laissant les pleines rênes de cette séance. Un sourire doux alors qu’elle déverrouille avec sa baguette, la porte d’entrée du cabinet. Laissant passer la patiente et son fauteuil roulant, avant de refermer la porte derrière elle. Bonjour Miss Standford, ça me ravit d’être avec vous aujourd’hui. Un regard brun foncé d’une tendresse infinie pour cette femme marquée par les évènements qui l’ont rendue sûrement plus forte.

C’était ainsi, que l’être humain se devait d’avancer.
Laissant le mauvais derrière lui pour se tourner vers le meilleur.

- Je sais ce que vous faisiez avec Miss MacLean. Du moins, ce qui était prévu ce jour. Mais avant, dites-moi votre couleur aujourd’hui. Comment vous sentez-vous ? Un sourire doux et un geste de la main, pour l’encourager à se confier. Alors qu’à l’intérieur de la jeune et future Psychomage, on se dirigeait vers une certaine tempête d’anxiété. Que la petite Galloise avait appris à contrôler avec le temps.

Dans quelques secondes, tout ceci ne serait plus que de l’histoire ancienne.

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Poussée à deux à l’heure dans son chariot, Standford rumine parce qu’elle se sent grabataire. Elle aurait pu prétendre qu’elle était rescapée de la guerre de 14-18, c’était la même chose. Pourtant, elle n’a pas d’autre choix que de se faire trimballer à travers l’hôpital pour se rendre à son rendez-vous. Bientôt elle pourra pousser elle-même les roues de son fauteuil. Et puis après, elle marchera avec des béquilles, puis juste une canne. Et un beau jour, elle pourra taper le meilleur sprint de sa vie sur une plage de la Costa Brava avec son père. Elle se l’est juré. En attendant, la rééducation est longue et Standford n’a jamais été réputée pour sa patience. A propos de patience, la stagiaire de sa psychomage débarque avec un léger retard. La Tireuse d’élite grimace. Pourquoi n’est-elle pas accompagnée de son mentor ? Ah le professeur MacLean n’est pas disponible… Charlie ne cherche même pas à masquer sa déception qui pourtant est de courte durée : la gamine maintient la séance. C’est toujours ça de gagné. Au point où elle en est, l’ancienne Serpentard pourrait soudoyer par tous les moyens possibles le personnel hospitalier pour récupérer sa baguette. "A la bonne heure ! J’ai eu peur que la séance soit annulée," lance-t-elle d’un ton sarcastique. C’est pas contre la gamine, c’est juste son mood habituel. Cynisme LV2, c’est la vie qu’elle a décidé de mener.

Poussant sur les roues de son carrosse, Standford entre péniblement dans le bureau de la psychomage suivie de son apprentie. Pousser son chariot sur quelques mètres commence à devenir envisageable pour elle, mais à quel prix ? Sa musculature reprend du service dans le haut de son corps pour pallier au silence radio de ses jambes mais ce n’est pas encore suffisant pour vaquer où bon lui semble. Après avoir parcouru les trois mètres qui la séparent du bureau de la psychomage, elle se sent déjà fatiguée. Heureusement pour son mental, elle se réjouit à l’idée d’entamer cette séance. D’emblée, l’odeur de la pièce apaise la jeune femme. Impossible de savoir si elle apprécie réellement le parfum ambiant ou si elle l’associe à l’idée de ses progrès et au plaisir de renouer avec la magie. Toujours est-il qu’un sourire s’étire sur ses lèvres lorsque la stagiaire affirme connaître le programme du jour. Elle ne se sera pas déplacée pour rien.

