Wouldn’t give my love for nothing...
I don't remember
When I was young
I don't recall the day when I first saw the sun
But what I am certain
What is enough
Is just to remember that once, once I was loved
Octobre 1956
— Maison des Standford, périphérie de Londres"Charlotte-Eléonore, je t’ai déjà dit d’écrire avec la bonne main ! Regarde, l'encre a bavé et tu en a plein la manche..." La gamine de sept ans réprime un soupire en faisant passer sa plume à droite. Elle jette un regard blasé à la manche de son pull sur laquelle s’est étalée une belle tache bleue. Elle s’en fiche un peu, elle sait que sa maman peut y remédier d’un coup de baguette. En revanche, ce qui l’embête, c’est d’écrire avec cette main qu’elle n’a pas choisie et surtout que sa mère l’appelle ainsi. Elle ne peut pas l‘appeler Charlie comme tout le monde ? Il n’y a qu’elle pour utiliser son prénom… Heureusement, c’est son papa qui lui a trouvé ce joli diminutif (mais c’est surtout parce qu’il a du mal à le prononcer sans que son accent américain le rende incompréhensible). C’est un prénom de garçon mais elle l’adore, ça lui donne un côté courageux qu’elle ne peut décidément pas crédibiliser en s’appelant Charlotte-Eléonore. C’est un nom pour les princesses ou les petites bourgeoises d’après la gamine, et elle est loin de correspondre à cette étiquette. Charlie, elle construit des cabanes dans les arbres avec son papa, elle se bat à l’école quand on embête ses copines et elle va super vite quand elle enfourche son vélo. Elle sait que sa maman ne pensait pas à mal en l’appelant ainsi, ce prénom lui plaisait, voilà tout. Comme il lui plaît davantage qu’elle écrive de la main droite pour éviter de subir les brimades de ses pairs à l’école car on croit encore que les gauchers sont des oiseaux de mauvaise augure. Cependant, elle est encore jeune et il n’y a que sur son prénom qu’elle peut s’imposer pour l’instant. Elle répète donc à qui veut l’entendre qu’il faut l’appeler Charlie. Elle a sa part de féminité mais elle ne souhaite pas qu’elle occulte pour autant sa masculinité, il y a un équilibre pour tout. Et s'appeler Charlotte-Eléonore, ça fait pencher la balance du mauvais côté, voilà.
Août 1957
— Sur une plage de la Costa Brava, Espagne
"Va plus vite, Charlie ! Fonce !" Sur la plage, son papa s'époumone pour l‘encourager mais Charlie ne parvient pas à faire décoller son cerf-volant. Il vient de piquer droit dans le sable malgré les efforts de la petite fille. Dépitée, elle va le chercher et revient vers son père en traînant les pieds.
"T’es sûr qu'il est pas cassé ?" demande-t-elle d’un air boudeur. Elle déteste être confrontée à l’échec. Son père se tourne pour regarder le drapeau vert à peine agité par la brise au fond de la plage. Aujourd’hui, la mer est calme mais le temps n’est pas idéal pour faire voler un cerf-volant. D’ailleurs, ils sont les seuls à s’y essayer ce jour-là.
"Il n’y a pas beaucoup de vent aujourd’hui, mon coeur. C’est pour ça qu’il a du mal à décoller." Vaincue par les éléments, Charlie s’assoit dans le sable en marmonnant.
"C’est nul..." La gamine est déçue. La veille, elle a vu des gamins jouer sur la plage, ils étaient si heureux. Et le spectacle aérien de leurs cerfs-volants était incroyable. Quand elle les a vus à l'œuvre, elle s’est arrêtée pour demander à son père ce que c’était. Il lui a alors expliqué que ces enfants étaient des Moldus et que cela faisait partie de leurs divertissements en vacances. Tout excitée, Charlie l’a supplié de lui en acheter un aussi mais elle ne pensait pas que ce serait si difficile de l’emmener tutoyer les nuages.
"On aura peut-être plus de chance demain," suggère son père en s’asseyant à ses côtés. Il lui propose de lui offrir une glace mais la petite blonde secoue la tête pour refuser. Ce qu’elle veut, c’est du vent, MAINTENANT. C’est ce qu’elle martèle inlassablement dans sa tête en fusillant le pauvre cerf-volant du regard.
Soudain, une bourrasque de vent s'engouffre dans les voiles du jouet et le propulse dans les airs. Charlie rattrape la ficelle de justesse et se lève d'un bond en criant.
