Tendres souvenirs ♦ Issance

La rentrée était il y a deux jours, mais Garance se sent toujours aussi nerveuse. Si, grâce à l'habitude des soirées mondaines où elle ne peut jamais réellement être elle-même, elle feint parfaitement la sérénité devant les élèves, lorsqu'elle se retrouve seule elle se mordille constamment la lèvre inférieure pour calmer les vagues d'émotions qui s'écrasent dans sa cage thoracique. Elle ne regrette pas sa décision d'avoir entamé cette formation de professeure, mais parfois l'angoisse est forte et elle doute. Elle doute de ses propres capacités, de sa résistances face au stress, de ses possibilités de réussir. Et si elle n'y arrive pas ? Que diraient ses parents à qui elle a osé s'opposer pour entamer ses études, s'ils apprenaient qu'elle a fait tout ça pour finalement échouer ?

Chassant ses pensées parasites en secouant la tête, la MacMillan remet en place ses cheveux autour de son visage avant d'enfin oser toquer contre la porte déjà ouverte qui lui fait face. C'est pour ça qu'elle est venue, après tout : pas pour ressasser ses angoisses, mais pour se présenter face à un vieux souvenir. « Bonjour. » Elle s'avance un peu jusqu'à être bien visible par le professeur de Métamorphose et s'éclaircit la gorge. « Je suis Garance MacMillan, l'assistante de Botanique. » Elle esquisse un sourire poli. « Je venais simplement me présenter et... » Elle aimerait lui dire qu'avoir entendu son nom dans la Grande Salle l'a rassurée car elle s'est dit qu'il y aurait plus d'un visage connu pour elle parmi l'équipe enseignante du château. Que ça a fait remonter dans son esprit des souvenirs agréables car M. Bangura a toujours été un professeur avec qui elle pouvait s'instruire paisiblement, sans autre souci que celui d'être attentive et de veiller à bien retenir ce qu'il lui enseignait. Ces cours était des instants presque paisibles pour elle : le professeur particulier était exigeant, mais la pression scolaire qu'il mettait sur ses épaules lui semblait bien moins violente que celle, sociale, que faisaient peser sur elle ses parents et les réunions de la haute société. Mais tout ça, la brune n'ose pas l'avouer à haute voix. « Je-Je ne sais pas si vous vous souvenez de moi mais vous avez été mon professeur quand j'étais enfant, » explique-t-elle simplement. Toujours avec cet air réservé qui la caractérise, cette timidité qu'elle avait déjà lorsqu'elle était enfant.

Deux jours et il a parfaitement cerné qui était son apprenti : un jeune homme presque enfant selon lui, arrogant, qui ne supportait pas d’avoir été relégué au rang d’apprenti après son échec au concours et qui le tient pour responsable. Sauf qu’Issa n’a rien fait, le seul coupable dans l’histoire c’est celui qui a osé l’embaucher sans ce concours. Il veut bien croire que James est doué, mais être doué ne fait pas de vous un professeur Albus aurait dû l’envoyer étudier et passer ce fichu concours. Cela lui aurait peut-être évité à lui de se retrouver là et surtout de devoir supporter James Potter avec ses humeurs.
Il retient un soupir et commence à ranger son bureau, après une journée épuisante. Il n’aime pas faire cours à des classes, il trouve que ce n’est pas juste pour tous et que certains se perdent, abandonnent en cours de route. Malheureusement, même s’il essaie, il ne peut pas s’arrêter pour tous, pas dans ce genre de cours là. Il peut proposer au plus lent des cours d’aident, mais ils n’ont pas toujours la tête ou l’envie de le faire surtout avec autant de cours à suivre en parallèle. Au moins dans ces cours particuliers il peut prendre le temps qu’il veut avec ses élèves pour être sûr qu’il comprenne tout.
Il se tourne vers la porte de sa classe où on vient de frapper. Il se retrouve face à une jeune femme aux cheveux blonds et aux yeux noisette se tient devant lui. Elle est l’apprentie du professeur de botanique et comme la première fois qu’il la vu, il a cette impression de déjà-vu. Sauf qu’il ne parvient pas à se souvenir d’où : ancienne élève, rencontre fortuite, fille d’une connaissance ? Il ne sait pas, mais il lui sourit gentiment à son entrée.

