Au placard, mes sentiments
Surtout ne rien dire et faire semblant
Si seulement elle savait comment
Comment tu la regardais, elle serait effrayée
Si seulement elle savait comment
Comment tu l'imaginais, elle pourrait t'abîmer
Mais laisse, laisse le temps
Il pourrait vous donner une chance de vous retrouver
Il lui faudra du temps, c'est sûr, pour oublier tous ces préjugés
Calling me words I'm not, paintin' a picture that's false
⚘ Juillet 1961
— Manoir des Nott, Londres
Les bras ballants, ses cheveux tressés avec soin par sa mère, Garance fixe ceux de sa sœur aînée en se demandant si elle les aura un jour aussi long qu'elle. Un jour peut-être, après tout sa petite sœur les a plus courts qu'elle alors ça lui semble logique. Ses pensées enfantines sont interrompues par les coups à la porte que donne son père, après une remarque au sujet de la taille du manoir qui accueille la festivité de ce soir. C'est vrai que c'est plus petit que la maison, mais Garance s'en moque tant qu'elle ne s'y trouve pas seule. La porte est ouverte par l'elfe de leurs hôtes qui veille bien à saluer les invités respectueusement – il a le menton si proche des genoux que la fillette le fixe un instant avec de grands yeux. Puis ils entrent un à un, ôtant leur manteau dans cet espèce de rituel qui a toujours lieu lorsqu'ils rejoignent une soirée mondaine. La cadette s'exécute en silence, veillant à ne pas abîmer sa coiffure pour ne pas recevoir de reproche. Elle tend sa veste à l'elfe de maison et ses lèvres bougent lorsqu'il la récupère, articulant un merci. Mais la créature ne le voit pas, trop occupée à récupérer tous les manteaux des invités et à bien courber le dos pour ne pas être frappé par ses maîtres. C'est que personne ne les respecte vraiment, les elfes, dans ces grandes familles.
« Garance, tiens-toi droite. » La fillette lève la tête vers sa mère et, lorsqu'elle croise son regard sévère, elle se redresse automatiquement. Elle ne proteste pas, la cadette MacMillan, se contente d'obéir sagement dès qu'une remarque lui est faite. Elle a rapidement compris que ça ne servait à rien si ce n'est s'assurer de recevoir les réprimandes des parents une fois rentrés à la maison. Comme toujours durant ces repas pleines d'élégance et de taffetas, les enfants se voient demander d'aller jouer avec ceux déjà présents. Garance ne se fait pas prier, s'éloignant des adultes dont elle ne comprend de toute façon pas les conversations. Elle cherche du regard une chevelure rousse qu'elle connaît depuis toujours et, lorsqu'elle la voit, son visage s'illumine d'un sourire. C'est avec elle qu'elle passera la soirée, loin des discussions des grands et de leurs remarques discriminantes.
« Alana, tu penses que je ferai de la magie bientôt ? » La Dolohov hoche la tête, les lèvres étirées avec douceur. Garance l'adore, elle est toujours gentille avec elle et lui accorde bien plus d'intérêt que sa propre fratrie. C'est qu'elle est discrète, cette fillette, trop peut-être. Mais ce n'est pas grave, quand elle est avec Alana son petit cœur est comblé. La jeune étudiante lui parlera même de Poudlard et de toutes les choses géniales qu'on peut y faire, et ça fera rêver son imagination d'enfant.
Cover me in sunshine, shower me with good times
Janvier 1964 ⚘
Maison des Carter, Londres —
Dehors, le soleil brille mais il fait trop froid pour que Garance daigne sortir. Elle n'aime pas l'hiver, préférant amplement les mois où elle peut mettre une robe sans craindre de grelotter. Alors elle reste à l'intérieur, ayant cependant troqué le livre qui la passionne dernièrement pour une activité qui l'incite tout autant à se concentrer. Les éclats de rire qui résonnaient dans la demeure au moment du repas suffisent à deviner qu'aujourd'hui elle ne passe pas la journée au manoir. Le petit cheval en bois que la gamine a entre les mains est aussi un indice : à la maison, son père insiste pour qu'elle apprenne à jouer du piano plutôt qu'à de tels enfantillages. Mais sa marraine adorée s'en moque, de tout ça. Avec elle, pas de souhaits trop hauts pour une fillette de sept ans, pas de lecture sur l'Histoire des grandes familles sorcières anglaises, pas de longs discours sur la supériorité du sang pur. Alors sa filleule profite de chaque moment passé avec elle, sa joie de la retrouver ne diminuant jamais.