Pour commencer, Celys lui demande la couleur du jour. Derrière ses lunettes, l’ancienne Serpentard arque un sourcil. S’il y a une échelle de l’humeur à laquelle on attribue des couleurs dans le manuel du bon petit patient, Charlie ignore tout de ses codes. Elle, elle est synesthète. Cela signifie qu’elle associe certains concepts comme les chiffres ou les personnes à des couleurs. Sans savoir pourquoi ni comment son cerveau fait ça. C’est peut-être dû au choc qu’elle a subi, elle n’en sait rien. "Bleu-gris," lâche-t-elle sans réfléchir. "Genre pas top, mais ça va quand même. Ca tire davantage sur le bleu que le gris." Haussement d’épaule, air dubitatif. "J’sais pas si c’est la réponse que vous attendiez. Faut que je jauge sur un feu tricolore ou quelque chose comme ça ?" Mauvaise élève à l’hôpital, Standford était bien plus appliquée à l’ESM quand elle convoitait le poste de Tireur d’élite. Pourra-t-elle encore l’occuper à son retour ? Pour l’instant, c’est mal barré parce qu’à moins d’ensorceler son fauteuil, elle ne peut pas vraiment courser les criminels… "Mon dos et mon bassin me font mal, ça pulse dans toute ma colonne" poursuit-elle. "Ça réduit ma dose de patience et j’ai l’impression de stagner ici." Il n’y a qu’ici qu’elle peut le dire, elle sait que la future psychomage, comme sa formatrice, n’émettra pas de jugement là-dessus. C’est une confession qu’elle ne peut porter à l’oreille de ses parents sous peine de les démoraliser. Et si elle ose se plaindre aux soignants, ces derniers font preuve d’un enthousiasme forcé et agaçant pour l’empêcher de se laisser aller. Charlie ne veut pas qu’on s’apitoie sur son sort mais elle ne veut pas non plus que l’on nie ce qu’elle ressent. Un hochement de tête compréhensif la comble bien plus que mille paroles. Malgré elle, elle finit par jeter un regard en coin de sale gosse en direction de l’armoire où sont consignées toutes les baguettes des patients dits à risque. "Le professeur MacLean a dit qu’aujourd’hui, je pourrai travailler ma magie." Un peu prématuré mais Standford n’est pas là pour enfiler des perles. Ça fait même pas deux minutes qu’elle a commencé sa thérapie que déjà, l’envie d’utiliser sa baguette lui brûle les doigts. Elle ressemble à une enfant gâtée s’apprêtant à faire un caprice mais la vérité est là : si elle ne peut redevenir la virtuose de la baguette qu’elle était, elle pourrait en crever.

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Mai 1977, service traumatologique de l’hôpital Sainte Mangouste.

La patiente décrite par sa Tutrice est une patiente qui a subi les plus douloureux des traumatismes. Mais, celle-ci était toujours là. Aussi résistante que l’être humain pût l’être. Malgré, les épreuves qui attendaient Charlie Standford, parce que telle était son identité, n’est-ce pas ? Couchée sur le formulaire que Celys Carroll avait gardé en main, tout en se présentant rapidement à elle. De peur que son interlocutrice croit à une interruption de sa thérapie alors que cela n’était pas le cas. Que la séance dût bien se maintenir entre les deux et que tout serait fait avec la meilleure possibilité effective qui soit. Malgré l’appréhension de l’ancienne Jaune et Noire, quant aux réactions de sa future vis-à-vis. Allait-elle être réceptive à sa douceur ? Comment était-elle, fondamentalement parlant ?

Visiblement, la demoiselle était un boute-en-train quelque peu sarcastique, ce qui fit sourire la cousine de Cole Bronson. Parce que, malgré que le corps dût se réparer encore, l’esprit était toujours bien présent. Elle avait du répondant. Elle était résiliente. Et, de toute manière, n’avait-elle pas eu le choix en fin de compte ? D’accepter, ce qu’il s’était produit ? En soit, l’être humain passionnait la petite Galloise, à raison. L’esprit humain pouvait se targuer à lui seul, de faire des circonvolutions hyper complexes qui parvenaient toutefois, voire souvent, au même résultat : l’être humain pétri de difficultés était passionnant. Comme cette nouvelle patiente, présente face à elle, dans son fauteuil.

- Ah non. Je n’allais pas vous laisser vous échapper dans la nature, Miss Standford. Une légère note d’humour. Avant de demander la couleur de son mental. Ce qui était une indication pour le moins stratégique pour la microscopique brune. Qui aimait parler en association de couleurs. Pour elle, les sentiments possédaient des couleurs ou des sons parfois. Non, c’est très bien. Et, je me calque sur votre couleur. Je vois des nuances d’un bleu nuit, peut-être. C’est cela, n’est-ce pas ? D’où le fait que ça ne va pas top comme vous dites. Un sourire tendre et qui prêtait aux confessions. Pas besoin d’un feu tricolore. Ce que vous m’avez donné comme indication est amplement suffisant.

Or, il était facile de jauger de l’impatience de cette jeune femme, réduite à ne point bouger, elle qui avait toujours été très active. Son agacement était pour le moins tangible et légitime. Mais, il fallait lui apprendre potentiellement la patience, et cela serait clairement un chemin de croix. Que la femme légèrement plus âgée, n’accepterait sûrement pas. Avec tout cette indulgence dont pouvait faire preuve l’ancienne Poufsouffle, cette dernière s’adressa à sa patiente. Avec honnêteté et bienveillance.