« Bonjour Mademoiselle. »

Et voilà qu’elle se présente et un sourire plus grand se fait sur son visage. Macmillan évidement qu’il la connait, il a fait cours aux enfants de cette famille avant qu’ils n’entrent à Poudlard. Les plus âgés avaient été ses élèves au début de sa carrière, une des familles qui lui a fait confiance et qui lui a été présenté par Declan. Il est plus que ravie de voir la jeune fille n’ayant plus vraiment eu l’occasion de revoir les Macmillan depuis environ huit ans à l’entrée à Poudlard de la plus jeune d’entre eux.

« Garance qu’elle plaisir de vous revoir et de voir que vous avez souhaité devenir professeur à votre tour. Venez installez-vous. Vous souhaitez une boisson ? Du thé ? »

Il l’invite à s’installer à son bureau où ils seront plus à l’aise pour parler. Il lui sert une boisson de son choix ayant grâce à Declan l’avantage d’avoir autant de café, thé, jus et alcool qu’il est possible d’en avoir. Son ami a un penchant pour la découverte de boisson -vin plus particulièrement- et il partage ça avec lui donc leur placard pour ça est fourni. Issa a néanmoins une plus grande variété de thé que Declan.

« Bonjour Mademoiselle. » La voix de M. Bangura ramène soudainement Garance plus de quinze ans en arrière, lorsqu'elle n'était qu'une petite fille écoutant avec de grands yeux fascinés un de ses précepteurs lui enseigner tant de choses sur le monde. Sur la magie, l'Histoire des sorciers et des sorcières, les sortilèges, et tant d'autres choses qui semblaient si passionnantes lorsqu'il en parlait. Parfois ce n'était pas facile, mais il savait rendre ça intéressant et elle aimait travailler alors l'adulte qu'elle est aujourd'hui ne garde que de bons souvenirs de ses cours. « Garance qu’elle plaisir de vous revoir et de voir que vous avez souhaité devenir professeur à votre tour. Venez installez-vous. Vous souhaitez une boisson ? Du thé ? » « Du thé ce sera parfait, » assure-t-elle, choisissant la solution facile – celle d'accepter directement ce qu'il propose – plutôt que de risquer d'être pénible en lui demandant ce qu'il a d'autres. De toute façon, du thé ça lui convient très bien alors pourquoi ferait-elle des manières ? Elle refuse d'ennuyer une personne pour qui elle a tant de respect, encore plus alors qu'il s'agit de son ancien professeur particulier.

Garance est d'ailleurs assez flattée qu'il se souvienne d'elle malgré son tempérament effacée qu'on lui reproche sans cesse. Souvent, elle est celle que l'on oublie parce qu'on ne la remarque pas beaucoup, qu'elle ne fait pas de vagues ni ne s'illustre par ses propos pertinents – c'est à peine si on n'entend le son de sa voix, vous diront certains. Elle a tendance à penser que c'est particulièrement vrai dans sa fratrie. Elle est la troisième des quatre enfants, et elle est la sœur du milieu : ni celle qui semble à l'aise en toute circonstance et brille déjà par sa charmante petite famille, ni celle qu'on ne peut ignorer car elle parle trop fort – selon leurs parents, ce ne sera assurément jamais l'avis de Garance qui aime tant sa cadette – et resplendit de mille feux. Elle est celle dont on demande des nouvelles sans se souvenir de son prénom, celle à laquelle on pense en dernier, celle dont on oublie les goûts car elle ose rarement les exprimer. Mais elle s'y est faite, à cette idée, et honnêtement elle préfère mille fois cette réconfortante discrétion à la possibilité qu'on la retienne pour sa particularité.