La petite MacMillan repose sur la table le pion à la forme animale avec lequel elle jouait seulement pour ne pas triturer ses cheveux – sa mère dit qu'il ne faut pas qu'elle s'amuse avec parce que ça les abîme, ça a suffi à faire arrêter ses bêtises à la fillette. C'est à son tour de jouer. Elle attrape les dés et les fait rouler sur la table sans les quitter des yeux, espérant très très fort un
cinq.
« Mais ! » Ses joues se gonflent aussitôt et son regard fusille le cube innocent.
« J'ai jamais de chance avec ça, » rouspète-t-elle, affichant aussitôt une mine boudeuse. Ça arrache un sourire à Elvira qui l'attrape sous les bras pour l'installer sur ses genoux. Garance éclate de rire au premier guili qu'elle lui fait, n'arrivant dès lors plus à bouder. C'est pas juste, ça fonctionne à chaque fois ! À bout de souffle, la gamine se redresse et pose son menton sur l'épaule de sa marraine comme pour lui faire un câlin.
« Marraine, tu veux pas faire une alliance contre Tonton Roman ? » murmure-t-elle à l'oreille de l'Auror, un air espiègle ayant remplacé ses traits grognons.
Saw your face, heard your name, gotta get with you
⚘ Septembre 1967
— Poudlard, Écosse
Un sourire aux lèvres, Garance détache les yeux de son pendentif pour les laisser glisser autour d'elle. C'est drôle, le blason des MacMillan a beau être un blaireau, dans sa fratrie ce sont les Serpentards qui prédominent. Elle a même hésité à demander au Choixpeau de l'y envoyer, plus pour rendre fiers ses parents que pour elle-même. Mais lorsque l'artefact lui a chanté la comptine sur les maisons de Poudlard, elle s'est bien plus reconnue chez les aigles que chez les serpents. Son regard a croisé celui de sa sœur aînée dont elle n'a jamais été très proches, et elle s'est demandée si elle voulait vraiment aller là-bas. Si c'était sa place. Non, ça ne l'était pas. Le Choixpeau optait pour Serdaigle, alors Garance l'a simplement écouté. Il a crié le nom de la maison des sages et des curieux, et la jeune MacMillan a rejoint leur table en pensant fort à sa marraine. Elle a hâte de lui écrire une lettre pour lui annoncer la nouvelle.
À présent installée face à tous ces visages qui l'intimident un peu, son premier réflexe est de chercher du regard des traits connus. Pourtant, c'est une personne qu'elle n'a jamais vue qui lui demande son prénom.
« Garance, » qu'elle répond d'une voix un peu hésitante, le rouge aussitôt aux joues. Ses pupilles fuyardes traduisent sa timidité, si bien qu'elle se retrouve à contempler à nouveau la Grande Salle. Au-dessus de sa tête, les étendards bleus et bronzes bougent doucement, comme si un courant d'air les agitait. Sur les tables, il y a de la cuisine pour plaire à tout le monde. Le plafond présente un ciel étoilé plus beau que tous ceux que la jeune fille a pu contempler dans sa vie. Cette pièce est incroyable, les récits d'Alana ne lui rendaient même pas justice. La Dolohov aussi, était à Serdaigle. À elle aussi, elle lui écrira une lettre, et elle en aura sûrement plus quelque chose à faire que ses parents, d'ailleurs.