- Je ne suis point à votre place. Je ne sais pas ce qu’endure votre corps quotidiennement. Tout ce que moi je sais, c’est que je suis là pour guérir votre mental. Et sachez que vous n’avez pas l’impression de stagner. Vous avancez. Certes, vous ne voyez pas ces petits pas, mais vous avancez pourtant. Un silence. Déjà, vous êtes là. En train de me parler et à vouloir travailler votre magie. Un rire flûté et entendu. J’aimerais que l’on discute un peu avant que vous vous exerciez. Que j’ai réussi au moins à vous canaliser. Car là, tous vos gestes me semblent être précipités et cela ne va pas bien se passer. Le Professeur MacLean lui en avait confié, des informations sur des patients, qui n’avaient pas réussi à se gérer. À réussir à passer outre. Je vous promets qu’aujourd’hui Miss Standford, on va travailler votre magie. Je vous le promets.

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Elle a de l’humour, le petite, c’est bien. Charlie se réjouit que ce ne soit pas une énième stagiaire timorée bien plus impressionnée par sa condition physique désastreuse que ses propres examens de fin d’année. Et encore, l’accident ne l’avait pas défigurée. Ca, ça devait être douloureux à vivre, le fait de savoir que plus personne ne pourra vous regarder dans les yeux parce la vie s’est montrée aussi traître qu’un Puriste à un gala de charité. L’ancienne Tireuse d’élite ne se trouvait pas exceptionnellement jolie mais elle était consciente que dame Nature n’avait pas été vache avec elle, ça allait. Pour séduire, elle savait jouer de son charisme et de son humour pince-sans-rire pour répondre aux exigences de ses conquêtes. N’empêche que des conquêtes, elle ne risquait pas d’en retrouver de sitôt. D’une parce qu’elle n’était pas en état de leur courir après et de deux parce qu’il était difficile de croire que quelqu’un aurait envie d’un corps tel que le sien après avoir été balancée du haut de cet immeuble. Elle allait devoir composer avec cet aléa, voire même le supplanter en donnant tout ce qu’elle avait pour revenir dans le game. Et ça commençait par ces séances chez la psy qui n’étaient pas toujours une partie de plaisir. Mais avait-elle le choix ? Lorsque l’étudiante lui affirme qu’elle n’allait pas la laisser s'échapper dans la nature, Charlie retient un rire amer. "Oh vous n’auriez pas eu à courir bien loin pour me rattraper."

La première question de la future psychomage porte sur la couleur de son mental. L’ancienne Serpentard se ravit d’une telle question qui change des introductions d’usage. Peut-être aussi parce qu’elle est très sensible à l’usage des couleurs et des connotations que son esprit y prête à son insu. Charlie décrit donc le bleu-gris qui flotte dans sa tête, à l’image du désespoir perpétuel qui plane au-dessus de son lit d’hôpital. Celys interprète cette nuance à sa manière, mais un brin trop obscure pour l’ancienne Tireuse d’élite. "Hmm bleu-nuit c’est trop foncé pour moi. Le ton que je vois est moins tranché, un peu plus terne peut-être. Comme le ciel avant un orage, vous voyez ?" Si elle voit pas, c’est pareil. De toute façon, la jeune femme sait très bien qu’elles ne sont pas là pour se disputer le bout de gras autour d’un nuancier de chez Bricomage. Le but est de matérialiser ses émotions sous forme de couleurs pour mieux les exprimer. "C’est pas bleu clair parce que le ciel n’est pas au beau fixe, mais pas bleu nuit non plus. C’est un entre-deux un peu maussade. Ça fait des semaines que je ne fais aucun progrès, j’ai l’impression que je ne sortirai jamais de ce fauteuil." Ce bleu-gris, c’est l’image de son défaitisme, elle le sait, mais en ce moment, elle ne parvient pas à écarter les nuages de son moral.

Malgré tout, l'assistante du professeur McLean lui assure qu’elle avance dans sa thérapie. C’est le premier pas d’un long parcours qu’elle a effectué en acceptant de se présenter à ses rendez-vous de suivi psychologique. Et quand bien même elle grapille quelques centimètres chaque semaine, cela revient toujours à avancer. Cela n’est pas assez rapide au goût de cette hyperactive notoire. Elle aimerait récupérer ses jambes, son dynamisme, et surtout sa magie. Peut-être met-elle la charrue avant les bœufs ? C’est pour le moins ce qu’insinue la psychomage en herbe. La jeune brune lui affirme qu’à trop vouloir précipiter les choses, elle gâchera tout. Charlie prend donc son mal en patience et grimace en ajustant sa position sur son fauteuil. "Ok, ok… Parlons alors." Un regard en biais par-dessus ses verres fumés. "De quoi je dois parler ?" Va falloir qu’elle l’aide, la gamine, parce que Standford, elle est sortie de sa tentative de meurtre aussi fermée qu’une huître.

