Les portes du salon de thé livrent passage à Lorraine Warren, lui offrant un environnement plus calme qu’à l’extérieur. La terrasse est presque pleine, l’été apporte un clientèle pleine de vie mais l’Américaine préfère fuir la foule et entrer dans l’établissement. Les serveurs la regardent d’un air intrigué, lui proposant même de l’installer à l’extérieur mais elle refuse, préférant la paisibilité des lieux. Elle se moque bien de leur réaction interloquée, tout ce qu’elle souhaite, c’est trouver un coin tranquille et éloigné de la clientèle.
Quelques jours auparavant, une jeune fille l’a contactée pour faire appel à ses services de médium. L’étudiante avait lu une annonce dans la Gazette du sorcier mentionnant les services du couple Warren et avait envoyé un hibou pour leur expliquer le drame qui se jouait dans sa vie. Au vu de ce qu’elle lui avait raconté, Lorraine préférait donc la rencontrer dans la partie la plus calme du salon de thé. La pauvre enfant était suffisament peinée, nul besoin d’afficher son désespoir en public… Elle avait perdu sa meilleure amie pendant l’attaque qui avait secoué Poudlard et la jeune fille était portée disparue depuis. Les autorités magiques ne parvenant pas à retrouver la trace de la Gryffondor, son amie s’était tournée vers les méthodes beaucoup moins conventionnelles des Warren. Celles de Lorraine, du moins. L’Américaine avait promis qu’elle essayerait d’utiliser son don de clairvoyance pour percevoir une trace de la disparue. Bien entendu, elle ne pouvait rien garantir, mais elle était prête à aider la jeune fille à retrouver son amie.
S’installant à la table la plus éloignée de l’entrée, Lorraine dépose son sac à main. Un des serveurs lui demande si elle souhaite passer commande mais la médium lui assure qu’elle préfère attendre son invitée avant de décider quoi que ce soit. Et cette dernière ne tarde pas à se montrer. Avec un sourire poli, Lorraine se lève pour la saluer en lui serrant la main. "Bonjour ! Naomi, c’est bien ça ? Je suis Lorraine Warren, ravie de vous rencontrer." La jeune femme s’efforce d’ajouter de la bonne humeur dans sa voix, mais elle se doute que sa cliente n’est pas au mieux de sa forme. Elle l’invite à s’asseoir face à elle et glisse dans sa direction la carte du salon de thé pour qu’elle puisse faire son choix. "Qu’est-ce qui vous ferait plaisir ? C’est pour moi…" En ce qui concerne Lorraine, un thé au citron fera largement l’affaire.
"Est-ce que vous avez pu amener les effets personnels de votre amie ?" demande-t-elle d’une voix douce. Les objets appartenant aux personnes disparues lui permettent d’établir une connexion avec leur âme d’une manière plus efficace que sans rien du tout. Lorraine le lui avait expliqué par courrier en espérant que la jeune fille ait trouvé un vêtement, un bijou ou quelque chose qui serait émotionnellement connecté à la pauvre Gryffondor. "Est-ce que vous voulez bien me parler de Lysea avant que nous ne commencions ?" Mieux connaître l’âme qu’elle recherchait était un atout supplémentaire pour se lier à elle et établir un dialogue plus fluide. Obtenir des réponses également, et c’est d’ailleurs ce qui amenait la jeune Naomi aujourd'hui. "Comme je vous l’ai dit, je ne peux pas vous garantir que mon don marchera pour retrouver votre amie mais j’y mettrai tout mon coeur." Cela étant, Lorraine pouvait d’ores et déjà ressentir la détresse de la Serdaigle. Elle ne voulait pas la décevoir.