"Regarde papa, ça y est !!" Trépignant de joie, la gamine sautille sur le sable en tirant la corde tendue de son cerf-volant. Surpris d’un tel changement climatique, monsieur Standford se tourne vers le drapeau pourtant toujours inerte au fond de la plage. Il n’y a pas la moindre bourrasque de vent qui aurait pu soulever le jouet de sa fille. Un mince sourire étire ses lèvres lorsqu’il comprend que c’est Charlie qui a provoqué les éléments pour les soumettre à sa volonté. Il s’approche doucement et se penche pour murmurer à son oreille.
"C’est toi qui a fait ça ?" Intriguée, la petite blonde se retourne en fronçant les sourcils.
"Hein ?" Dès la seconde où elle détourne son regard du cerf-volant, il retombe sur le sable. En l’entendant s’écraser, Charlie fait volte-face et la déception assombrit à nouveau son regard. Son papa hoche alors la tête d’un air entendu. C’est la première manifestation des pouvoirs magiques de sa fille, elle n’en a même pas eu conscience.
"C’est bien ce que je pensais." Il se met à genoux derrière la petite fille et l’entoure de ses bras avant de déposer un baiser sur sa joue.
"Concentre-toi sur le cerf-volant, Charlie. Tu peux le refaire. Pense à tout le vent qu’il faudrait pour le faire décoller." Incertaine, la gamine se remet à fixer le cerf-volant en suivant les conseils de son père. Il ne lui faut que quelques secondes pour expulser le jouet dans les airs. Extrêmement fier, son papa laisse éclater sa joie.
"C’est ça ! Reste concentrée sur le vent !" Aussi heureux que sa fille, il se lève et l’attrape par la main pour l'emmener courir au bord de la mer et entraîner le cerf-volant partout autour de la plage. Charlie l’ignore encore mais elle est née avec le don de maîtriser la magie de l’air. Une aéromancienne est née sur la plage, ce jour-là.
Septembre 1960
Grand hall de Poudlard, Ecosse —Mon amour,
Ton père et moi sommes si heureux que tu te plaises déjà Poudlard ! Ni lui ni moi ne connaissons les traditions de cette école ni de ces maisons, mais la description que tu nous as donné de Serpentard te correspond à merveille. Tu nous manques déjà, j’ai hâte que tu rentres aux prochaines vacances pour nous raconter en détails tout ce que tu auras vécu dans ce château. En attendant, ne sois pas en retard en cours et n’oublie pas de te brosser les dents tous les soirs. Avec tous les bonbons que tu manges, il ne faudrait pas que tu attrapes une carie alors que tu dois étudier ! Je t’aime,
Maman
Amusée, Charlie replie la lettre de sa mère en farfouillant dans le paquet rempli de confiseries qu’elle lui a fait porter par hibou. Elle découvre ensuite un deuxième feuillet sur lequel elle reconnaît l’écriture de son père.
Salut mon ange,
Ta mère ne voulait pas, mais j’ai réussi à la convaincre de t’envoyer cet assortiment de bonbons ! Un peu de douceur dans ce monde, ça ne fait de mal à personne. Je sais que c’est difficile pour toi, cette nouvelle école où tu ne connais personne. J’espère que tes copines de dortoir sont sympas. Te laisse pas embêter par les autres élèves et écris de la main que tu préfères. Si tu te sens menacée, frappe la première : je préfère te savoir en retenue plutôt qu’à l’infirmerie parce qu’un petit con a voulu jouer au plus fort avec toi. Évite de te battre trop souvent quand même… Et si tu as besoin de tranquillité, n’oublie pas que tu te trouves dans un vieux château écossais, il doit y avoir des passages secrets un peu partout ! A bientôt Charlie.
Papa qui t’aime jusqu’à la Lune.
Le menton de la petite blonde tremble en lisant ses lignes. Son père sait la cerner mieux que quiconque dans ce monde parfois trop bruyant. C’est vrai qu’elle agit souvent comme un animal sauvage et qu’elle a du mal à se faire des amis. Mais au fond, elle préfère souvent la solitude aux piaillements incessants des autres enfants. Cela ne la dérange pas d’être seule, elle veut juste qu'on respecte son espace personnel et qu’on ne l’appelle pas Charlotte-Eléonore à tout va. Si elle a un ami ou deux dans ce château, ça lui suffira amplement. D’ailleurs, la petite fille en face d’elle lorgne discrètement sur ses bonbons avec un sourire timide. Elle n’a pas reçu de courrier ce matin, mais elle semble se réjouir que Charlie ait reçu deux lettres et un paquet de confiseries. Elle a l'air gentille, elle pourrait être son amie. Il paraît qu’il est important d’en avoir,dans la vie, alors la petite blonde prend son courage à deux mains pour l’aborder. Elle saisit sa boîte pour la tendre dans sa direction. C’est peut-être le début d’une belle amitié, après tout.