Mais tu voudrais qu'elle soit ta reine ce soir
Même si deux reines c'est pas trop accepté
Mais tu voudrais qu'elle soit ta reine ce soir
Toi, les rois tu t'en fous c'est pas c'qui t'plaît
I'm covered in the colors, pulled apart at the seams
Février 1968 ⚘
Poudlard, Écosse —
Les bras écartés pour ne pas tomber à la renverse, Garance baisse la tête pour contempler ses pieds. Ses lèvres s'étirent aussitôt, elle est à deux doigts d'éclater de rire. Elle n'arrive pas à croire qu'elle a troqué ses jolies chaussures en cuir de dragon pour des patins à roulettes plus colorés que toutes les fleurs du jardin du manoir. Un jouet moldu, enfin peut-être que ce n'est pas un jouet, la jeune MacMillan ne sait pas trop. Elle n'y connaît rien, à vrai dire. Tout ce qu'elle constate, c'est qu'elle a eu envie d'essayer, l'objet ne lui paraissant pas du tout aussi diabolique que ce que ses parents prétendent à propos de la culture moldue.
Elle lève les yeux vers la blonde qui lui tend les mains pour qu'elle puisse les attraper. Elle le sait, Garance, que son père serait rouge de colère s'il la voyait. Mais il n'est pas là, tout comme sa fratrie qui pourrait la dénoncer, alors c'est sans trembler que la jeune fille s'accroche à la née-moldue pour ne pas perdre l'équilibre. Elle a bientôt fini Poudlard, Tamsin, joue par conséquent les rebelles à se balader dans les couloirs sur ses patins. Distraite, elle a renversé la petite Serdaigle et, pour se faire pardonner – et éviter qu'elle rapporte son comportement au corps professoral –, lui a proposé d'essayer. La tentation était trop forte pour qu'elle refuse, trop intriguée par toutes ces roues et ces couleurs. Et sans la pression des MacMillan sur ses épaules, elle a réussi à se dire qu'elle pouvait se le permettre.
« Tu veux aller plus vite ? » Après une légère hésitation, Garance se laisse convaincre par le regard adorable de la Poufsouffle. Elle n'a pas l'air méchante, la née-moldue, fait d'ailleurs moins peur que certains de ses camarades en première année. Une vraie boule de gentillesse qui ne lui semble pas du tout inférieure aux autres élèves du château, quand bien même elle a été éduquée dans un monde sans magie. Ce n'est pas ce qui se dit durant les mondanités de sangs-purs auxquelles la jeune fille est toujours obligée de participer, pourtant ça lui semble bien plus plausible. Alors des amis nés-moldus elle en aura, la MacMillan, et ne les traitera jamais de sang-de-bourbe. Pourtant elle se fera discrète à ce sujet, assez craintive quant à la réaction de ses parents même si à présent elle passe la plupart de son temps à Poudlard.
I wish I was as sweet as you think
⚘ Janvier 1969
— Poudlard, Écosse
La température de la serre est bien plus agréable que le froid mordant de janvier, raison de plus pour que Garance la frileuse soit ravie d'aller en cours de Botanique. Au fond de son sac est précieusement rangé le livre traitant des
végétaux magiques les plus incroyables que lui a offert sa marraine pour Noël, et à propos duquel elle voudrait poser quelques questions à sa professeure. Timide, elle compte cependant attendre la fin de la séance et le départ des autres élèves, se concentrant pour l'instant sur la séance du jour. Les mandragores ne sont pas ses plantes préférées, mais ça l'intéresse quand même, surtout maintenant que l'hiver s'est installé dans le pays.
« Il faut leur mettre quoi ? » La Serdaigle tourne la tête vers la voix, croisant le regard perplexe d'une camarade de classe. Elle esquisse un sourire poli, comme sa mère le lui a appris.
« Des chaussettes, » répète-t-elle alors avant de reposer son regard sur la plante face à elle. Lui mettre des chaussettes peut paraître étrange, mais Garance trouve ça très rigolo. Elle l'écrira sûrement à Elvira, d'ailleurs, pour lui demander si elle a fait la même chose quand elle était élève. Elle en profitera pour la remercier une énième fois pour le livre posé sur sa table de chevet depuis une semaine grâce à elle. Ça lui a fait bien plus plaisir que le nouveau piano dans le salon, soi-disant une récompense pour les derniers morceaux qu'elle a appris à jouer avec son professeur particulier.