Plutôt que de penser à cela, la jeune femme se tourne vers son aîné avec un sourire pour engager la conversation, s'évertuant à vaincre sa timidité et le rouge qui pourrait à tout moment lui monter aux joues alors qu'ils ne sont que deux dans cette salle. « Je ne savais pas que vous comptiez un jour enseigner à Poudlard. Être professeur particulier ne vous plaisait plus, ou vous vouliez simplement essayer autre chose ? » Et, comme souvent ces temps-ci, elle se rend compte trop tard qu'elle a laissé ses pensées s'exprimer avant qu'elle ne puisse les contenir. « Je, hm, vous n'êtes pas obligé de répondre si ça ne me regarde pas, désolée, » assure-t-elle d'une voix presque embarrassée. Elle s'excuse pour s'être soudainement sentie pousser des ailes en s'imaginant pouvoir parler de collègue à collègue plutôt que d'enfant à adulte.

Issa observe Garance qui a bien changé depuis l’époque où il lui faisait cours. Chaque enfant Macmillan a été doué à sa façon, mais Garance malgré sa timidité, sa discrétion est celle qui lui a semblé excellé dans toute les matières. Pas toujours avec des notes excellente, mais avec une étincelle de curiosité dans le regard qui ne semble jamais faiblir. Issa a adoré lui enseigner son savoir et la retrouver aujourd’hui à Poudlard -chose qui aurait dû être impossible étant donné qu’il n’aime pas faire cours à une classe – a quelques choses d’appréciable et ça le change de la mauvaise tête qu’est James Dimitri Potter.

« Je vous laisse choisir le thé qui vous conviendra mademoiselle. »

Alors qu’il fait chauffer l’eau d’un coup de baguette, il pose devant elle une boîte avec 24 variétés de thé blanc, vert, noir, aux épices ou encore nature. Elle a le choix et lui aussi, mais en ce moment il est très porté sur le russian earl grey dont il pioche un sachet. Il sert deux tasses d’eau chaude et ouvre une boîte de sucre qu’il pose entre leur deux tasses.

« Je suis venu à la demande de mon ami le directeur et ce pour un an, car vous avez raison je ne suis pas homme à faire cours à une classe aussi grande. Pas que j’en sois incapable, mais il m’est plus appréciable d’enseigner à peu d’élèves en même temps pour être certain de n’en perdre aucun dans le méandre d’informations que je donne en cours. »

Lance Issa en réponse à la question de la jeune femme. Une question qu’il trouve légitime, car ça fait bien longtemps qu’il est connu pour enseigner dans des cercles privés pour des enfants riches et de petits groupes à chaque fois. Non pas qu’il soit incapable de diriger des classes entières, mais il déteste voir un élève en difficulté et ne pas pouvoir lui apporter le temps nécessaire à sa compréhension optimale. Sauf qu’il ne refuse pas grand chose a Declan qui l’a aidé si souvent.

« Ne t’excuse pas Garance, tu as le droit de poser des questions. »

L’homme observe Garance qui a toujours ce truc de la jeune fille timide et pourtant curieuse qui le fait sourire. Il a des souvenirs de l’époque où il enseignait au Macmillan et ça le fait sourire. Il est toujours heureux de voir ses anciens élèves être devenu des adultes accompli ou en train de devenir des adultes avec un métier. C’est amusant de voir que Garance est en train de devenir professeur à son tour. Il est persuadé qu’elle fera un professeur adorable et pertinente dans ses cours quand le moment viendra pour elle d’enseigner. Il jettera sans doute quelques petits coups d’œil sur sa carrière pour être certain que ça passe bien pour elle, même s’il ne doute pas qu’elle y arrivera. Elle est douée, elle l’a toujours été même si elle ne s’en est pas toujours rendu compte.