"T’en veux un ? J’m’appelle Charlie."Don't you worry what you're gonna lose
In the heat of the moment
We're rushing into something new
But we're keeping it focused
Janvier 1972
— Ministère de la Magie, Londres
Tout le monde est là. Ses instructeurs, ses collègues de promo, ses parents… Charlie inspire à fond. Ça fait beaucoup de monde mais aujourd’hui, il faut surmonter sa hantise de la foule car il a tant à célébrer. Un frisson s’empare de la jeune femme lorsque le directeur dela Justice magique prononce son nom. Tout en lissant nerveusement les pans de la robe représentant désormais sa fonction, l’ancienne Serpentard monte sur l’estrade pour recevoir les félicitations de la profession. Ce soir, avec ses camarades, ses efforts sont récompensés et elle est nommée Tireuse d'Élite, et travaillera désormais pour le Ministère de la Magie. Parmi les spectateurs, ses parents applaudissent à tout rompre. Les larmes de fierté voilent leurs regards et Charlie ne saurait être plus fière de les voir ainsi. Elle est devenue l’héroïne qu’elle a toujours voulu incarner pour faire régner l’ordre et la justice. Sa mère vous dira que c’est un excellent moyen pour elle de se défouler puisqu’elle ne sait pas tenir en place. Son père bougonnera en disant qu’elle manque d’ambition et qu’elle aurait sa place parmi les Aurors mais Charlie ne veut pas de cette place pour l’instant. Tireuse d’élite, ça lui convient parfaitement.
Janvier 1977
Entrepôt désaffecté, Londres —C’était un traquenard, Charlie ne le comprend que trop tard. Plaquée contre le mur rugueux de l’entrepôt où ils faisaient un contrôle de routine, elle lance un regard furieux en direction de son collègue.
"On va coffrer ces fils de trolls, les laisse pas s’échapper !" Une gerbe d’étincelles l’a contrainte à se replier pour essuyer l’assaut mais elle attend qu’une brèche lui permette de reprendre le combat. Une source anonyme les avait appelés pour saisir cet entrepôt rempli de drogues sorcières mais il s’agissait d’un piège. Quelques semaines auparavant, les Tireurs d’élite avaient coffré un baron de la drogue et visiblement, ses hommes de main les ont attirés ici pour se venger. Refusant de s’avouer vaincue malgré l’avantage du nombre de leur côté, Charlie se bat comme une enragée. Elle s’est engouffrée dans le bâtiment en jetant des Stupefix à tout va pour les neutraliser mais sans succès pour le moment. Ils ont l’avantage de connaître les lieux comme leur poche. Voyant que l'un de leurs assaillants emprunter un escalier de service, la jeune femme se lanceà sa poursuite. Ce n’est pas grave s’ils ne les coffrent pas tous aujourd’hui, elle les pourchassera un par un s’il le faut. À toute vitesse, la Tireuse d’élite monte les marches deux par deux, gravissant plusieurs étages sans se fatiguer. La fatigue, c’est pour les faibles, elle se reposera quand elle sera morte. Hurlant menaces et sommations, Charlie pousse une porte et déboule sur les toits,quelques secondes seulement après le délinquant. Le voilà cerné, il n’a nulle part où se cacher.
"Rends-toi, c’est terminé !" lui lance-t-elle alors qu’il cherche encore une échappatoire. Baguette levée, elle s’approche prudemment de l’homme.
"À genoux ! Et tes mains sur la tête." L’homme obtempère avec une lenteur agaçante. Une fois qu’il est immobile, Charlie le contourne sans le lâcher du regard et s’apprête à l’entraver à l’aide d’un sortilège. Mais au moment de prononcer la formule magique, l’homme se relève d’un coup.
"On ne s’agenouille devant personne, nous !" Tout s’est passé en une fraction de seconde. Mué par une force incroyable, le criminel lui balance un formidable crochet du droit avant de la pousser vers l’extrémité du toit. Sonnée, Charlie peine à riposter et l’homme la précipite dans le vide. Le corps de la jeune femme s’écrase trois étages plus bas, la laissant sur le bitume telle un pantin désarticulé.