Si seulement elle savait comment
Comment tu l'envisageais, même si t'es une fille
Si seulement elle savait comment
Comment tu pourrais l'aimer tellement plus que lui
Mais peut-être qu'un jour
Elle verra tout l'amour que tu pourrais lui donner
Moi je crois aux histoires qui peuvent parfois
Bien se terminer
TW : Hétérosexisme
I hope my boyfriend don't mind it
Mars 1971 ⚘
Poudlard, Écosse —
Garance trouve les couloirs incroyablement longs depuis qu'elle ne s'y balade plus seule, son
petit-ami accroché à elle comme s'ils ne pouvaient pas marcher sans se coller. Si elle n'était pas si habituée à baisser la tête, ça ferait longtemps qu'elle lui aurait dit de lâcher sa main. Ça l'agace juste, de ne pas disposer de ses deux mains : aucun frisson lorsqu'il entremêle ses doigts aux siens, aucune envie lorsqu'il l'enlace, aucune fierté lorsqu'on pose sur eux des regards envieux. Et à chaque baiser, elle a un peu plus envie de le repousser. Pourtant, la MacMillan se laisse faire, comme toujours.
Comme chaque semaine, il l'accompagne jusqu'à son cours d'études de runes. Cette option, il ne la suit même pas, mais puisqu'il a du temps libre il décide de l'utiliser pour la conduire à sa salle.
Comme si elle ne savait pas y aller toute seule. Il paraît que c'est comme ça qu'on fait, lorsqu'on est un sang-pur bien élevé : on accompagne sa petite-amie jusqu'à un cours auquel on n'est pas soi-même obligé d'assister. Honnêtement, Garance se passerait bien d’y aller elle aussi, mais ce n'est pas son plus gros problème à cet instant précis. Ce sont plutôt les lèvres du jeune homme qui se posent sur les siennes, comme à chaque fois qu'ils doivent se séparer – à chaque fois elle espère que ce sera le dernier. Mais elle ne proteste pas, lui offre même un sourire lorsqu'il s'éloigne. C'est ce que font les autres, alors elle se dit qu'elle doit faire de même. Il paraît qu'elle a de la chance, d'avoir un tel petit-ami. Qu'il est agréable, élégant, galant, et qu'il l'aime. Pourtant, Garance, elle ne ressent rien. Elle ne l'aime pas, n'a pas envie qu'il l'embrasse, ne veut plus qu'il lui tienne la main. Toutes ces pensées qu'elle tait parce qu'elle se dit que ce n'est pas normal, de ne pas le trouver aussi attirant que le décrivent ses copines de bonne famille. Et parmi ces pensées qu'elle ne veut pas s'avouer, elle se dit que la sœur de son petit-ami est bien plus charmante que lui.
She got a sweet touch that a man never gave me
⚘ Été 1973
— Holkham, comté de Norfolk, Angleterre
Elle ne sait plus trop comment elle est arrivée ici, Garance, le cerveau enveloppé dans une brume cotonneuse qui lui donne l'impression de ne plus toucher le sol. Elle se souvient du portoloin qu'elle a pris avec son groupe d'amies, du petit village dans lequel elles ont atterri, de l'immense manoir qu'elles ont loué toutes ensembles – c'est l'un des avantages d'avoir des familles fortunées. Des vacances entre copines, avant d'entrer en septième année puis dans la vie
d'adulte. Pas de parent, juste elles et des discussions d'adolescentes sur les trois canapés du salon, le balcon depuis lequel elles voient la mer ou la plage déserte. Cette même plage sur laquelle se trouve en ce moment Garance, mais seule. Elle a perdu le reste du groupe, ou peut-être s'en est-elle éloignée, elle ne sait plus vraiment.
Tout ce à quoi elle pense, ce sont ces lèvres contre les siennes qui lui donnent l'impression de revivre. Le cœur qui bat plus fort, les papillons dans le ventre, l'envie que cet instant dure éternellement. Un baiser comme elle n'en a jamais connu avec les petits-amis qu'elle a eus à Poudlard. C'est tout ce que décrivait le dernier roman à l'eau de rose qu'elle a lu. La seule différence, et elle ferait sans doute défaillir les parents MacMillan, c'est que c'est une femme qui l'enlace. Pourtant, Garance elle ne s'est jamais sentie aussi bien en étant si proche de quelqu'un. C'est juste une amourette de vacances, elle le sait, ça ne pourra pas durer. Mais ça suffit à lui faire comprendre pourquoi elle n'a jamais rien ressenti dans les bras d'un homme. Et c'est aussi terrifiant que grisant, d'enfin se sentir à sa place.