Chaque matin depuis l'attentat, tu te réveilles avec l'impression qu'un compteur s'active dans ta tête et résonne chaque jour un peu plus fort. Malgré toi, tu comptes les jours depuis que Lysea n'est plus là. Tu sais que ce n'est pas une bonne idée mais tu n'y peux rien : c'est comme automatique, traduisant l'angoisse profonde qui t'anime depuis que tu t'es réveillée dans ce lit d'hôpital et qu'on t'a appris que ta meilleure amie avait été enlevée. Au début tu as décidé de faire confiance au Ministère de la Magie, supposant que s'ils formaient des aurors aussi compétents que Meredith alors ils sauraient la retrouver, mais après des jours et des jours sans nouvelle... Attendre sans rien faire t'était absolument impossible. Lorsque tu es tombée sur cette annonce du couple Warren, tu avais terriblement besoin d'un espoir auquel t'accrocher et tu n'as pas été capable de tourner cette page de la Gazette du Sorcier sans tenter de prendre contact avec ces personnes offrant des services de médium. Il fallait au moins que tu essaies, tu t'en serais voulue à jamais sinon. Et c'est ainsi qu'un rendez-vous a été convenu.
Ce rendez-vous, c'est aujourd'hui, alors que tu t'évertues avec bien des difficultés à ne pas te remettre à pleurer lorsque tu vérifies que dans ton sac se trouve bien un souvenir auquel tu es très attachée. Le cœur douloureusement serré, tu rejoins le Chemin de Traverse en t'efforçant de respirer le plus calmement possible pour ne pas craquer. Lorsque le salon de thé où tu as rendez-vous se dresse devant toi, tu prends une dernière inspiration avant d'en pousser la porte. À l'intérieur, une seule table est prise et tu comprends sans mal que la femme qui s'y trouve est celle que tu cherches. Tu te diriges vers elle, tentant d'esquisser un sourire poli qui n'atteint même pas tes yeux. Tu hoches la tête lorsqu'elle se souvient de ton prénom, forcée de te contenter pour l'instant du minimum de mots pour ne pas te montrer rude tant parer te semble être un exercice ardu. « Bonjour. Enchantée. » Tu t'assieds lorsqu'elle t'y invite, tes mains serrant fermement la anse de ton sac comme si tu avais peur que le précieux objet qui s'y trouve s'en échappe. « C'est gentil merci. Je vais juste prendre un thé... » Un coup d'oeil à la carte que tu ne lis même pas – tu vois un peu flou, et le parfum de ton thé n'a de toute façon aucune importance aujourd'hui. « ... à la cerise, s'il vous plaît. » Tu es incapable d'avaler quoi que ce soit de plus qu'une boisson, en réalité.
Une fois qu'un serveur est venu vous demander ce que vous voulez et que tu as réussi, la gorge serrée, à le remercier et à le regarder s'éloigner, tu reposes ton regard sur Lorraine qui a dû passer commande pour vous deux, l'air gênée. « Merci. » Oui, tu l'as déjà dit. Et aujourd'hui tu le répéteras plusieurs fois sans doute – encore plus si elle parvient à t'aider à retrouver ta meilleure amie. Et tu veux croire qu'elle va y parvenir, t'accrochant plus que tout à cet espoir pour ne pas laisser le désespoir t'envahir à l'idée de ne plus revoir Lysea. Une partie de toi s'en veut de ne pas être restée avec elle parce que, lorsque le chaos qui régnait à l'intérieur du château vous a séparé, tu as choisi de partir à la recherche de ton petit frère plutôt que de la retrouver pour rester à ses côtés. Tu étais inquiète, bien sûr, mais convaincue par ses aptitudes lorsqu'elle tient une baguette, tu as choisi de retrouver Yong qui a bien moins d'expérience. Et aujourd'hui tu t'en veux terriblement parce que ta meilleure amie a disparu et que tu estimes que c'est en partie de ta faute. Lorraine te demande si tu as pu amener quelque chose appartenant à Lysea et tu hoches la tête. Prenant une profonde inspiration, tu plonges ta main dans ton sac pour en sortir une pince à cheveux ainsi que le premier cadavre exquis que vous avez fait ensemble un peu avant Pâques. Une chance que tu l'aies apporté chez tes parents pour les vacances d'avril, sinon il serait encore dans les décombres de Poudlard, Haneul-nim sait dans quel état. « J-J-J'ai apporté ça. » Doucement, tu pousses les deux objets vers elle sur la table. Ta main tremble, tu es bien incapable de le cacher. De toute façon à quoi bon alors que ton corps entier crie à l'aide ? Tes yeux restent fixés sur ce que tu as apporté, parce que c'est plus simple que d'affronter le regard de Lorraine – aussi gentille semble-t-elle. « Ça c'est le... premier cadavre exquis qu'on a fait ensemble... C'est elle qui m'a fait découvrir ce... ce jeu. » C'était la meilleure pour vous éviter de vous ennuyer en cours, Lysea. C'était la meilleure pour tout un tas de trucs, en fait. « Et ça c'est... une pince qu'elle m'a donnée un jour en... en cours de potions... parce que mes cheveux n'arrêtaient pas de... de tomber dans le chaudron. J'ai voulu lui rendre plein de fois mais... elle a toujours dit que c'était pas la peine. » Alors tu l'as gardée, cette pince, et pour la faire sourire tu la portais régulièrement en cours de potions. « Je savais pas quoi choisir. » Réalisant qu'une larme a coulé sur ta joue pendant que tu racontais ce que représentent ces objets pour vous, tu l'essuies d'un revers de main toujours aussi incertain et t'obstine à regarder vers le bas.