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Mai 1977, service traumatologique de l’hôpital Sainte Mangouste.

Celys Carroll aimait son métier. Cela était un fait indéniable. La petite Psychomage appréciait de réparer les âmes humaines abîmées par la Vie, elle-même. Pour certaines, le labeur s'était avéré peu aisé mais elle y était parvenue. Avec patience et tendresse. Douceur et écoute. Cela expliquait aussi pourquoi, sa patientèle s'en trouvait démesurée parfois et qu'elle, elle ne pouvait plus suivre ses horaires comme ils étaient prévus. Or, de cela, elle n'en avait rien à faire. Prête à faire des heures supplémentaires à Sainte-Mangouste, s'il le fallait. Chaque patient avait le droit d'être écouté. Qu'on lui octroie du temps pour lui. Parce que c'était ainsi que les traumatismes s'en trouvaient dépassés et la reconstruction pouvait alors commencer.

Charlie Standford faisait alors partie de ces endommagés de l'existence, qui avaient alors besoin d'un coup de pouce du Destin, pour se relever. Ou de la petite brune, qui était semble-t-il à leur écoute et destinée à ce qu'ils aillent au mieux ! Mais chacun et chacune était somme toute assez différent et l'interlocutrice de l'ancienne Jaune et Noire, avait un humour certain que celle-ci validait. Cole Bronson, -son cousin-, possédait le même mais ne l'utilisait que quand ce dernier avait un peu trop bu lors des fêtes de famille ... Et en cela, l'ancienne Poufsouffle s'en accommodait d'ailleurs avec un rire léger et tendre.

- Je ne suis peut-être pas aussi rapide, vous savez. À nouveau, un sourire tendre et rempli d'affection. C'était ce qui se produisait à chaque nouvelle rencontre de la minuscule Psychomage. Qui n'avait pas tardé à demander à sa vis-à-vis, la couleur de son tempérament. De son émoi. Ce qui était en train de la traverser en ce moment présent ...

... et la couleur énoncée n'eut pas l'air de surprendre la petite Galloise. Au contraire. C'était ce qui était ressorti de la belle femme trentenaire avec qui, elle devait s'entretenir. Une sensation d'un ciel aux teintes charmantes de gris mais rehaussées par un bleu captivant. Un camaïeu de couleurs qui résonnaient en la petite brune, comme l'écho d'une Mélancolie.

- Je vois très bien, oui. À l'instant même où le Ciel gronde et la Nature se met en mouvement. Un ciel grisé mais tirant sur une teinte indigo mais très légère ? Un sourire bienveillant à la réponse de ces progrès que la patiente trouvait bien trop peu rapides à son goût. Hum ... vous ne devez pas chercher la rapidité à tout prix Miss Standford, croyez-moi. Chaque jour sera une épreuve pour vous, que vous devrez accomplir avec patience. Et, peut-être que mon exemple sera maladroit mais il illustre votre cas. Avant de savoir courir, vous avez appris à marcher, n'est-ce pas ? Et même, à vous tenir debout ? Ici, cela est identique. La thérapie se déroulera par phases. Il y a des jours certains, où vous ne serez pas d'humeur à travailler mais sachez une chose, je serais présente. À vos côtés. Un silence. Je serais juste cette petite impulsion, qui vous permettra de vous élever. À nouveau.

Et, même avant que Celys Carroll n'en vienne à prononcer ces palabres, Charlie Standford avait déjà compris le fond de cette pensée importante et primordiale, pour avancer. La question, elle, était plus que légitime, cependant. De quoi, devait-elle parler ? Expliciter son accident et cette tentative de meurtre notifiée sur son formulaire serait clairement abrupt. Alors, autant commencer par le commencement, non ?

- Évidemment, j'ai lu votre dossier. Et ma Tutrice m'a longuement briefée à votre sujet. Mais ... j'ai bien peur que ce ne soient que des paroles et des écrits, sans que je ne connaisse réellement votre véritable 'vous'. Un regard brun foncé qui ne cillait aucunement. Et une tendresse non feinte sur les lèvres qui s'étiraient en un délicieux sourire. J'aimerais que vous me parliez de vous. Pas celui qui est la résultante de mots placés les uns à côté des autres, sur un formulaire ressemblant à tous les autres. Je veux savoir qui vous êtes Charlie. Annoter tout cela ? Ce serait bien plus tard, quand sa patiente aura entamé (ou non) son laïus.