Mais tu voudrais qu'elle soit ta reine ce soir
Même si deux reines c'est pas trop accepté
Mais tu voudrais qu'elle soit ta reine ce soir
Toi, les rois tu t'en fous c'est pas c'qui t'plaît
Écoute chérie, j’ai tout mon temps
Juillet 1974 ⚘
Manoir des MacMillan, Londres —
Voilà quatre semaines que Garance a quitté Poudlard, et l'école commence à énormément lui manquer. Elle compense les cours de botanique en passant une grande partie de ses journées dans le jardin, ce qui lui permet aussi de fuir un peu les discours interminables de ses parents, mais pour le reste elle se sent si seule qu'elle se demande si elle n'aurait pas mieux fait de rater ses ASPIC. Pourtant elle le sait, qu'une femme de son rang ne peut pas échouer et donc sûrement pas redoublé. Mais elle se sentait vivante, dans la salle commune des bleus et bronzes, durant les cours de sortilèges, après les explosions provoquées par sa binôme de potions. Dans l'immense manoir de ses parents, elle se sent très seule et elle s'ennuie. Elle ne peut plus voir aussi souvent Isaac depuis qu'ils ont été diplômés, d'autant plus depuis qu'il a déménagé dans un quartier où les MacMillan refuseraient que leur fille soit vue. Alana ne donne plus de nouvelles depuis des années. Il n'y a que les soirées mondaines auxquelles elle
se doit d'aller. Et soyons honnêtes : elles ne sont pas bien palpitantes comparées aux balades nocturnes dans les couloirs de l'école.
Les parents n'ont qu'un seul sujet à la bouche : les fameuses fiançailles de la sœur aînée. Bientôt viendra le mariage, la famille en parle comme si c'était l'événement de l'année – ça l'est, pour les MacMillan. L'accomplissement absolu pour une femme de la haute société sorcière : un homme bien élevé et de bonne famille lui a passé la bague au doigt.
C'est merveilleux, tout le monde le dit et le répète – il n'y a sûrement que Garance qui sent son ventre se tordre dès que la discussion revient pendant un repas. Tout ce qu'elle voit, la cadette, ce sont les pressions qui s'éloignent de la sang-pur accomplie pour se diriger droit sur elle. À peine diplômée et déjà on voudrait la voir se ranger dans une vie bien propre. Ce n'est pas ce qu'elle veut mais c'est ce qu'elle devra faire, n'est-ce pas ?
TW : Hôpital (cécité)
Hold on to this lullaby even when the music's gone
⚘ Janvier 1976
— Hôpital Sainte-Mangouste, Londres
Après une profonde inspiration, Garance pousse doucement la porte de la chambre d'hôpital. Son regard se pose sur le lit d'hôpital et aussitôt son palpitant se serre.
« Marraine, c'est moi. » La jeune femme essaie de parler fort pour être sûre que sa voix porte, mais elle sent bien qu'elle tremble aussi. Elle ne doit pas pleurer, elle ne veut pas l'inquiéter. Pourtant, voir Elvira ainsi, ça lui fend le cœur. Sa marraine a toujours été la figure forte à laquelle elle s'accroche sans cesse, ce modèle de vaillance et d'héroïsme qu'elle regarde avec des étoiles dans les yeux depuis qu'elle est haute comme trois pommes. Mais aujourd'hui, c'est à elle d'être courageuse malgré la boule qu'elle a dans la gorge. Alors elle s'approche du lit et glisse doucement sa main dans la sienne.
« Je t'ai apporté une peluche. » Garance sait qu'elle ne peut pas la voir, cette idée suffisant à lui tordre un peu plus le ventre. Elle la pose délicatement contre la main libre de sa marraine pour qu'elle n'ait pas à tâtonner, puis la lui décrit pour remplacer sa vision qu'elle n'a pas encore retrouvée depuis l'incident.