My soul is so weary and beaten down from all of my misery
Oh Lord, who will comfort me?
Février 1977
Service traumatologique de Sainte Mangouste, Londres —
La chambre est plongée dans l’obscurité lorsque Charlie ouvre les yeux. Elle n’est pas morte, elle ne comptait pas déclarer forfait alors qu’elle n’avait même pas atteint la trentaine. Autour d’elle, on s’agite. Elle ne comprend pas vraiment le sens des paroles prononcées au-dessus de son lit d’hôpital. Elle a été plongée un mois dans le coma et pourtant, sa notion du temps s’effrite. Elle ne se souvient pas comment elle a atterri là, tout ce dont elle a conscience, c’est cette douleur omniprésente. La souffrance fait partie d’elle, confortablement installée dans ce corps brisé. La jeune femme ouvre la bouche pour demander ce qui s’est passé mais un babillement incompréhensible s’échape de ses lèvres à la place de sa question. La Tireuse d’élite l’ignore encore mais elle va devoir réapprendre à parler, à marcher, utiliser ses mains et tout ce qui autrefois lui semblait facile. Les médicomages l’ont sauvée de la mort mais il reste encore tant de choses à réparer dans ce corps. Lorsque ses parents ont demandé si elle pourrait à nouveau marcher, les spécialistes ont répondu que c’était possible, mais au prix de terribles souffrances et d’une détermination sans faille. Les os de son bassin ont été fracturés en de multiples endroits, certaines vertèbres ont dû être réparées mais le plus terrible a été le choc à la tête. Le traumatisme crânien a remis à zéro certaines fonctions de son corps et effacé bon nombre de souvenirs de sa mémoire. Le regard baigné de larmes, son père se tient à son chevet, un sourire forcé sur les lèvres alors qu’il caresse sa main.
"On est avec toi, ma guerrière. On va t’aider à te battre, je te le promets."So I'm burying my troubles in another cup of gin
Throwing down like water in the road
Running over memories
Falling down upon my knees
And begging him to lift this heavy load
Oh still I know I will find my happiness at last
Mai 1977
Service traumatologique de Sainte Mangouste, Londres —En sueur, Charlie prend appui sur les barres parallèles pour faire un pas de plus. La douleur irradie tout son corps et pourtant, elle se cramponne pour réapprendre à marcher. Le personnel soignant est à ses côtés pour la soutenir et lui venir en aide, mais elle refuse qu’on lui prête main forte. Elle veut livrer cette bataille seule. Durant les premiers mois, elle les a maudits. Une chance qu’elle n'ait pas été tout de suite en mesure de parler, elle les aurait injuriés sans filtre. Mais à présent, elle sait que passer ses nerfs sur eux ne mènera à rien et surtout que c’est terriblement injuste. Ils ne sont pas responsables de son malheur. L’homme qui a essayé de la tuer, en revanche, a été traduit en justice et envoyé à Azkaban, il a eu ce qu’il méritait. Maigre consolation pour Charlie qui ne s’est toujours pas remise de sa chute. Elle a rapidement retrouvé la parole mais sa mémoire lui joue encore des tours. Pour l’aider à renouer avec son passé, les parents ont passé des semaines à lui raconter sa vie en lui montrant de vieux albums photos. Ça commence à lui revenir, mais c’est surtout sa mémoire immédiate qui lui fait défaut. Près de son lit d’hôpital, elle garde une plume et un carnet dans lequel elle écrit tout un tas de choses qui lui échappent, à commencer par le nom des infirmières qui s’occupent d’elle.
Pour le reste, son corps se répare petit à petit grâce aux potions et à la rééducation dispensée par Sainte Mangouste. On la déplace encore en fauteuil roulant car elle n’est pas en mesure de marcher seule. Une dizaine de pas par jour lui semble déjà insurmontable dans la salle de rééducation, mais la jeune femme ne désespère pas. Son père lui a promis qu’un jour, ils reviendraient courir après les cerf-volants sur cette plage d’Espagne. Elle se tient à cette promesse pour redevenir cette enfant pleine d’énergie et d’insouciance. Pour l’instant, ce n’est pas gagné… Pendant sa convalescence, Charlie est devenue aigrie et s’est encore plus fermée aux autres. Elle déteste lire la pitié dans les yeux des gens qu’elle croise et elle a déjà engueulé sa mère pour qu’elle cesse de la regarder avec autant de désespoir. Elle se relèvera. Elle mettra le temps qu’il faudra mais elle se relèvera. Pour l’heure, elle est encore misérable mais elle s’estime heureuse de pouvoir cacher ses larmes de colère et de douleur derrière ses lunettes aux verres teintés. Depuis qu’elle a ouvert les yeux, ses rétines ont du mal à s'accoutumer à la lumière. Elle en souffre au point de devoir garder clos les rideaux de sa chambre et lorsqu’elle la quitte, elle porte des lunettes de soleil pour se protéger de son éclat. Elle espère que ça ne durera pas trop longtemps non plus...