Lorsque la médium te demande de lui parler un peu plus de Lysea, ta lèvre inférieure se met à trembler. Des choses à dire, tu en aurais des tas. Tu pourrais passer des heures à parler d'elle. De vos bêtises ensemble, de vos séances de révisions, de votre projet de vous mettre en colocation une fois en études supérieures. Mais sans pleurer ça te semble... Absolument insurmontable. Pourtant tu hoches la tête, parce que tu te moques bien de pleurer si ça peut aider à retrouver ta meilleure amie. Alors lorsque Lorraine se montre honnête et t'explique que ce qu'elle compte faire ne marche pas à tous les coups, tu ouvres enfin la bouche à ton tour. « Plus je vous parle d'elle, plus vous aurez une chance de la retrouver, pas vrai ? » Si c'est ça, alors le nombre de larmes que tu verseras importe peu. « Lysea est très gentille. Quand j'ai redoublé elle m'a accueillie à bras ouverts dans sa classe et... elle s'est jamais moquée de moi. Ni pour ça, ni pour ma prononciation ou... ou mon accent. » Jouant avec tes doigts comme si ça pouvait t'aider dans cette situation, tu te concentres pour retranscrire au mieux cette formidable personne qu'est ta meilleure amie. Elle t'a expliqué bien des concepts, des mots, des choses que tu ignorais sur le Royaume-Uni, sans jamais rire de ton inculture. « Elle est aussi très courageuse... elle avait peur de rien... c'est une vraie Gryffondor. » Il paraît que c'est ce qui définit cette maison, et tu trouves que ça lui correspond bien. Une larme roule sur ta joue, puis deux, mais tu les ignores. Elle a dit que ça pouvait aider, tu dois continuer. « Elle voulait devenir auror et... et moi j'étais sûre qu'elle y arrivait parce que... » Cette fois c'est un sanglot qui te secoue. Le passé et le présent se mélangent dans tes paroles – ton Anglais est bien plus hasardeux lorsque les émotions te tordent le ventre comme aujourd'hui. « Parce qu'elle est forte et... qu'elle aide les... » Elle aide les autres, Lysea, mais le dernier mot se meurt sur tes lèvres, étouffé par un sanglot bien plus brusque que le précédent. « Désolée je... » Tu essuies tes joues, étouffes un nouveau sanglot. « Elle me manque beaucoup. » Tu le murmures comme une justification de ta détresse et de ton discours terriblement morcelé.
Les portes du salon de thé livrent passage à Lorraine Warren, lui offrant un environnement plus calme qu’à l’extérieur. La terrasse est presque pleine, l’été apporte un clientèle pleine de vie mais l’Américaine préfère fuir la foule et entrer dans l’établissement. Les serveurs la regardent d’un air intrigué, lui proposant même de l’installer à l’extérieur mais elle refuse, préférant la paisibilité des lieux. Elle se moque bien de leur réaction interloquée, tout ce qu’elle souhaite, c’est trouver un coin tranquille et éloigné de la clientèle.