« C'est un petit aigle, aux couleurs de notre maison. C'est pour qu'il reste avec toi quand je suis pas là. » La jeune MacMillan sait bien que son tonton veille toujours sur sa femme, mais elle déteste l'idée de ne pas pouvoir être présente à chaque instant de sa convalescence. Elle se déteste de devoir rester au manoir alors qu'elle n'y fait rien d'extraordinaire, ou en tout cas rien d'aussi important que d'être auprès d'Elvira.
Pourtant sa mère tient à toutes ces réceptions, affirmant que c'est la meilleure manière de lui trouver un bon fiancé – si seulement elle savait –, et Garance ne sait que se plier à ses attentes. Elle ne se plaint même pas auprès de sa marraine, parce qu'elle sait que cette dernière souffre de maux bien plus graves. Elle se contente de s'excuser de ne pas être là assez souvent, et comme toujours elle obtient son pardon sans aucun des reproches que pourraient lui faire ses parents. C'est Elvira, après tout. Elvira qu'elle serre doucement contre elle pour lui apporter le peu de courage qu'elle a en stock, car elle sait à quel point sa marraine souffre de la situation.
« Ça va aller, ils s'occupent bien de toi ici. Ils vont te soigner. » Elle ne peut pas croire le contraire, Garance. Elle ne peut pas s'imaginer un monde où Elvira ne verra plus jamais ses sourires, parce qu'au moins avec elle ils sont sincères.
Mais je pense qu'un jour elle acceptera
Qu'elle aussi elle t'aime un peu plus fort
Moi je crois aux histoires auxquelles les autres
Ne croient pas encore
TW : Grossesse, hétérosexisme
Je suis complètement normal, complètement banal
Avril 1979 ⚘
Manoir des MacMillan, Londres —
Garance ne sait pas combien de fois elle a entendu le mot
bébé aujourd'hui, et elle n'a même pas la patience de les compter. Elle a juste besoin d'une pause, et comme souvent le jardin du manoir lui sert de parfait prétexte. Cette fois ce sont les bégonias – des fleurs magnifiques mais très demandeuses en eau – qu'elle affirme devoir arroser, s'excusant poliment avant de quitter le salon une fois sa tasse de thé terminée. La nouvelle a fait sensation, éclipsant complètement les études de la benjamine de la conversation. Leur grande sœur est enceinte, son mari et elle étant venus prendre le thé pour l'annoncer à la famille MacMillan. Les félicitations sont de rigueur : elle porte dans son ventre un héritier pour leur nom et leur sang. Garance a fait de même sans hésiter, affichant un grand sourire malgré son palpitant étouffé.
Bien sûr, elle est réellement contente pour son aînée, de toute façon elle ne saurait lui souhaiter de malheur. Mais plus cette dernière coche les cases de la parfaite MacMillan, plus le fait que la grille de Garance soit absolument vierge, excepté pour le diplôme, se remarque. Alors c'est vrai, la cadette aide à l'organisation de belles réceptions et est une jeune femme très charmante. Elle participe aux mondanités, est une bonne hôte dans le manoir de ses parents, une invitée très courtoise chez les autres. Mais à son bras ne se trouve aucun sang-pur prêt à lui passer la bague au doigt, et à bientôt vingt-trois ans ça devient problématique. Évidemment, ses parents lui cherchent un bon parti dès qu'une soirée de la haute leur en donne l'occasion, mais pour l'instant rien ne convient à leur deuxième fille. Si seulement ils savaient qu'elle rêve d'une princesse, ils perdraient beaucoup moins de temps à fouiller parmi ces princes au sang si pur.
TW : Hôpital, mention d'agression
The world is spinning like a weather vane
⚘ Janvier 1980
— Maison d'Elvira Carter, Londres
Blottie dans les bras de sa marraine, Garance sanglote depuis ce qui lui semble être une éternité. Elle s'est tellement retenue à l'hôpital qu'à présent elle n'en est plus capable, tremblant comme une enfant tandis qu'Elvira la berce doucement. Depuis qu'elle est petite, sa mère lui dit de toujours apparaître la tête haute en public, alors elle ne voulait pas lui faire honte. Elle est une MacMillan, après tout, et une femme de son rang ne peut pas se permettre de s'effondrer. C'est mauvais pour l'image, et il n'y a rien de plus important dans ce monde d'or et de soie. Pourtant, pleurer est la première chose qu'elle aurait voulu faire en entrant dans cette maudite chambre d'hôpital. Elle a eu l'impression d'être revenue quatre ans en arrière, mais cette fois c'est sa petite sœur qui était alitée. Elle était si pâle que sa peau pouvait se confondre avec les draps, sans parler de tous ses bandages prouvant l'attaque dont elle a été victime. L'image reste gravée dans l'esprit de son aînée qui a tout d'abord peiné à y croire.