Mai 1978
Département des Mystères, Londres —
"Vous me rétrogradez, monsieur ?" Elle n’a pas pu s’empêcher d’utiliser ce terme. Elle sait que c’est choquant, mais c’est la réalité : on ne veut plus d’elle parmi les Tireurs d’élite.
"Pas du tout Charlie, nous souhaitons utiliser vos compétences d'une autre manière tout en préservant votre santé," assure le directeur de la Justice magique alors que l’ascenseur les expédie dans les sous-sols du département des Mystères. Appuyée sur sa canne, Charlie doit reconnaître qu’elle est pitoyable pour son jour de reprise. Elle leur a pourtant assuré que cet état était temporaire, qu’elle avait fait de gros progrès et que bientôt, elle serait à nouveau capable de courir après les criminels.
"Vous auriez pu au moins me laisser à la paperasse du département. Je sais que j’ai l’air d’une loque, mais là c’en est presque humiliant." La jeune femme ne mâche pas ses mots, elle n’en a rien à faire, d’offenser son ancien directeur. Elle vit cette mutation pour une punition qu’elle n’a même pas méritée.
"Vous n’y êtes pas du tout, je vous assure. La direction du bureau des Mystères vous convoitait depuis un moment. Votre convalescence leur a donné disons… Un argument de plus pour vous obtenir dans leurs rangs." Charlie lève les yeux au ciel derrière ses lunettes. Elle déteste tous ces blablas mielleux.
"Je vois vraiment pas pour..." Elle ne finit pas sa phrase, les portes de l’ascenseur se sont ouvertes sur un couloir obscur. Seules des lueurs bleutées scintillent tout au bout, la lumière ambiante est presque absente, lui permettant de retirer ses lunettes. A présent, elle comprend pourquoi son accident a plus de valeur pour eux que pour le service des Tireurs d’élite.
"Bienvenue au département des Mystères, Standford. J’avoue que je vous regretterai mais c’est sans doute ce qu’il y a de mieux en attendant que vous soyez à nouveau opérationnelle."On la transfère à sa nouvelle unité pour lui expliquer l’intitulé de son nouveau poste : Gardienne des prophéties. Sa virtuosité à manier la baguette a été fortement remarquée du temps où son corps fonctionnait normalement. Elle avait même créé plusieurs pièges magiques pour intercepter les fuyards et cela lui avait valu les honneurs avant son accident. Tandis qu’elle arpente le hall des prophéties, on lui expose tout ce qu’implique son métier. Elle sera chargée de la réception des prophéties, de leur mise en sécurité sous verre et de leur recensement. Elle aura pour mission de créer des barrières magiques protectrices et faire en sorte que nul autre qu’elle n’y ai accès sans autorisation du Ministère. Elle travaillera seule, dans un bureau isolé à l’entrée du hall et exercera sous le contrôle de son département, bien sûr. Pour le reste, elle aura carte blanche sur les méthodes utilisées tant qu’elles n’enfreignent pas les droits des Hommes. Quand on lui demande si elle a des questions, Charlie sourit en silence. Seul le claquement de sa canne résonne sur le marbre du hall tandis qu’elle réfléchit. Osera-t-elle demander une faveur ? Oh et puis merde, évidemment qu’elle va la demander. Ce sont eux qui sont venus la chercher, après tout.
"J’aurai le droit d’emporter mon gramophone dans ce bureau ?" La musique l’a aidée à se relever de cette épreuve et s’ils lui disent oui, des notes de jazz résonneront toute la journée dans les couloirs des prophéties.