« Ton apprentissage te plaît à Poudlard à Garance ? »

Lorsque Garance est revenue à Poudlard pour enseigner, elle doutait encore d'être vraiment à sa place à la table des professeurs. Pas qu'elle ne soit pas heureuse d'avoir été admise à Poudlard et d'être devenue l'assistante de Joyce, bien au contraire, mais c'est difficile de se sentir légitime après six années passées seule au manoir. Six années à ne parler qu'aux plantes du jardin de ses parents, elle se demande si elle a encore assez de pédagogie en elle pour être digne de ce poste. Bien sûr, elle pourra compter sur les conseils de sa tutrice à tout moment, mais en comparaison avec certains collègues présents à cette table qui semblaient tous si sereins, elle s'est sentie... minuscule. L'impression d'être une enfant face à des géants, ni plus ni moins. Parmi ces figures impressionnantes, elle a eu la surprise de reconnaître M. Bangura, un de ses anciens précepteurs au manoir MacMillan. Un professeur qui lui a fait forte impression alors qu'elle était enfant, si bien qu'à presque vingt-cinq ans il ne lui a pas fallu plus d'un battement de cils pour le reconnaître.

Venir à sa rencontre aujourd'hui lui a demandé du courage, celui de croire qu'elle ne le dérangerait pas en allant toquer à la porte de sa salle sans autre but que se présenter et savoir s'il se souvenait d'elle. Le fait que ce soit le cas la flatte beaucoup, elle qui est toujours la fille des MacMillan qu'on oublie parce qu'elle est terriblement discrète et timide. Mais M. Bangura se souvient d'elle et l'accueille avec toute la gentillesse du monde et une proposition bienvenue de boisson chaude. « Je vous laisse choisir le thé qui vous conviendra mademoiselle. » Il pose alors une grande boîte contenant tout un tas de sachets de thé tous plus tentants les uns que les autres. Sa préférence va à un thé blanc aux fruits rouges dont elle pioche un sachet. « Merci. » Une fois face à sa tasse d'eau chaude, elle y plonge le sachet en offrant un sourire à son interlocuteur. « Merci. » Elle se sent plus à l'aise grâce à ce thé, Garance, au point d'oser questionner son ancien enseignant sur sa présence ici.

Elle l'a connu comme précepteur et ne s'imaginait pas qu'il enseignerait un jour à Poudlard, ce qu'elle se permet d'interroger à haute voix. Avant de réaliser qu'elle s'est peut-être montée un peu trop curieuse sur quelque chose qui ne la regarde pas. Pourtant M. Bangura accepte tout de même de lui répondre sans lui faire la moindre remarque au sujet de sa curiosité. « Je suis venu à la demande de mon ami le directeur et ce pour un an, car vous avez raison je ne suis pas homme à faire cours à une classe aussi grande. Pas que j’en sois incapable, mais il m’est plus appréciable d’enseigner à peu d’élèves en même temps pour être certain de n’en perdre aucun dans le méandre d’informations que je donne en cours. » La jeune femme hoche doucement la tête, heureuse d'en apprendre un peu plus sur son ancien professeur. Elle sait qu'il était un excellent précepteur, mais ne savait pas qu'il préférait grandement cela à l'enseignement dans une école. « D'accord, je comprends. » Elle se doute que faire cours à toute une classe doit être très différent de ce qu'elle a connu enfant au manoir. « C'est gentil de votre part d'avoir accepté sa demande... après ce qu'il s'est passé. » Le fait que Poudlard ait été le théâtre d'un horrible attentat aurait pu le refroidir quant à la possibilité d'enseigner ici, ce serait parfaitement compréhensible. « Ne t’excuse pas Garance, tu as le droit de poser des questions. » Elle esquisse un petit sourire empreint de toute sa timidité. « Merci. » C'est agréable, de ne pas se voir reprocher sa curiosité. Ses parents sont beaucoup moins conciliants lorsqu'elle pose trop de questions. Chez elle, on préfère les enfants qui écoutent et obéissent à ceux qui essaient de comprendre. À force, la MacMillan a fini par préférer se taire qu'attirer des regards agacés. « Ton apprentissage te plaît à Poudlard Garance ? » La brune sourit de nouveau. « C'est encore le tout début mais oui, ça me plaît beaucoup. » Même si elle doute et stresse beaucoup, elle ne s'est jamais sentie aussi épanouie que ce dernier mois, loin du manoir et de l'ennui qui y régnait. « Ça m'a fait un peu bizarre de revenir à Poudlard pour y être professeure mais c'est... génial, comme expérience. » Et comme premier travail, elle n'aurait pas pu imaginer mieux.