La benjamine MacMillan fait partie des
survivants de l'attentat qui a eu lieu sur le chemin de Traverse, d'après le dernier numéro du
Daily Prophet. Usant d'armes non-magiques, des moldus ont agressé des sorciers et sorcières en pleine rue pour une raison qui échappe complètement à Garance. Les quelques amis nés-moldus qu'elle avait lui ont toujours fait croire qu'une cohabitation était possible, en dépit des paroles bien moins clémentes des parents MacMillan.
« Ils sont pas tous comme ça, pas vrai ? » Elvira la garde contre elle mais fait en sorte de croiser le regard de sa filleule encore sous le choc.
« Non, bien sûr que non. » Et s'il y a une personne dont la jeune femme croirait le moindre mot sans en douter, c'est bien sa marraine. Pourtant dans le fond, il reste cette peur que ça ne soit pas le premier. Si l'attentat de Pré-au-Lard ne l'avait pas autant ébranlée, celui-ci lui rappelle à quel point la vie est courte. À quel point elle gâche la sienne en la passant enfermée dans un manoir alors que ce n'est pas ce qu'elle voudrait.
TW : Hétérosexisme
Don't you worry, don't you worry, child
Avril 1980 ⚘
Maison d'Elvira Carter, Londres —
Triturant nerveusement les bords des parchemins qu'elle a pourtant enroulés avec soin le matin même, Garance affiche un sourire nerveux. Elle appréhende l'échec avant même d'être confrontée au risque que ça en soit un, ça manque un peu de sens mais ça n'étonne pas sa marraine.
« Tu es sûre ? » Elle a l'air tellement confiante par rapport à sa filleule, c'est à se demander qui a décidé de prendre sa vie en main .
« Évidemment, allez donne-les-moi. » La jeune femme s'exécute et lui tend le rouleau de parchemins. Elvira le récupère puis le range dans son sac. En retournant à Poudlard après les vacances, elle a promis de faire passer son CV – un peu maigre – et sa lettre de motivation au directeur de Poudlard. Garance convoite le poste d'assistante de la professeure de Botanique, ayant appris par sa marraine que le poste serait libre à la fin de l'année scolaire.
« Le dis pas aux parents, s'il te plaît. » Elle sait qu'il suffit qu'elle le lui demande pour que sa marraine tienne sa langue, alors elle préfère le préciser. Elle ne leur en a pas parlé, n'ayant pas envie de perdre du temps et de l'énergie en argumentation si ça ne mène à rien. Aussi parce qu'elle se doute qu'il désapprouverait son choix, dans le fond.
« Je leur dirai si je suis prise. » Sinon, ils n'en sauront jamais rien, après tout ça n'a pas d'intérêt de leur dire qu'elle a voulu quitter l'ennui de femme au foyer pour enseigner à Poudlard si sa tentative n'aboutit pas. Pourtant, Garance n’en peut plus de rester à la maison, au point que pour une fois elle a écouté ses envies avant celles de ses parents, toujours obsédés par l'idée de lui trouver un digne fiancé. C'est aussi pour cela qu'elle se renseigne sur les possibilités d'études supérieures auxquelles elle pourrait accéder malgré son manque d'expérience, les brochures de l'Université Magique d’Écosse comme lecture du soir. Professeure est un métier qui lui fait de l'œil, indéniablement inspirée par sa marraine qu'elle admire – et la MacMillan n'a ni le courage ni l'ambition de devenir Auror. Les candidatures s'ouvrent en juillet... Elle candidatera sûrement. Elle veut se sentir libre, au moins un petit peu, même si ça ne sera jamais suffisant. L’oiseau est piégée dans sa cage dorée, trop effrayée pour s’enfuir réellement. Alors au lieu d'avoir le courage de leur expliquer qu'aucun prince ne pourra jamais la rendre heureuse, elle se répète qu'un jour elle y arrivera. Elle arrivera à se faire à l'idée que c'est à un homme qu'elle va se marier, parce que c'est ainsi que tourne le monde. Qu'importe ses désirs à elle, dans le fond, parce que personne n'en a rien à faire.