If the stars were mine, I'd give them all to you
I'd pluck them down right from the sky and leave it only blue
I would never let the sun forget to shine upon your face
So when others would have rain clouds you'd have only sunny days
Décembre 1978
— Service traumatologie infantile de Sainte Mangouste, LondresNoël approche et Charlie arpente les couloirs de Sainte Mangouste pour rejoindre le service des enfants. Comme eux, elle a déjà passé les fêtes seule dans un lit d’hôpital, elle connaît ce sentiment de solitude intense. Comme pour se faire pardonner d’être hors des murs de Sainte Mangouste alors qu’ils sont cloués au lit, elle passe dans les chambres de gamins qu'elle ne connaît même pas pour leur changer les idées. Ce qui leur arrive est injuste. Contrairement à eux, elle a passé une bonne partie de sa vie dans l’insouciance et sans douleur. Or la leur commence à peine qu’on leur a déjà fait du mal…
Aujourd’hui elle se trouve au chevet de Theo, un petit garçon qui a perdu son bras dans un accident de Magicobus. Son membre a été remplacé par une prothèse et naturellement, il a du mal à l’accepter. La jeune femme essaie de lui raconter des bêtises pour lui arracher un sourire mais se heurte à un mur de froideur. Elle se reconnaît en ce petit garçon, il n’a pas encore eu la chance de voir les progrès qu’il va accomplir en rééducation.
"T’es pas obligée de rester avec moi, va voir les autres enfants. Moi, je veux voir personne," lâche-t-il d’un air grognon.
"C’est clair qu’avec cette attitude, personne n'aura envie de te parler," lâche Charlie d’un ton égal. Sa réplique interpelle le gamin. Il s’attendait à ce qu’on s‘apitoie sur son sort, sans doute.
"J’ai longtemps été comme toi, j’avais même envie d’insulter les infirmières qui s’occupaient de moi," ajoute-t-elle pour lui faire comprendre qu’ils sont semblables.
"Tu comprends rien, laisse-moi tranquille !" lance le garçon sur la défensive. Un mince sourire se dessine sur les lèvres de Charlie.
"Quand on est dans ce lit, on pense être unique, c’est vrai. Mais le service est rempli de gens brisés comme nous. Tu n’es pas seul et tu n’as pas besoin de faire le vide autour de toi, il y aura toujours des gens qui pourront te comprendre." C’est pas vraiment un discours de compassion, mais Charlie fait ce qu’elle peut. Ça a le don d’énerver le gamin. Il a autant d’amertume dans le regard qu’elle quand elle était à sa place.
"Tu sais pas ce que c’est et les autres non plus ! Même les enfants d’ici, ils me regardent comme un monstre de foire !" Le cœur de Charlie se fendille. Les gamins blessés sont bien les seuls êtres humains pour qui elle éprouve de la compassion.
"J’en suis un, moi aussi, Theo." Doucement, elle relève les pans de son chemisier pour dévoiler le corset qui enserre sa taille. S’il pensait que sa canne n’était qu’un accessoire de mode, voilà qui le détrompe. Puis elle se penche en avant et écarte tout un pan de sa chevelure pour lui montrer la longue cicatrice qui sillonne son crâne.
"Tu vois, j’suis passée par là et j’en fais pas tout un fromage," ajoute-t-elle avec une moue moqueuse. Elle sait que le gosse n’a pas besoin d’être traité comme une victime, alors elle le chambre un peu.
"Si tu veux mon avis, les autres enfants te regardent parce qu'ils n'ont jamais vu un bras de super-héros comme le tien." Ça y est, un sourire se dessine sur le visage de Theo, elle gagne du terrain. Charlie enfonce le clou, c’est Noël, après tout.
"Tu crois qu’on se fera engueuler si on dessine des trucs sur ta prothèse ?" ajoute-t-elle d’un air mutin.
So we meet again my heartache
Come and join me in my pain
You're the reason I remember
Every sweet and sad refrain
4 mars 1979
— Département des Mystères, Londres
"Ça aurait dû être vous ! Vous auriez dû mourir à la place de ces gosses !" Folle de rage, Charlie abat violemment sa canne sur le bureau du Directeur des Langues de plomb. Elle n’en a rien à cirer qu’il soit son supérieur hiérarchique et qu’il pourrait la virer sur le champ, elle est ivre de colère. Un Tireur d’élite présent aux côtés du directeur fait un pas dans sa direction, prêt à la neutraliser mais Charlie lève à nouveau sa canne.
"Toi, Van Gogh, tu bouges pas !" Il a le malheur d’avoir été blessé récemment à l’oreille pendant une mission, il porte un bandage autour du crâne, et l’ancienne Serpentard en profite allègrement pour prendre le dessus. En vérité, elle sait qu’il pourrait la retourner comme une brindille pour la calmer mais le directeur du département lève la main.