Et tu voudrais qu'elle soit ta reine ce soir
Même si deux reines c'est pas trop accepté
Mais tu voudrais qu'elle soit ta reine ce soir
Toi, les rois tu t'en fous c'est pas c'qui t'plaît
Ta Reine by Angèle- Crédits :
– Ben Toms : la grande photo
– ghostling : gifs 1, 3, 12
– HelloDollFac3 : gif 2
– Daily American Horror Story : gifs 4, 5, 6
– billielourdarchive : gif 7
– TaintedGray : gifs 8, 9, 10, 11
- Réponses au questionnaire de @addythepotato (Instagram):
Qu'est-ce qui pourrait briser complètement votre personnage ? D'être rejetée par les personnes qui lui sont les plus proches (Elvira, sa petite sœur, etc.) à cause de son homosexualité. Si même elles ne peuvent pas l'accepter, c'est qu'il y a forcément un truc qui cloche chez elle.
Quel a été le meilleur moment de sa vie ? Ses vacances d'été de 1973, où elle est tombée amoureuse d'une autre femme et a réalisé qu'elle n'était pas anormale parce que les hommes ne lui faisaient rien ressentir.
Quel a été le pire moment de sa vie ? L'hospitalisation de sa marraine, elle a vu son héroïne s'effondrer et il n'y avait rien de plus terrifiant.
Quel souvenir même insignifiant reste toujours dans sa mémoire ? La recette du clafoutis que lui a apprise Elvira, c'était le gâteau qu'elle faisait lorsque sa filleule passait l'après-midi chez elle.
Votre personnage travaille-t-il dans le but de se payer ses hobbies ou les utilise-t-iel à défaut pour combler les moments de la journée où iel ne travaille pas ? Elle a choisi de travailler parce qu'elle n'en pouvait plus de la vie de femme au foyer, les hobbies ne lui suffisent pas.
Qu'est-ce que votre personnage aurait du mal à avouer ? Qu'elle est homosexuelle.
Quel rapport votre personnage a-t-iel au sexe ? Elle n'en parle pas, ne veut pas en parler, et si ça devait arriver elle deviendrait rouge comme un coquelicot. Et peut-être qu'elle s'enfuirait.
Combien d'amis a votre personnage ? Ça se compte sûrement sur les doigts d'une main.
Combien d'amis voudrait avoir votre personnage ? Un peu plus, elle n'aime pas trop être seule.
À propos de quoi votre personnage pourrait-iel faire une scène en public ? Rien, c'est pas du tout le genre de Garance. Peut-être si on s'en prend à sa petite sœur, mais en vérité cette dernière est bien plus apte à se défendre elle-même.
Pour quoi votre personnage serait-iel prêt/e à donner sa vie ? Sa petite sœur et sa marraine, mais c'est surtout en théorie. En pratique, elle tétaniserait sûrement.
Quel est le principal défaut de votre personnage ? Son côté angoissé et trop réservé.
De quoi votre personnage se préoccupe-t-iel ou fait-iel mine de se préoccuper ? Elle fait mine de se préoccuper du fait de faire un beau mariage et de l'importance d'avoir des héritiers pour préserver le sang pur au sein de la lignée... Elle ne veut ni l'un ni l'autre.
En quoi l'image que souhaite projeter votre personnage d'elle/lui-même diffère-t-elle de ce que perçoit son entourage ? Elle veut apparaître comme une jeune femme de son rang sage et disciplinée, mais souvent on la perçoit juste comme la gamine coincée qui n'a rien de bien intéressant.
De quoi votre personnage a-t-iel peur ? Plein de trucs. Les chiens, ça la terrifie. Le rejet de sa famille à cause de son homosexualité. La mort de ses proches, parce qu'elle ne saurait pas vivre sans eux (particulièrement sa marraine et sa petite sœur). Mourir aussi, ça la fait flipper.