"Ça suffit. Randall, vous pouvez nous laisser. Standford et moi allons discuter plus calmement." Charlie fusille du regard le Tireur d’élite qui sort du bureau. Avec sa canne en l’air, elle vacille un peu mais elle restera debout tant qu’il faudra se battre contre sa hiérarchie.
"Vous devriez vous asseoir," lui fait-il remarquer.
"C’est bon, j’suis pas en sucre," le rembarre-t-elle avant de tirer une chaise et de s’y laisser tomber sans délicatesse. Sa colonne en prend un coup mais elle n’en laisse rien paraître, par fierté.
Elle prend une profonde inspiration pour poursuivre d’un ton sec mais plus civilisé.
"Ça fait des mois que je vous avais prévenu. Des mois que j’ai signalé la prophétie de cet attentat à Pré-au-Lard et vous n’avez rien fait pour sauver ces pauvres gamins. RIEN. Pourquoi ?" Elle a envie de lui sauter à la gorge mais elle se retient le temps d’obtenir des explications.
"J’ai fait remonter l'information, croyez-moi." Son directeur cherche à se justifier mais Charlie n’en a que faire.
"C’était super efficace, je vous en remercie. Cette excuse bidon vous a aidé à dormir cette nuit ? J’en ai été malade, ils les ont massacrés. Massacrés, vous m’entendez ?" Il lui explique alors que la hiérarchie a décidé d’ignorer la prophétie pour la laisser s’accomplir. Certes, ce genre de chose ne peut être évité, mais Charlie espérait qu’ils aient posté assez d’Aurors sur le terrain pour limiter le massacre. Or les Aurors n’ont été prévenus que trop tard. Et le Ministère a laissé les Mangemorts tuer tous ces civils pour prouver au monde que la menace était réelle. Pour démontrer que les forces de Voldemort n’étaient pas qu’une chimère et convaincre les négationnistes. Charlie en a la nausée. Tous ces morts pour de la politique… Les doigts de la jeune femme serrent si fort le pommeau de sa canne qu’ils en blanchissent.
"Je vais faire une connerie si je ne sors pas d’ici tout de suite, excusez-moi. Je vous ferai parvenir ma lettre de démission dans la journée." Elle repousse rageusement sa chaise et s’appuie sur sa canne pour se barrer. Elle est écoeurée, elle ne veut plus travailler pour ce gouvernement qui sacrifie des enfants pour obtenir plus de partisans. Mais son directeur l’interpelle juste avant qu’elle ne passe la porte de son bureau.
"Ce ne sera pas nécessaire. Vous voulez faire la différence ? Écoutez donc ma nouvelle offre d’emploi..." Tant de bassesse arrache un sourire sarcastique à la jeune femme.
"Tout ce que vous pourrez m’offrir ne changera rien. J’avais énormément d’estime pour vous mais vous ne valez pas mieux que les autres." Cette fois, le directeur se lève pour lui barrer la route. Il n’est pas prêt à la perdre pour ce genre de bavure.
"Il existe un service secret au Ministère où nous agissons dans l’intérêt des citoyens uniquement. Nous sommes apolitiques et œuvrons dans l’ombre pour éviter les débordements. Nos agents ne sont pas assez nombreux mais nous les avons envoyés sur le terrain, je vous assure. Allez demander au département de la Justice qui sont les sorciers qui sont intervenus en premier lors de l’attaque et vous constaterez qu’ils appartiennent à notre service." Charlie lève un sourcil suspicieux. Est-ce qu’il essayait de lui faire du charme en faisant appel à sa soif de justice ?
"Nous sommes des électrons libres contrairement aux Aurors qui sont à la botte de la Ministre. Disposer d’un agent directement dans le service des prophéties nous serait utile, surtout quand le Ministère décide de restreindre l’accès de certaines informations comme la tragédie d’hier. Et j’ai cru comprendre que vous étiez une duelliste hors pair avant que la Justice ne décide de vous éloigner de son département. Est-ce que vous accepteriez de vous joindre à nous ?" Cette fois, la jeune femme n’a plus rien à répondre. Il a touché la corde sensible.
- Petits bonus si cette lecture ne vous a pas gonflés:
*Qu'est-ce qui pourrait briser complètement votre personnage ? Devenir paraplégique, elle n'est pas passée loin la dernière fois. Si cela devait lui arriver, par pitié, débranchez-là. Elle refuserait de vivre comme un fardeau pour son entourage.
*Quel a été le meilleur moment de sa vie ? Ses premières vacances en Espagne avec ses parents, elle y a découvert son don pour l'aéromancie.
*Quel a été le pire moment de sa vie ? Le jour où elle est sortie du coma et a dû rester alitée pendant presque un an.
*Quel souvenir même insignifiant reste toujours dans sa mémoire ? L’odeur de la nuit quand elle faisait le mur pour aller jouer dans sa cabane, étant enfant.
*Votre personnage travaille-t-il dans le but de se payer ses hobbies ou les utilise-t-iel à défaut pour combler les moments de la journée où iel ne travaille pas ? Elle est passionnée par son travail mais une petite pause de temps en temps, ça ne fait pas de mal non plus.
*Qu'est-ce que votre personnage aurait du mal à avouer ? Qu’elle a besoin d’aide.
*Quel rapport votre personnage a-t-iel au sexe ? Décomplexé. Ça va, tout le monde le fait, il n’y a pas de sujet honteux.
*Combien d'amis a votre personnage ? Assez peu, elle ne se laisse pas trop approcher.
*Combien d'amis voudrait avoir votre personnage ? Pas plus, ça lui suffit.
*A propos de quoi votre personnage pourrait-iel faire une scène en public ? Elle se vexe. quand on la prend pour quelqu’un de faible, et encore plus si c’est un homme qui propose de l’aider à faire un truc “de mec” (porter des choses lourdes, réparer un engin, etc). Merci mais non merci, elle sait faire. Vous voulez pas vous prendre un coup de canne, non ?
*Pour quoi votre personnage serait-iel prêt/e à donner sa vie ? Pour sauver un gamin, peut-être. Elle bosse pour les services secrets pour donner une bonne leçon aux extrémistes mais c’est pas pour autant qu’elle se sacrifierait pour la cause.
*Quel est le principal défaut de votre personnage ? Son insensibilité, elle est rustre au possible avec les gens qu’elle considère comme de simples connaissances ou des inconnus. Prendre des pincettes, pour quoi faire ?
*De quoi votre personnage se préoccupe-t-iel ? Elle ne l’a pas dit à grand monde, mais elle visite souvent les enfants au services traumatologique de Sainte Mangouste.
*En quoi l'image que souhaite projeter votre personnage d'elle/lui-même diffère-t-elle de ce que perçoit son entourage ? On la prend souvent pour une connasse froide et sans cœur mais en vérité, elle ne le fait pas exprès, c’est juste qu’elle ne connaît pas d’autre façons de communiquer.
*De quoi votre personnage a-t-iel peur ? Du vide, elle a un sens de l’équilibre tout émoussé depuis son accident.
*Sa vertu préférée ? Son indépendance
*La qualité qu'iel préfère chez un homme ? La capacité à la faire rire
*La qualité qu'iel préfère chez une femme ? La ténacité
*Son principal trait de caractère ? Combative
*Ce qu'iel apprécie le plus chez ses amis ? Leur manque de pitié envers elle
*Son occupation préférée ? Écouter du jazz sur un vieux gramophone
*Son rêve de bonheur ? Faire le tour du monde avec un sac à dos et sa moitié
*Ce qu'iel voudrait être ? Sa condition lui convient très bien
*Le pays où iel désirerait vivre ? Le Brésil
*Sa couleur préférée ? Le vert émeraude
*Ses auteurs favoris ? Ernest Hemingway
*Ses héros préférés dans la fiction ? Les imparfaits, ceux qui se relèvent après avoir été brisés
*Ses compositeurs préférés ? Billie Holiday, Django Reinhardt
*Ses héros dans la vie réelle ? Elle n’adule personne ici, c’est clair ? Bon ok, si une seule personne : son boss, le fondateur des Services secrets du Ministère.
*Son plat et sa boisson préférés ? Elle carbure aux sodas énergisants et au chewing-gum.
*Ses prénoms préférés ? Les prénoms mixtes. Si elle avait une fille, elle l'appellerait Billie en hommage à Billie Holiday.
*Ce qu'iel déteste par-dessus tout ? La condescendance des hommes envers sa condition de femme et d’ancienne victime
*Le don de la nature qu'iel aimerait avoir ? L’empathie. Non c’est une blague, elle n’en a rien à foutre et elle n’envie le don de personne.
*Comment iel aimerait mourir ? Brutalement pour ne pas avoir le temps de souffrir. Elle en a marre de la douleur physique.
*Son état d'esprit actuel ? Lui cassez pas les bonbons, elle n’a pas la patience de supporter vos états d’âme.